Theresa May a enfin fini par trancher. Après des mois de négociations avec Bruxelles et malgré la pression des éléments les plus radicaux au sein de son parti, la Première ministre britannique a décidé d’opter pour un ‘soft Brexit’ ‘un Brexit doux’. Un changement de cap qui devrait permettre aux entreprises de ne pas subir les effets collatéraux d’un divorce trop brutal, alors que les industriels n’ont cessé d’alerter le gouvernement sur les ravages sur l’emploi que produirait un échec des négociations avec Bruxelles et un ‘hard Brexit’, un ‘Brexit dur’.
Le défi de la réunion de Chequers
C’est à l’issue d’une journée à haut risque que la Première ministre a réussi à imposer sa stratégie à l’ensemble de son gouvernement, quitte à provoquer le départ des plus radicaux. Convoqués dans sa résidence de campagne de Chequers, vendredi 6 juillet, les ministres s’étaient vu fixer l’objectif de définir les contours de la future relation commerciale et du partenariat douanier qui uniront le Royaume-Uni et l’Union européenne (UE), une fois le divorce prononcé. Un véritable défi tant son cabinet était divisé sur la question.
D’où les habiles manœuvres orchestrées par Theresa May durant cette journée. Selon Le Monde, elle aurait ainsi prévenu que les membres démissionnaires ne pouvaient pas rentrer à Londres, à 70 km de Chequers, dans leur voiture ministérielle. Les téléphones portables ont également dû être déposés au vestiaire afin d’empêcher les membres rebelles de diffuser leurs critiques avant la déclaration officielle de la cheffe du gouvernement.
La proposition adoptée n’envisage plus de rupture radicale
Et la proposition finalement adoptée par son équipe n’envisage plus de rupture radicale avec le marché unique. Si la libre circulation des personnes n’est pas prévue, pour mieux reprendre le contrôle de l’immigration – une des revendications majeures des électeurs lors du référendum -, la libre circulation des produits devra, elle, être garantie, afin de maintenir le flux des échanges commerciaux avec le continent. « Notre proposition créerait une zone de libre-échange entre le Royaume-Uni et l’UE avec un ensemble de règles communes pour les biens industriels et les produits agricoles », indique le communiqué publié à l’issue de la réunion.
Londres s’engagerait même à franchir l’une de ses lignes rouges en acceptant de se soumettre aux décisions de la Cour de justice de l’UE dans les domaines ou les règles communes sont en vigueur.
Un nouveau modèle douanier
Quant aux services, ils devront faire l’objet « d’arrangements différents », pour conserver plus de flexibilité « sur le plan réglementaire ». Dans ce secteur, Londres souhaite en effet un alignement moins contraignant, afin de rester plus compétitif dans ce domaine clé de l’économie britannique.
« Nous avons également convenu d’un nouveau modèle douanier favorable aux entreprises avec la liberté de conclure de nouveaux accords commerciaux dans le monde entier », a ajouté la Première ministre conservatrice. Selon l’exécutif britannique, ces propositions permettront d’éviter le retour d’une frontière physique entre l’Irlande et l’Irlande du Nord, cette question constituant le principal point d’achoppement des négociations en cours et une inquiétude majeure pour les habitants de l’île.
Clarification gouvernementale
La clarification gouvernementale qui a suivi n’est pas une surprise. « J’avais autorisé les collègues à exprimer leurs points de vue personnels. L’accord signifie que ce ne sera plus le cas et que la responsabilité collective est désormais totale », écrit Theresa May dans une lettre adressée aux députés.
Un rappel à l’ordre qui n’a pas empêché David Davis, le ministre en charge du ‘Brexit’ et négociateur en chef côté britannique, d’annoncer sa démission deux jours après la rencontre de Chequers. Le lendemain, c’était au tour du chef de la diplomatie Boris Johnson, autre fervent défenseur d’un ‘Brexit dur’, de jeter l’éponge, accusant la Première ministre de « capitulation face à Bruxelles ». Mais faute d’alternative au plan proposé par Theresa May et d’un parlement majoritairement hostile à un ‘Brexit dur’, la cheffe du gouvernement semble avoir remporté cette bataille.
Le nouveau ministre du Brexit, Dominic Raab – lui aussi partisan d’un divorce sans concessions – n’aura finalement qu’un rôle de façade au cours des pourparlers avec Bruxelles. Orly Robins, le conseiller pour l’Europe de Theresa May, restera le véritable interlocuteur de Michel Barnier, le négociateur en chef du camp européen.
Refusant de commenter les défections au sein du gouvernement britannique, ce dernier s’est néanmoins dit « impatient » de reprendre un « dialogue constructif » avec Londres, soulignant qu’à l’issue de ces 12 mois de négociations « nous avons déjà des accords sur 80% des négociations ». Même satisfecit à Berlin où la chancelière a également accueilli favorablement les propositions de Theresa May soulignant, elle aussi, des « progrès dans les discussions », entre l’UE et le Royaume-Uni. Reste à la Première ministre britannique à obtenir ce qu’elle attend de Bruxelles, ce qui n’est pas encore gagné : pas sûr, notamment, que la libre circulation des biens soit accordée sans concession sur celle des personnes…
Kattalin Landaburu, à Bruxelles