Le 11e round de pourparlers a-t-il été marqué par un vrai coup d’accélérateur ? Les négociateurs de part et d’autre de l’Atlantique veulent le croire. Américains et Européens se sont en effet retrouvés du 19 au 23 octobre à Miami, en Floride, pour faire avancer les discussions en vue de conclure l’accord de Partenariat transatlantique pour le commerce et l’investissement (PTCI/TTIP pour Transatlantic Trade and Investment Partnership). Objectif ? Aboutir à un compromis d’ici à la fin du mandat de Barack Obama, a rappelé Dan Mullaney, le négociateur en chef côté américain. « Les deux parties ont retroussé leurs manches et se sont engagés dans un travail intensif », a commenté Ignacio Garcia Bercero, son homologue dans le camp européen. « Après cette semaine, nous avons franchi une étape supplémentaire », vers un accord, s’est-il-félicité à l’issue de cette session marathon.
Mais où en est-on dans la réalité ? Les chapitres des trois piliers du TTIP – accès aux marchés, coopération réglementaire et règles – étaient au menu de ce nouveau round de pourparlers, mais il est difficile d’être aussi optimiste que les négociateurs lorsqu’on entre dans les détails. Voici où en sont les négociations, dossier par dossier :
Accès aux marchés : marché des services, marchés publics, peu d’avancées
-Sur le premier pilier accès aux marchés, les deux blocs ont échangé leurs offres tarifaires révisées.
« Nous sommes désormais sur un pied d’égalité », a expliqué Ignacio Garcia Bercero. 97% des lignes de produits sont concernées. Les 3 % restant touchent des « produits sensibles », ont vaguement indiqué les responsables des deux blocs refusant de préciser s’il s’agissait – comme tout le monde le suppose – de produits agricoles tels que les viandes de bœuf ou de volaille. « Ces questions ne seront remises sur la table que lors de la phase finale des négociations », confiait un proche du dossier à la Commission européenne.
L’accès au marché des services a également été débattu, les deux blocs ayant procédé à l’échange d’offres dans ce domaine lors de la précédente session de pourparlers, en juillet à Bruxelles. Au sein de ce volet, le point le plus sensible concerne l’accès aux marchés des services financiers, les Européens n’ayant toujours pas proposé d’offres « sérieuses », selon Washington. Motif : « l’UE souhaite d’abord avoir une idée claire des propositions des États-Unis en matière de coopération réglementaire dans ce secteur », a indiqué le négociateur en chef côté européen. Mais les Américains freinent des quatre fers, préférant voir cette question traitée « dans un cadre international », pour reprendre les termes de Dan Mullaney, c’est à dire hors TTIP.
Le dernier volet de ce pilier, l’accès aux marchés publics – une des priorités affichée de l’UE – n’a pas encore été abordé. Les deux blocs ont, néanmoins, confirmé que ce dossier sensible serait au menu du prochain round de discussions programmé en février 2016.
Coopération réglementaire : à petits pas
-Sur le second pilier relatif à la coopération réglementaire, les chapitres horizontaux et sectoriels ont été abordés. La proposition de l’UE de créer un nouvel organe de coopération conjoint était aussi au menu des discussions, « même si la question est loin d’être tranchée », analysait une source européenne.
Sur le chapitre des obstacles techniques au commerce (OTC), les Américains auraient mis sur la table leur proposition, celle de l’UE avait déjà été déposée début 2015 et même rendue publique sur le site de la Commission. Celles concernant les mesures sanitaires et phytosanitaires ont été échangées en juillet, les négociateurs des deux blocs évoquaient d’importants progrès sur ce volet.
Outre les questions horizontales, l’harmonisation réglementaire dans neuf secteurs – l’automobile, la pharmacie, la chimie, les cosmétiques, l’ingénierie, les pesticides, le textile, les appareils médicaux, les technologies de l’information et de la communication (TIC) – est négociée parallèlement par les régulateurs des deux blocs. « Les objectifs clés dans chaque secteur devraient bientôt être définis », a indiqué Ignacio Garcia Bercero, précisant que dans le domaine pharmaceutique, les organes de régulation avaient abouti à « des avancées significatives ».
Règles : la proposition européenne de règlement des différents pas encore sur la table
-La majeure partie des chapitres du troisième pilier relatif aux Règles figuraient également au menu de ce 11e round de pourparlers.
Seules les propositions de la Commission pour réformer le mécanisme de règlement investisseur/État (ISDS) n’ont pas été mises sur la table. Les Européens préférant poursuivre leurs consultations – avec les États membres et le Parlement – avant d’entamer les négociations formelles sur ce chapitre controversé.
Sur les règles d’origine, les douanes et la facilitation du commerce, Washington aurait déposé ses propositions formelles. Concernant les droits de propriété intellectuelle, peu de détails ont filtré. Le point sensible concerne les indications géographiques, volet sensible pour les Européens. « D’importantes divergences de vue existent », a juste confirmé le négociateur en chef américain. Autre demande européenne : voir figurer, dans ce troisième pilier, des dispositions, voire un chapitre spécifique, relatives à l’énergie et aux matières premières. « L’UE veut profiter du TTIP pour se garantir un accès aux ressources énergétiques des États-Unis », détaille un responsable à la Commission.
Visiblement décidés à accélérer le rythme des pourparlers, les négociateurs des deux blocs se sont accordés pour multiplier les réunions techniques dites d’ »intersessions » avant le prochain round formel prévu en février 2016 à Bruxelles. Ces quatre prochains mois seront donc « déterminants », comme l’a souligné Dan Mullaney. Car faute de progrès décisifs dans ce court laps de temps, les négociations n’auraient plus aucune chance d’aboutir avant la fin du mandat de Barack Obama et « risqueraient dès lors de prendre un retard considérable », s’inquiète-t-on à Bruxelles comme à Washington.
Kattalin Landaburu, à Bruxelles