C’est en petit comité et dans le cadre convivial et décontracté du « hub » de Bpifrance, boulevard Haussmann à Paris, que Pedro Novo, directeur exécutif de l’export de la Banque publique, et Étienne Vauchez, le président de l’OSCI, fédération des sociétés privées d’accompagnement à l’international (conseil, commerce international et gestion externalisée des services export), ont signé le 17 mai leur nouvelle convention de partenariat. Celle-ci renouvelle et renforce une collaboration remontant à 2015, permettant notamment la prise en charge par l’assurance prospection (AP) d’un certain nombre de prestations de conseil. De quoi rassurer ces « privés » de l’accompagnement quant à leur place dans le dispositif public en attendant d’y voir plus clair quant à celle qu’ils occuperont dans les « Team France export » en cours de constitution en France et à l’étranger.
La nouveauté : l’externalisation du service export pris en charge par l’AP
Concrètement, que prévoit cette convention ?
D’abord, la réalisation d’opération conjointes et la promotion croisée de leurs gammes respectives de produits et services : pour Bpifrance, « l’assurance prospection, le prêt croissance international et le crédit export », pour les OSCI, « des solutions d’accompagnement des entreprises dans leur développement international ». La convention évoque également la possibilité d’un « accompagnement conjoint d’entreprises » à l’exportation et en matière d’implantation.
Ensuite, et c’est une nouveauté de taille, la convention prévoit la prise en charge par l’AP des dépenses liées à l’externalisation par une entreprise de son service export, évidemment sur justificatifs. Il s’agit de prendre en compte le fait que nombre de TPE et PME sont démunies d’un service export dédié, ce qui les entrave dans le suivi des retombées de leur prospection et les négociations avec les prospects. Département export externalisé, export manager à temps partagé ou à temps partiel, hébergement et portage pourront donc désormais être financés par l’AP.
Cette nouveauté permet donc d’aller plus loin que la prise en charge des seules prestations de conseil dans le cadre de missions ponctuelles et de poursuivre l’effort sur la première projection commerciale. De quoi réjouir les membres de l’OSCI, dont certains avaient craint un temps de faire les frais de la dernière réforme de l’AP.
La nouvelle formule de l’AP, qui permet une prise en charge de 65 % du budget d’une prospection sur 2 ou 3 ans, est en effet plus proche d’un système d’avance de trésorerie remboursable que de l’ancien système assurantiel : en échange d’un versement immédiat de 50 % du budget garanti et d’un allègement des formalités administratives, il y a un taux de remboursement minimum de 30 % exigé de l’entreprise.
« Augmenter la taille des entreprises que vous accompagnez et que nous finançons »
Comme Pedro Novo l’a rappelé, pour Bpifrance, il s’agit de ne négliger aucun levier pour parvenir aux objectifs ultimes fixés par le gouvernement : « Augmenter la taille des entreprises que vous accompagnez et que nous finançons », les « transformer y compris en les ouvrant à l’international ». Avec les consultants privés de l’OSCI, a-t-il rappelé, « nous avons un lien très fort sur l’assurance prospection ».
Étienne Vauchez, pour sa part, n’a pas boudé son plaisir pour saluer « la bonne intelligence » créée entre les membres de l’OSCI et la banque publique. Et de profiter de l’occasion pour rappeler l’apport fondamental de ces « privés » de l’accompagnement à une entreprise qui veut s’implanter sur un marché étranger : « boucher les trous entre le producteur et l’importateur », autrement dit aider le producteur à décrocher des commandes puis en assurer le suivi sur le marché local. « La où nous sommes vraiment utiles, c’est la projection commerciale » a-t-il insisté.
La succes story de Blanc crème en Chine
De fait, le témoignage apporté par Nicolas Guibert, cofondateur de la jeune entreprise de cosmétiques Blanc crème, qui développe un concept décalé autour de la gastronomie (ses produits sont dans des conditionnements type bouteilles ou pots de confiture), est plutôt convaincant.
Alors qu’il a déjà mis en place un réseau commercial dans 15 pays, Blanc crème est contactée en 2018 par deux sociétés chinoises intéressées pour décrocher l’exclusivité de la distribution de sa gamme en Chine. Il se voit alors conseillé par ses « business angels » de recourir à un OSCI pour auditer ces sociétés et négocier l’affaire avec leur concours. Bien lui en a pris : avec le concours de VVR, une SAI française bien implantée en Chine que dirige Camille Verchery, un professionnel qui parle couramment chinois, il obtient une commande ferme de 4 millions d’euros de l’une, une société familiale qui affiche 80 millions d’euros de CA, et un projet de développement en marque propre avec l’autre.
Conclusion : « sans Camille, cette négociation n’aurait pu se faire », a estimé Nicolas Guibert. Et sans l’AP, Blanc crème n’aurait pu s’offrir les services de VVR : « nous sommes en perte depuis 10 ans, a indiqué Nicolas Guibert. Mais il faut attaquer partout en même temps car vous ne savez pas ce qui peut se passer ». L’équation financière est compliquée. A présent, l’horizon se dégage : en 2018, la jeune pousse a réalisé un chiffre d’affaires de l’ordre de 1 million d’euros pour un résultat d’exploitation encore négatif de -80 000 euros; mais en 2019, grâce au contrat chinois, elle espère atteindre 1,7 million d’euros de CA pour un résultat d’exploitation positif de + 200 000 euros.
« Nous allons peut être pour la première fois pouvoir vous rembourser » a-t-il lancé en souriant à Pedro Novo. Pour Étienne Vauchez, la banque publique fait une bonne affaire en améliorant la possibilité de financement par les PME des services de professionnels : «Plutôt que de payer plusieurs missions de prospection, mieux vaut financer plusieurs commerçants implantés localement». Le directeur exécutif de l’export de Bpifrance en a convenu : « notre ingénierie financière ne sert à rien sans ces compétences là ».
Christine Gilguy