« Nous nous sommes demandés pourquoi la France avait perdu dans les pays francophones, pourquoi elle n’avait pas aussi gagné dans d’autres. La réaction à cette approche a été très positive de la part des Africains, y compris des Africains en France », expliquait, le 4 décembre à Bercy, lors du forum économique France-Afrique, Hubert Védrine, un des auteurs du rapport « un partenariat pour l’avenir », remis récemment au ministre de l’Économie et des finances, Pierre Moscovici.
La mission pilotée par l’ancien ministre des Affaires étrangères de François Mitterrand, mandatée par Pierre Moscovici, associait Lionel Zinsou, président du comité exécutif du fonds d’investissement PAI, Tidjane Thiam, directeur général de la compagnie d’assurances Prudential, Jean-Michel Severino, directeur général d’Investisseurs & Partenaires, et Hakim El Karoui, partner chez Roland Berger Strategy Consultants.
François Hollande promet une fondation franco-africaine en 2014
Le rapport « Védrine » contient « 15 propositions pour une nouvelle dynamique économique entre l’Afrique et la France ». Parmi celles-ci, « une fondation franco-africaine publique privée pour incarner et porter le renouveau de la relation économique » a déjà été retenue par le président de la République. Clôturant le forum économique de Bercy, François Hollande a souligné que cette création était vouée « à promouvoir les talents de nos deux continents ».
Cet organisme, qui « verra le jour dès l’année prochaine », a-t-il précisé, sera piloté par Lionel Zinsou. Lors d’une conférence de presse, en marge du forum, celui-ci avançait qu’il devait bénéficier « d’un financement français et africain », « d’un appui privé-public », y compris « des collectivités locales africaines » ou « des associations qui peuvent découvrir les talents ».
Les solutions pour financer les infrastructures
Dans le rapport, deux mesures visent à répondre aux interrogations les plus souvent exprimées par les Africains. « Ce qui revient tout le temps, c’est en priorité la demande de financement pour les infrastructures, expose Hubert Védrine. C’est coûteux, nous disent-ils, longs et il faut des garanties spécifiques ». Le rapport préconise ainsi « au niveau multilatéral, d’appuyer le Fonds Africa50 de la Banque africaine de développement (BAfD) en détachant des experts français », « au niveau européen, d’élargir le champ géographique et sectoriel d’intervention de l’Infrastructure Trust Fund et d’en assouplir les modalités d’utilisation » et « au niveau national, de rapprocher la Caisse des dépôts et consignations (CDC) et l’AFD pour créer un véhicule significatif de financement des infrastructures ».
Le risque est la seconde préoccupation majeure des Africains, selon Hubert Védrine. Et c’est pourquoi les cinq rapporteurs estiment urgents de « réduire le coût de mobilisation des capitaux privés et des primes de risques appliquées à l’Afrique » par des mesures appropriées : « ouvrir le guichet Ariz de l’AFD aux fonds propres » ; «cofinancer la notation d’une quinzaine d’entreprises africaines pour amorcer l’objectivation de la réalité du risque africain » ; et « introduire à l’OCDE une proposition de réexamen technique du modèle d’évaluation des risques financiers africains ». A cet égard, il convient de noter que pendant le forum, les ministres français et leurs conseillers n’ont eu de cesse de convaincre les 600 personnalités et dirigeants inscrits de « la surestimation du risque économique » en Afrique.
Les banques ne doivent pas surestimer le risque
Autre besoin souvent exprimé par le secteur privé en Afrique, le financement. « L’accès insuffisant aux capitaux est souvent cité », rapporte Jean-Michel Severino, ancien patron de l’AFD. Le rapport offre, dans ce domaine aussi, plusieurs pistes, par exemple « créer en France un espace de place rassemblant les acteurs financiers publics (CDC, AFD) et privés (…), l’articuler avec un miroir africain pour créer un espace partenarial » ; « encourager le private equity » ; « le développement de l’assurance-vie et de l’assurance-retraite » ; et « les partenariats avec les bourses africaines ».
Pierre Moscovici a profité de l’intervention de Jean-Michel Severino pour appeler le système bancaire français à « ne pas surestimer le risque politique, économique, financier » sur le continent. Selon lui, « les banques françaises doivent changer leur regard, se montrer offensives, dynamiques et reprendre leur place ». Et, constatant la bonne santé du secteur bancaire au Maroc, le ministre a pointé la possibilité « de faire un hub financier vers l’Afrique au Maroc ».
Pierre Moscovici entend s’inspirer du rapport « Védrine » pour remobiliser la France. Une urgence. A Bercy, faisait-il remarquer, « notre part de marché (PDM) en Afrique est tombée de 10,1 % en 2000 à 4,7 % en 2011 ». Et si l’on regarde pays par pays, l’évolution est encore plus impressionnante. Nicole Bricq, la ministre du Commerce extérieur, relevait ainsi que cette PDM en vingt ans avait été divisée par deux dans les nations francophones, et, en particulier, dans les bastions que constituaient la Côte d’Ivoire et le Cameroun, chuté respectivement de 31 à 13 % et de 36 à 14 %.
Parallèlement, observait Nicole Bricq « nos parts de marché dans les pays africains anglophones peinent à décoller ». Elles sont notamment faibles dans des pays phares comme le Kenya, avec 1,5 %, et le Nigeria, avec 3,6 %.
François Pargny