Critiqué par les chargeurs et certains prestataires depuis des années, le Cargo Community System (CCS) portuaire à la française, AP+, plus particulièrement ses modalités de fonctionnement actuelles, sont sur la sellette. Sorte de guichet électronique unique portuaire, cette plateforme collaborative de gestion des opérations portuaires couvrant les différents métiers impliqués (transitaires, manutentionnaires, agents maritimes) a été développée par un regroupement d’intervenants associant des SSII (Soget et Marseille Gyptis International), les autorités portuaires du Havre et de Marseille, l’UMF, l’UMEP et la Douane française*.
C’est à la demande insistante de Philippe Bonnevie, délégué général de l’Association des utilisateurs de fret (AUTF) que Nicole Bricq, ministre du Commerce extérieur,a mis le sujet à l’ordre du jour du Forum Douane Entreprise du 24 janvier, visant à améliorer l’efficacité et la compétitivité de la chaîne logistique française (voir la LC N°44 du 7 février). Un groupe de travail spécifique sur le sujet a été monté, associant les représentants des différentes parties prenantes. Objectif : parvenir, sous l’égide de la Direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI), à une solution de compromis permettant de mettre tout les professionnels intervenants, clients et fournisseurs, d’accord. Le fait que la ministre s’implique aurait été déterminant. « Il y a très clairement pour la première fois une fenêtre de tir pour avancer sur ce dossier » confirme Philippe Bonnevie.
Quel est le problème ? L’un des principaux reproches qui est fait au CCS AP+ par les chargeurs et certains de leurs prestataires est d’être verrouillé, son accès étant, selon eux, réservé aux transitaires des ports concernés, devenus des passages obligés, y compris pour les formalités douanières. Ce que les gestionnaires d’AP+ contestent. Mais dans la pratique, les faits sont là, ce reproche persiste. Au Havre, premier port français, les transitaires locaux seraient même les seuls à y avoir accès alors qu’à Marseille, AP+ s’est ouvert aux transitaires de l’hinterland depuis deux ans environ. La plateforme informatique AP+ fonctionne selon un système d’abonnement annuel (de 200 à 700 euros par an), et une facturation au conteneur (de l’ordre de quelques euros) que certains chargeurs ne trouvent « pas toujours très clair », selon un consultant en douane ayant participé à différentes rencontres Douane Entreprises sur le sujet.
« Il n’est pas normal que les chargeurs soient obligés de passer, à cause de ce système, par des prestataires locaux pour obtenir leur justificatifs export ou leur document pour l’import en transit, explique de son côté à la LC Philippe Bonnevie. Nous souhaitons déconnecter AP+ de la Douane ». D’autant plus que les chargeurs ont investi dans des outils informatiques coûteux pour gérer leurs opérations internationales,-les TMS (Transport Management System)- directement connectés ou via des prestataires spécialisés, au système électronique de la Douane française, Delta. Or, ces TMS ne peuvent pas être directement connectés à AP+… Par ailleurs, de leur point de vue, AP+ perturberait la procédure de transit fluviomaritime (PFM) et empêcherait les chargeurs qui le souhaitent d’avoir une traçabilité sur l’ensemble des opérations qui concernent leurs flux, notamment des manutentionnaires.
« AP+ doit être ouvert à tout les acteurs »
Pourquoi une telle situation aurait-elle pu se développer, avec l’accord tacite des autorités portuaires et de la Douane, créant, pour reprendre l’expression d’un autre participant, de « petits monopoles locaux » ? « Il y a eu du laisser faire à une époque où ça arrangeait tout le monde » résume Philippe Bonnevie, qui veut croire qu' »un esprit d’ouverture » s’est mis en place depuis la réunion du 24 janvier. « AP+ est un bon outil mais il est suffisamment bon pour être qualifié d’outil d’intérêt général et à ce titre, il doit être ouvert à tout les acteurs de la chaîne logistique internationale ». Moyennent, ça va de soi, « un système de rémunération raisonnable », précise-t-il.
Le groupe de travail sur le CCS maritime s’est déjà réuni le 27 février sous la direction de Jean-Michel Thillier sous-directeur du commerce international à la DGDDI. Cette initiative porte des fruits plutôt positifs : des points de convergence se dégagent, selon le compte-rendu officieux d’un participant que la LC a pu consulter. Prochaine étape le 29 mars, avec la réunion d’un groupe de travail plus restreint qui devra « analyser les process en distinguant l’import et l’export » et « rechercher une convergence sur le mode d’utilisation des PFM ». Y assisteront des représentants de l’AUTF, des ports de Bordeaux, du Havre et Marseille, de la Fédération TLF, du Medef, des SSII et sociétés de conseil Soget, MGI et Sogyp, d’Armateur de France, de fournisseurs de solutions EDI (echange de données informatisées) et de l’Odasce.
A suivre, d’autant plus qu’un autre CCS fait débat chez les chargeurs, le CIN, mis en place à l’aéroport de Roissy, dans lequel TLF est partie prenante.
CG
(1) pour une présentation d’AP+ : http://www.applus.fr/applus_presentation.htm)
(2) LC N° 44, du 7 février, rubrique La Semaine chez les acteurs du commerce extérieur (https://www.lemoci.com/011-67755-La-semaine-chez-les-acteurs-du-commerce-exterieur.html