La Commission européenne commence à voir rouge et elle le fait savoir. Après avoir décidé, le 11 mars, de prolonger jusqu’au mois de juin le mécanisme de contrôle des exportations de vaccins contre la Covid-19, l’exécutif a haussé le ton cette semaine, menaçant de durcir les conditions d’exportation si ses partenaires tiers ne respectent pas le principe de réciprocité.
« Nous exportons beaucoup de vaccins vers des pays qui en produisent eux-mêmes. C’est une invitation pour eux à être ouverts », s’est agacé Ursula Von Der Leyen, la présidente de la Commission, le 11 mars. « Si la situation ne change pas, nous devrons avoir une réflexion sur les exportations vers les pays producteurs de vaccins, en fonction de leur niveau d’ouverture », a insisté l’ex. ministre allemande.
Le Royaume-Uni n’exporte aucun vaccin vers l’UE
En ligne de mire ? Le Royaume-Uni, une fois encore. Depuis le mois de janvier, le bras de fer entre Londres et Bruxelles se poursuit, chacun accusant l’autre de « nationalisme vaccinal ». Selon des sources européennes, le Royaume-Uni, où sont produits uniquement des vaccins Astra Zeneca, empêcherait de facto les exportations des précieuses doses via une clause dans son contrat avec le laboratoire anglo-suédois lui accordant un accès prioritaire.
L’UE a, quant à elle, poursuivi ses livraisons Outre-Manche. Entre le 30 janvier et le 9 mars, 34 millions de doses, produites sur le territoire européen ont été exportées, dont 9 millions vers le Royaume-Uni. Dans le sens inverse « Rien », déplore la Commission. « Nous attendons toujours de voir des doses venir du Royaume-Uni. Nous invitons Londres à nous montrer qu’il peut également y avoir des vaccins exportés depuis le Royaume-Uni vers l’UE, de telle sorte qu’il y ait réciprocité », a insisté la cheffe d l’exécutif.
Pour Valdis Dombrovskis, vice-président en charge du Commerce, l’UE a fait « un effort considérable pour rester un partenaire commercial fiable et responsable ». Un argument qu’il démontre chiffre à l’appui. Depuis le mois de janvier, sur 250 demandes d’exportation vers 31 pays, 249 ont été acceptées.
Celles-ci concernent à 95 % le vaccin conçu par BioNtech/Pfizer et dont les principaux destinataires sont le Royaume-Uni (9,1 millions de doses), le Canada (3,9 millions), le Mexique (3,1 millions) et le Japon (2,7 millions). Preuve que malgré les difficultés à approvisionner ses États membres, l’UE continue à respecter ses engagements en exportant près de 30 % des vaccins produits au sein du bloc.
Rapport de forces avec les laboratoires
Jusqu’ici une seule demande sur 250 n’a pas été honorée. L’Italie est en effet le premier pays du bloc à avoir refusé, le 2 mars, l’exportation de 250 700 doses du vaccin Astra Zeneca, produites dans une usine près de Rome, à destination de l’Australie. Une décision sans précédent saluée et validée par la Commission à Bruxelles.
Alors que l’institution n’a cessé de dénoncer les retards de livraison de vaccins, promis aux Européens par Astra Zeneca, « tout à coup elle peut fournir 250 000 doses produites dans une usine européenne ? », s’est étonnée Ursula Von Der Leyen.
Même message de soutien depuis la France qui a salué la stratégie du gouvernement italien et de son nouveau Premier ministre, Mario Draghi. « L’Italie a bien fait de bloquer ces livraisons », a commenté, Agnès Pannier-Runacher, la ministre de l’Industrie, reconnaissant un « rapport de force avec les laboratoires pharmaceutiques ».
Une première dans le camp européen qui vise avant tout à envoyer un message politique fort. Une sorte de mise en garde aux producteurs qui, comme Astra Zeneca, doivent remplir leurs obligations contractuelles avec l’UE.
Un contrôle géré par les douanes nationales
Mis en place en janvier dernier, après avoir été activé une première fois au printemps 2020 pour surveiller les exportations d’équipements médicaux de protection comme les masques, le mécanisme de contrôle des exportations de vaccins vise à « s’assurer que les doses produites avec de l’argent européen ne soit pas envoyé hors de l’UE », résume une source à la Commission.
Le dispositif ne vise pas seulement à garantir la transparence sur les flux de vaccins, il peut aussi intervenir pour bloquer les exportations, comme ce fut le cas en Italie.
Son fonctionnement est simple : toutes les entreprises basées dans l’UE et qui veulent exporter des vaccins hors de ses frontières doivent le notifier aux autorités douanières nationales. Ce sont elles qui analyseront le dossier avant de décider d’accepter ou non l’exportation.
Les critères retenus sont ceux liés aux contrats d’achat anticipés signés par la Commission et dont bénéficient les États membres. Si l’exportation envisagée est jugée incompatible avec le respect de ce contrat, elle pourra être bloquée. « La décision des autorités nationales devra se prendre en bonne intelligence avec la Commission européenne », explique-t-on à Bruxelles. Ces blocages ne devront intervenir que « dans des cas très spécifiques », indique cette même source.
Prolongé le 11 mars dernier pour une période de trois mois supplémentaires, Bruxelles a également simplifié la procédure, à la demande de plusieurs États membres. Désormais, différents lots destinés à différents lieux dans un même pays tiers pourront être groupés dans une requête commune.
Kattalin Landaburu, à Bruxelles