Une nouvelle dispute sur le fromage risque de retarder encore la mise en œuvre provisoire de l’accord de libre-échange UE/Canada, l’AECG (Accord économique et commercial global) ou en anglais CETA (Comprehensive Economic and Trade Agreement) programmée pour le 1er juillet prochain. Motif de cette querelle ? La manière dont le gouvernement canadien prévoit d’allouer les quotas d’importation de fromages européens, qui jette la suspicion sur la sincérité de ses engagements dans ce secteur.
Au terme de sept années de pourparlers, les négociateurs des deux blocs s’étaient entendus pour autoriser un contingent d’importation supplémentaire de 18 000 tonnes de fromages européens libres de droits de douane au Canada dans un délai de six ans. Si officiellement, le gouvernement d’Ottawa n’a encore rien annoncé sur les clés de répartition des ces quotas, le site de CBC news a révélé des documents qui ont mis le feu aux poudres.
Un « tour de passe-passe » des Canadiens, selon l’eurodéputé Vert José Bové
Selon ce média canadien, Ottawa voudrait octroyer 60 % de ces quotas d’importation aux producteurs laitiers et aux entreprises de transformation canadiens. De quoi déclencher l’ire de certains représentants des producteurs européens : « Ceux-ci n’importeront rien. Grâce à ce tour de passe-passe, le quota négocié par les négociateurs de la Commission européenne, n’atteint plus que 7 200 tonnes », a ainsi réagi l’eurodéputé du groupe des Verts José Bové estimant, qu’une nouvelle fois, « la Commission s’est clairement faite rouler dans la farine ». Bruxelles craint en effet que les producteurs et entreprises n’utilisent pas l’intégralité des quotas, limitant de facto l’ouverture du marché canadien aux fromages européens.
Refusant de confirmer les rumeurs sur le maintien ou non de la date du 1er juillet, pour l’entrée en vigueur du CETA, un porte-parole au sein de l’exécutif à Bruxelles a néanmoins reconnu que des échanges étaient « en cours sur les différents aspects de plusieurs règlements d’application et de mesures, notamment en ce qui concerne la gestion du contingent tarifaire sur le fromage ». Pour respecter l’esprit du traité, des quotas devraient également être alloués aux détaillants ou restaurateurs, admet-on au sein de la Copa-Cogeca, l’Association qui défend les intérêts du secteur en Europe. « Nous soutenons la Commission et nous espérons qu’elle parvienne à faire appliquer le CETA le 1er juillet », a réagi Pekka Pesonen, secrétaire général de l’organisation.
Manque d’information côté canadien
Côté canadien, les parties prenantes se plaignent elles aussi de ne pas être mieux informées quant au choix de leur gouvernement, selon le site de CBC News. François-Philippe Champagne, le ministre en charge du Commerce extérieur, aurait promis, il y a plusieurs mois, de dévoiler la méthode retenue pour l’allocation des nouveaux quotas d’importation, mais jusqu’ici aucune décision n’a été annoncée.
Lors de consultations menées l’an passé avec les différents acteurs du secteur, les détaillants canadiens avaient plaidé leur cause en avançant qu’ils étaient les mieux placés pour offrir aux consommateurs des produits variés aux meilleurs prix. Les entreprises de transformation et les producteurs laitiers avaient, eux, insisté sur leur capacité à compenser les pertes liées à cette nouvelle concurrence par les profits potentiels générés par ces importations.
Des arguments qui ont visiblement été entendus. Dans une interview accordée en mai dernier au site d’information québécois La Terre de chez nous, Lawrence Macaulay, le ministre de l’Agriculture annonce la couleur. Interrogé sur la clé de répartition qui sera choisie pour déterminer les bénéficiaires des contingents d’importation de fromage, il répond : « « J’ai une idée là-dessus, mais ce serait inapproprié de le dire maintenant. J’ai indiqué au ministre Champagne ce que je pensais, mais c’est à lui de faire l’annonce, pas à moi. Je crois que les producteurs de lait seront contents quand ça sera annoncé. »
Kattalin Landaburu, à Bruxelles