C´est à « un dialogue d´égal à égal, respectueux du chemin parcouru par le peuple tunisien, que nous nous sommes livrés », ont assuré Mehdi Houas, ministre tunisien du Commerce et du tourisme, et Pierre Lellouche, secrétaire d´Etat français au Commerce extérieur, au terme d´une rencontre à Bercy, le 11 mars. Les deux responsables politiques, le Français – né à Tunis – et le Tunisien – né à Marseille et fondateur de Talan, une société française dans les nouvelles technologies – se sont félicités de leur entrevue qui aura duré une heure.
Pierre Lellouche avait déjà annoncé qu´il se rendrait les 17 et 18 mars à Tunis, lors d´une réunion, le 9 mars, avec une trentaine d´entreprises françaises affectées par les révolutions arabes. A cette occasion, il avait souligné la mobilisation des services du Trésor, « en liaison avec le Quai d´Orsay », évoquant au passage les difficultés des entreprises : « interruption des paiements », problèmes de trésorerie de PME, etc.
La France compte en Tunisie 1 250 entreprises, dont 500 filiales, employant quelque 110 000 personnes. « Comme la Tunisie ne peut pas tout faire seul, la France et l´Europe peuvent l´accompagner », a expliqué Pierre Lellouche. Le ministre a révélé qu´une « délégation du Trésor se trouvait la veille à Tunis » et souligné la nécessité que la Tunisie « puisse accéder au statut avancé de l´Union européenne », un dossier, a-t-il rappelé qu´il avait eu l´occasion de pousser dans ses fonctions précédentes de ministre des Affaires européennes.
Depuis la démission de Michèle Alliot-Marie du Quai d´Orsay, la France fait profil bas et cherche à redorer son blason. Le nouveau ministre des Affaires étrangères, Alain Jupé, est aussi annoncé à Tunis. En fait, la France se livre à un ballet de membres de son gouvernement en Tunisie, depuis la visite, le 22 février, des ministres de l´Economie et des Affaires européennes, Christine Lagarde et Laurent Wauquiez. Leur ont ainsi déjà succédé, le 2 mars, Frédéric Lefebvre, secrétaire d´Etat au Commerce, à l´artisanat et aux PME, et, les 6 et 7 mars, Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre responsable de l´Ecologie.
En charge aussi du tourisme, Frédéric Lefebvre a convenu de l´importance de relancer le secteur pour sauver la saison printanière et estivale en Tunisie. L´an dernier, les Français y représentaient 20 % des touristes, soit 1,4 million. Donc, l´enjeu est considérable, d´autant qu´une partie de la manne touristique s´envole aujourd´hui avec la révolution en Libye. En 2010, les Libyens constituaient un total de deux millions de touristes, a rappelé, à Paris, Mehdi Houas, selon lequel « l´année en cours sera difficile pour tout le monde ». Fidèle à ce qu´il avait déclaré le 9 février, le ministre tunisien demeure partisan d´une hausse des salaires de 15 %, « une mesure de justice sociale et de remise à niveau », selon lui, « ce qui ne veut pas dire que les tarifs doivent être augmentés de 15 % », a-t-il précisé, en insistant sur le fait qu´il ne fallait pas « brader la destination Tunisie ».
Bien au contraire, six semaines seulement après avoir rejoint le gouvernement, Mehdi Houas exhorte la profession à « préparer les années 2012, 2013 et 2014 sur des bases solides, afin de sortir la Tunisie du simple tourisme balnéaire ». Et d´insister encore sur la nécessité d´améliorer le service pour parvenir à un tourisme plus haut de gamme, à l´instar du Maroc (plus de 10 millions de touristes l´an dernier), qui bénéficie ainsi d´un tourisme plus rémunérateur (950 euros dépensés par touriste, contre 369 euros en Tunisie).
A Tunis, Nathalie Kosciusko-Morizet a examiné un certain nombre de projets dans l´intérieur du pays, dans les zones minières, les quartiers défavorisés ou touchant à la formation en logistique des jeunes. L´Agence française de développement (AFD) doit être mobilisée. Petit pays de 10,5 millions d´âmes, « la Tunisie compte 500 000 chômeurs, dont 170 000 diplômés de l´enseignement supérieur », selon Mehdi Houas, qui estime que, « le pays bien géré, sa production intérieure peut doubler, tripler ». Aussi, est-il important de « rassurer les entreprises étrangères » et « de le faire de façon transparente et sincère ». Pas question non plus de se livrer à une chasse aux sorcières dans le cadre des affaires touchant aux familles Ben Ali-Trabelsi de l´ancien président et de son épouse. Il faut, selon lui, « régler les problèmes de façon transparente au cas par cas et solder le passé de façon équitable ».
Répondant à une question de moci.com sur les promesses que la France a faites aux lendemains de la « révolution du jasmin » (14 janvier) en matière d´aide à la formation et l´organisation d´opérations extérieures (participation de sociétés tunisiennes dans des salons…), le ministre tunisien a promis la mise en place d´un plan d´actions dans les deux mois à venir. A Paris, Pierre Lellouche a aussi pointé « les produits contrefaits qui arrivent par conteneurs en Tunisie ». Pour mettre fin au commerce parallèle et protéger l´artisanat local, la France peut aussi apporter « son savoir-faire », assure-t-il.
François Pargny