Les expéditions de vins tranquilles, champagnes, vins mousseux, liqueurs et autres spiritueux ont enregistré en 2022 un nouveau record, à 17,2 milliards d’euros, marquant une progression de 10,8 % par rapport à 2021, selon les statistiques douanières présentées par la Fédération des exportateurs de vins et spiritueux (FEVS) en marge du salon Vinexpo. Mais cette hausse, en partie imputable à l’inflation, cache une baisse générale des volumes exportés, de l’ordre de 3,8 %.
« L’année 2022 a été marquée par l’inflation qui a permis à la filière d’absorber des coûts supplémentaires sur la logistique ou le verre, résume César Giron, président de le FEVS. Au grand export, les ventes ont été favorisées par la faiblesse de l’euro par rapport au dollar. » Malgré des exportations record et un excédent commercial de 15,7 milliards d’euros (Md EUR), qui fait de la filière le deuxième pilier du commerce extérieur français derrière l’aéronautique et devant les produits cosmétiques, les volumes n’y sont pas.
Ceux des vins (incluant le champagne) ont chuté de 6,6 %. Parmi leurs 15 premiers clients, seuls l’Italie et Singapour, traditionnelle plateforme de réexport vers l’ensemble de l’Asie, ont augmenté leurs importations en volume. Le bordeaux représente 15 % des volumes et 20 % des valeurs exportées. Les IGP du Pays d’Oc comptent pour 18 % des volumes et seulement 5 % de la valeur totale des exportations de vin.
La fin des surtaxes américaines
continuent de profiter aux flacons tricolores
Après une année 2021 de forte croissance, en raison de la suspension des surtaxes de 25 % frappant les vins européens, les Etats-Unis, première destination des vins et spiritueux français, ont confirmé en 2022 leur rôle de locomotive, avec des ventes en hausse de 14 % , à 4,7 Md EUR. Les ventes de mousseux ont enregistré une forte progression (+ 20 %), tandis que les vins tranquilles et les spiritueux ont progressé en valeur de respectivement de 9 % et 13 %, tandis que leurs volumes ont reculé de 6 % et 3%.
Au total, le pays de l’Oncle Sam a absorbé à lui seul 20 % des volumes et 27 % en valeur. Pour la FEVS, « ces évolutions confirment également la tendance des consommateurs américains, révélée durant les restrictions sanitaires, à privilégier des produits et circuits de distribution (cafés-hôtels-restaurants notamment) mieux valorisés ».
Un possible retour des surtaxes, mises en place sous l’administration Trump dans le cadre d’un litige entre Washington et Bruxelles sur les subventions au secteur aéronautique, fait néanmoins planer une ombre sur ces bonnes performances. « Ces surtaxes ont été suspendues en 2021 pour une durée de 5 ans, rappelle César Giron. Il faut absolument enterrer la hache de guerre dans l’aéronautique avant l’été 2026. »
L’Asie progresse malgré l’atonie chinoise
Le ralentissement de la Chine (+ 0,5 % en valeur), du à son application stricte de la politique zéro-Covid, n’empêche pas l’Asie d’enregistrer son plus haut historique à 3,8 Md EUR (+ 5 %). Hors Chine, les expéditions françaises ont bondi de 17 %, à 2,2 Md EUR et trois pays enregistrent des progressions à deux chiffres : la Corée du Sud (+ 31 %), le Japon (+ 23 %) et Taiwan (+ 11 %).
Les vins et spiritueux français conservent cependant une part de marché supérieure à 50 % et bénéficient du retrait des vins australiens, toujours taxés entre 120 % et 200 % par Pékin. « Je suis très optimiste sur le marché chinois qui devrait repartir en 2023, confie le président de la FEVS. Les importations ne représentent que 3 % de la consommation, il y a donc encore un vaste champ de développement devant nous. »
Le marché allemand
dépasse pour le première fois le milliard d’euros
En Europe, la reprise du secteur touristique en 2022 a permis aux ventes de vins et spiritueux français d’exploser en Espagne (+ 30 %) et en Italie (+ 26 %), deux pays qui sont par ailleurs d’importants producteurs. Le Nord de l’Europe n’est pas en reste avec des augmentations de 7 % au Danemark, 6 % en Suède et 16 % en Finlande.
S’il baisse en volume, les exportations ont crû de 7 % pour dépasser le milliard d’euros. « Cette baisse des volumes s’explique par la montée en gamme des vins allemands et à un marché orienté soit sur les grands vins, soit sur un marché de prix, explique César Giron. Le distributeur Rewe a par exemple décidé de supprimer les vins de Bordeaux de ses rayons en 2023, ce qui correspond à 800 000 bouteilles. »
Enfin, le Brexit ne semble par avoir freiné l’appétence des Britanniques pour les vins et spiritueux français. Les ventes tricolores y ont augmenté de 7 % en valeur, à 1,7 Md EUR et le Royaume-Uni reste le deuxième acheteurs de flacons français. Les volumes ont néanmoins reculé de 7 % et la hausse des exportations en valeur est à mettre en regard d’une inflation supérieure à 10 %.
Au total, le chiffre d’affaires de l’Union européenne, destination d’un quart des ventes globales, a atteint 4,2 Md EUR, en progression de 11 % en valeur, mais en recul de 3 % en volume.
Explosion des ventes aux Emirats arabes unis
Dans le reste du monde, le continent africain a enregistré quelques belles progressions. Avec 120 millions d’euros (M EUR) de chiffre d’affaires, l’Afrique du Sud confirme ainsi son statut de premier client de la région et entre pour la première fois dans le top 20 des marchés pour les vins et spiritueux français.
La Côte d’Ivoire a vu ses importations augmenter de 27 % tandis que le Maroc et l’Egypte ont profité de la reprise du secteur touristique. Mais c’est au Moyen-Orient qu’a été observée la plus forte progression des expéditions tricolores. Les exportations à destination des Emirats arabes unis ont en effet enregistré une spectaculaire hausse de 80 %, à 173 M EUR.
Une performance qui s’explique par le redémarrage du trafic aérien et du tourisme, ainsi que par la reprise du travel retail (les ventes dans les duty free). Les ventes en valeur sont légèrement supérieures à ce qu’elles étaient avant le début de la crise sanitaire.
Les ventes en Afrique et au Moyen-Orient ont affiché en 2022 une hausse de 20 %, ce qui, selon la FEVS, « confirme l’importance de la diversification des marchés pour les exportateurs ». « Il faut allouer des budgets pour aller chercher de nouveaux marchés », estime son président. De fait, la production française se scinde entre des bouteilles premium fortement valorisées et des domaines en surproduction.
Le 6 février, le ministère de l’Agriculture a annoncé une enveloppe de 160 M EUR, après celle de 260 M EUR il y a deux ans, destinée à la distillation de crise. « Ces sommes auraient pu être allouées au développement de la filière à l’export », regrette César Giron.
Sophie Creusillet
Un marché à l’export tiré par le bordeaux, le champagne et le cognac
Les bulles françaises ont le vent en poupe. En valeur, les exportations de champagne ont gagné 20 % et, dans leur sillage, celles de vins pétillants ont bondi de 30 %. Moins prestigieux, ils n’ont en pas moins les faveurs d’une clientèle toujours plus nombreuse, notamment aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Asie. Du côté des vins tranquilles, les vins de Provence affichent la plus forte progression (+ 21,6 %), devant les bourgognes (+ 12,6 %) et les vins du Languedoc-Roussillon.
Les exportations de spiritueux demeurent quant à elles largement dominées par celles des cognacs (72,2 % en valeur, mais 31,6 % seulement en valeur).S.C.