C’est un Rémy Rioux (notre photo) serein qui s’est présenté, le 11 mai, pour commenter le bilan 2016 de l’Agence française de développement (AFD) qu’il dirige depuis le 2 juin dernier. Il est vrai que les premières déclarations d’Emmanuel Macron ont été rassurantes, que ce fut le 7 mai, le soir de sa victoire à la présidentielle, ou auparavant en réponse à l’ONG One qui avait interpellé le candidat d’En Marche sur l’Afrique. Le président élu, « dans son discours de dimanche, a affirmé que la France tiendra ses engagements en matière de développement et de climat. Ça a attiré mon oreille, il y avait de la force. C’était un discours contre le repli, il est élu sur un mandat d’ouverture internationale », s’est réjoui le directeur général de l’AFD.
Quelques jours plus tôt, le fondateur d’En Marche avait répondu à l’ONG One que l’aide publique au développement (APD) française, qui représente 0,38 % de la richesse nationale brute (RNB) aujourd’hui, serait portée, dans un premier temps, à 0,55 % de la RNB d’ici 2022, puis à 0,7 % en 2025, qui est le niveau auquel s’était engagé l’ensemble des pays de l’OCDE dès les début des années 70.
Quelques pays sont parvenus à cet objectif, à l’instar du Royaume-Uni et de l’Allemagne, deux pays qui ont fait l’objet avec les États-Unis, premier donateur mondial (33 milliards de dollars), de l’étude « Chercher l’accord sur l’aide publique au développement », publiée le jour même de la conférence de presse par l’ex-Caisse de coopération (voir fichier joint en pdf). Cet ouvrage pourrait nourrir la réflexion stratégique que proposera Rémy Rioux au nouveau chef de l’État.
Les énergies renouvelables en Afrique
Parallèlement à la hausse de l’APD, Emmanuel Macron a indiqué à l’ONG One que la part des projets visant des femmes devait atteindre 50 % et celle des dons être augmentée. A cet égard, l’AFD serait dans les clous, si l’on en croit Rémy Rioux, qui a indiqué que sur les 9,4 milliards d’euros d’engagements en 2016 (+ 13 % par rapport à l’exercice précédent), l’Afrique représentait déjà la moitié de l’activité à l’étranger de l’agence, le climat plus de 50 % également en valeur, et encore 50 % en nombre de projets (41 % en valeur) s’agissant les projets en faveur des femmes.
En ce qui concerne les subventions, elles s’élevaient à 1,1 milliard d’euros en 2016, ce qui reste modeste par rapport à l’activité de prêts (7,8 milliards). Si les dons seront effectivement accrus, il n’est pas question, pour autant, de réduire les prêts, a laissé entendre Rémy Rioux, même si d’autres pays ont fait un choix différent, à l’instar du Royaume-Uni et des pays scandinaves, qui délivrent seulement des dons. Enfin, sur le climat, le patron opérationnel de l’AFD a rappelé que sa maison a engagé 600 millions d’euros pour soutenir les énergies renouvelables en Afrique en 2016 et qu’elle prévoyait de lui consacrer trois milliards d’ici 2020.
L’évolution de l’AFD, a encore souligné son patron, correspond à une nouvelle trajectoire voulue par François Hollande en 2015, « une année assez atypique, durant laquelle la communauté internationale a fait un effort très puissant, à l’occasion de l’établissement des objectifs de développement durable (ODD), l’accord de Paris sur le climat et la conférence sur le financement du développement d’Addis-Abeba », s’est félicité Rémy Rioux. Le chef de l’État français ayant alors demandé à l’agence d’augmenter de 60 % d’ici 2020 son activité, afin de parvenir à près 13 milliards d’euros d’engagements annuels. Ensuite, à l’issue du Sommet Afrique-France de Bamako, en janvier dernier, François Hollande a fixé comme objectif de porter les engagements en Afrique à 23 milliards d’euros sur cinq ans.
De nouveaux chantiers et de nouveaux partenaires
La priorité clairement affichée sur l’Afrique ne signifie pas que le reste du monde est ignoré. Bien au contraire. Sur l’autre moitié des engagements en 2016, l’Asie-Pacifique et l’Amérique latine-Caraïbes ont reçu chacune 20 %, les 10 % complémentaires étant dévolus au Proche et Moyen-Orient. « Nous nous intéressons à de nouveaux pays. Nous avons ouvert à Cuba, attendons l’autorisation sur l’Argentine, explorons dans les Balkans », a précisé Rémy Rioux.
Tous secteurs confondus, 657 projets nouveaux ont été présentés l’an passé. S’il y a de nouveaux chantiers (gouvernance, industries culturelles, enseignement supérieur, innovation, numérique, éducation…), il convient de maintenir une action efficace dans les secteurs traditionnels (eau et assainissement, transports, financement du secteur privé, énergie propre, ville durable, agriculture…), a insisté Rémy Rioux, selon lequel « il faut que l’on comprenne les pays où l’on va et donc réaliser des études ». Car, « s’il faut, notamment, que nous soyons les meilleurs sur l’Afrique, après l’intelligence géographique, il faut compléter en se dotant de toutes les compétences techniques et tous les instruments financiers pour transformer la demande en projets ».
D’où l’importance de la structure maison, composée de départements techniques, confiés à des ingénieurs et des financiers qui auraient, « pour la plupart, opéré auparavant pendant quinze ans en entreprise ». A cet égard, un défi majeur attend l’établissement financier, qui, déjà riche de 2 400 collaborateurs, dont 500 en Afrique, est aujourd’hui sur un rythme de croisière de 200 recrutements par an pour réaliser tous ses objectifs.
A l’accroissement du personnel, s’ajoutent les nouveaux partenaires. Les cofinancements représentent déjà la moitié des engagements et récemment, le 6 décembre dernier, avec la Caisse des dépôts (CDC) a été conclue une charte d’alliance, donnant naissance à un fonds de 600 millions d’euros (dont 100 millions amenés par l’AFD) dédié aux infrastructures, en priorité en Afrique. « On va faire en sorte qu’il y ait une fertilisation croisée entre les experts des deux maisons, on va connecter les réseaux », a promis le directeur général de l’Agence française de développement. Début juillet, les directeurs d’agences de l’AFD et les directeurs régionaux de la CDC se réuniront. Objectif : travailler sur un plan d’actions en commun.
François Pargny