Le rapport sur l’Indice de perception de la corruption (IPC) en 2024 de Transparency International, s’il épingle la France, met surtout en valeur le niveau très faible de la probité au niveau mondial, avec un score moyen de 43 sur 100. Un mauvais signal sur la qualité de l’environnement des affaires, et un risque persistant pour la mise en œuvre des politiques publiques, notamment climatiques.
Les médias français ont beaucoup commenté le recul de la France au classement mondial de Transparency International (TI) sur la perception de la corruption dans le secteur public, en recul de 5 places au 26ème rang, avec un score IPC de 67, loin derrière l’Allemagne (75), la mettant pour la première fois parmi les pays « risquant de perdre le contrôle de la corruption ».
Notons que l’Hexagone fait toutefois mieux que les États-Unis (65), dont le président vient de donner un bien mauvais signal au reste du monde en ordonnant au ministère de la Justice, le 10 février, la suspension pour six mois des poursuites engagées contre des entreprises américaines dans le cadre du Foreign Corrupt Practices Act (FCPA) de 1977, qui interdisait de corrompre les responsables étrangers.
Mais l’un des principaux enseignements de l’édition 2024 de l’IPC est ailleurs : à 43 sur une échelle de 1 à 100, du pire au meilleur, la moyenne mondiale de l’IPC reste très faible, en dessous de 50, ce qui n’est pas bon signe pour l’environnement des affaires et la transparence des politiques publiques.
Un indicateur de la qualité de l’environnement des affaires
L’IPC fait partie des indicateurs du risque pays, notamment de sa composante « environnement des affaires », que les exportateurs, mais aussi les banquiers, suivent avec attention car il renseigne d’un seul coup d’œil sur la qualité de la gouvernance d’un pays et sa capacité à prévenir les risques de corruption dans son secteur public. Etabli chaque année par TI pour 180 pays, il s’appuie sur 13 sources de données qui recueillent les avis d’experts et de dirigeant du secteur privé à travers le monde sur divers comportements corruptibles dans le secteur public.
Un pays qui affiche un score inférieur à 50 est évidemment perçu comme particulièrement corrompu et corruptible. Un pays qui perd des points en haut du classement donne un signal négatif sur sa capacité à contrôler le phénomène.
C’est ce qui est arrivé à la France, qui paye notamment le fait que 26 ministres ont été aux prises avec la justice depuis 2017 sans forcément être poussés à la démission, auxquel il faut ajouter un ancien président de la République. Sans compter les affaires de financement qui ont concernés plusieurs partis, dont le RN, ou encore la suspension de l’ONG Anticor durant plusieurs mois en 2024.
Plus des deux tiers des pays ont des scores IPC inférieurs à 50
Selon le rapport de TI sur l’IPC 2024, « les niveaux de corruption restent alarmants de par le monde, et la lutte contre la corruption s’essouffle ». Seulement 56 pays sur 180 ont des scores supérieurs à 50, plus des deux tiers obtiennent une note inférieure.
Pour TI, qui a mis l’accent cette année sur l’impact de la corruption sur l’avancement des politiques de lutte contre le changement climatique, cela « montre à quel point il est urgent de prendre des mesures pour lutter contre la corruption » qu’elle considère comme « un redoutable obstacle mondial à la mise en œuvre d’une action climatique fructueuse ».
Dans le top 8 des pays les plus intègres, avec un score IPC égal ou supérieur à 80, le Danemark est en tête pour la huitième année consécutive (90) suivi de la Finlande (88), Singapour (84), la Nouvelle Zélande (83), le Luxembourg, la Norvège et la Suisse (81 ex-aequo) ainsi que la Suède (80). La France, dans le top 30, affiche un score de 67, ex-aequo avec l’Autriche et Taiwan.
En queue de classement, beaucoup de pays traversés par des conflits : le Sud Soudan est bon dernier avec 8, devancé par la Somalie (9), le Vénézuéla (10), la Syrie (12), le Yémen, la Libye, l’Erythrée et la Guinée Equatoriale (13 ex aequo).
Globalement, les Brics ont des progrès à faire : la Chine affiche un score de 43, l’Afrique du Sud 41, l’Inde 38, et le Brésil 34. La Russie est encore plus mal placée et perd des points (voir ci-après).
Un obstacle à la mise en œuvre des politiques et financements climatiques
Un point positif : des améliorations sont constatées parmi les pays plutôt mal notés. Quelques exemples : Barheïn progresse ainsi de 17 points par rapport à 2018, avec un score de 53 ; la Côte d’Ivoire progresse de 13 points par rapport à 2015, à 45 ; la Moldavie améliore son score de 11 points par rapport à 2019, à 43.
A l’inverse, certains pays perdent du terrain : on a cité la France mais l’Autriche, pourtant bien notée a par exemple perdu 10 points depuis 2019 ; moins surprenant, la Russie affiche le faible score de 22, en retrait de 8 points par rapport à 2020.
Même dans les pays réputés vertueux, « l’influence du lobbying pose des défis supplémentaires » en faisant des obstacles à la mise en œuvre des politiques climatiques et environnementales, estime encore TI.
Pour consulter l’intégralité le rapport de TI (en français) et son classement : cliquez ICI.
La corruption plus forte dans les pays non-démocratiques
Le rapport relève par ailleurs que la corruption a tendance à être plus forte dans les pays non démocratiques : le score IPC moyen des 24 pays considérés comme des démocraties « parfaites » par l’Economist Intelligence Unit (EIU)* est de 73, contre 47 pour les 50 pays considérés comme des démocraties imparfaites et 33 pour les 95 pays à régimes non démocratiques.
TI appelle bien évidemment à redoubler d’effort pour lutter contre la corruption. « Les gouvernements et les organisations multilatérales doivent intégrer des mesures anti-corruption dans les efforts climatiques afin de protéger les financements, restaurer la confiance et maximiser l’impact, indique notamment Maira Martini, CEO de TI. Aujourd’hui, la corruption ne se contente pas d’impacter les politiques : elles les dictent souvent, démantelant les mécanismes de contrôle et d’équilibre, réduisant au silence les journalistes, les militants, et tout ceux qui luttent pour l’égalité et la durabilité. »
C.G
*L’EIU est moins exhaustif que l’IPC, 13 pays démocratiques notés par TI n’y figurent pas.
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