En France, la filière des agroéquipements (machines mobiles pour l’agriculture, la forêt, les espaces verts et technologies de l’information et la communication associées) n’est pas suffisamment orientée vers l’international, notamment « vers les marchés émergents », pointe le le président de l’Irstea (Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture), Jean-Marc Bournigal, dans le rapport qu’il a remis le 12 janvier à la secrétaire d’État à l’Enseignement supérieur et la recherche, Geneviève Fioraso, et aux ministres de l’Agriculture et de l’Économie, Stéphane Le Foll et Emmanuel Macron.
La France est encore trop centrée sur l’Europe. Dans les machines agricoles par exemple, son principal partenaire commercial, tant à l’import qu’à l’export, est l’Allemagne. Or, pour ce type de produits, la France est « importateur net », souligne Jean-Marc Bournigal (ici sur notre photo entre Stéphane Le Foll et Geneviève Fioraso). Deuxième acheteur mondial de machines agricoles avec un montant de 4,6 milliards d’euros en 2013, la France est aussi le cinquième exportateur de la planète de ce type de produits, avec un volume de 3 milliards d’euros, se situant ainsi derrière les États-Unis, l’Allemagne, l’Italie et la Chine.
Un marché de 196 milliards de dollars en 2018
Troisième producteur européen d’agroéquipements, avec un chiffre d’affaires de 4,4 milliards d’euros, derrière l’Allemagne et l’Italie, la France doit aujourd’hui se saisir des nouvelles opportunités. Estimé en 2013 à 134 milliards de dollars, le marché mondial pourrait s’élever à 196 milliards en 2018, rapporte Jean-Marc Bournigal. Mais selon lui, «l’importance du marché intérieur » n’incite pas les PME tricolores à exporter. Du coup, les entreprises de l’Hexagone sont « à la merci des aléas de ce marché intérieur et de l’arrivée sur le marché de produits à bas coût des pays émergents (Chine, Inde, Turquie, etc.) ».
Dans son rapport, le président de l’Irstea soumet trois types de recommandations :
– « préparer l’agriculture de demain », en co-concevant des systèmes et équipements de transition agro-écologique, développant la robotique et s’engageant dans l’agriculture numérique;
– « encourager l’innovation et organiser son écosystème », en clarifiant l’écosystème de l’innovation et rendant l’innovation en réseau plus attractive aux différents acteurs;
– et « renforcer les compétences et les moyens du secteur », en rapprochant la formation des besoins, structurant les moyens d’expertise et d’essai, améliorant la présence internationale et constituant un comité stratégique de filière (CSF).
Pour Jean-Marc Bourniga, une structure du type CSF est d’autant plus indispensable que les métiers et les services liés aux agroéquipements souffrent d’un déficit d’image et d’un manque de visibilité. Ce CSF, à l’image du Comité de filière des éco-industries (Cosei) et du CSF Forêt-Bois, de création récente, pourrait définir des objectifs et des priorités d’actions en réunissant une vingtaine de partenaires, comme la fédération des agroéquipements Axema, l’Irstea, Coop de France, les pôles de compétitivité, Bpifrance ou encore le Crédit Agricole.
L’exemple italien : le travail en cluster
Parmi les actions prioritaires, l’international serait un axe majeur et plus particulièrement le développement dans les marchés émergents. « Contrairement à leurs voisines transalpines, les PME françaises peinent à s’organiser collectivement pour investir les marchés à l’export et les produits français ont parfois un positionnement prix désavantageux », observe Jean-Marc Bournigal.
En Italie, les sociétés forment des grappes ou clusters. Les transferts de technologie et de savoir-faire y étant ainsi facilités, les industriels sont à la fois plus réactifs et plus flexibles. Ils peuvent, en effet, répondre à « des demandes très spécifiques » en raison de la proximité avec les sous-traitants, mais aussi les universités et les organismes de recherche du nord de la péninsule. Les entreprises agricoles italiennes étant de taille modeste, elles peuvent d’autant plus concevoir des produits « à la carte ».
Selon le président de l’Irstea, le travail entre Axema et Business France (ex-Ubifrance) doit être poursuivi. Toutefois, c’est avec l’ensemble de la filière (semenciers, fournisseurs d’intrants, fabricants de semoirs, de remorques…) que la fédération doit mieux coopérer, notamment avec l’Adepta (Association pour le développement des échanges internationaux de produits et techniques agroalimentaires), organisme spécialisé en charge de l’accompagnement des entreprises du secteur à l’international.
François Pargny
Pour prolonger :
Lire : Agroéquipement : les Français luttent contre les importations avant d’exporter