Pierre-Antoine Gailly veut une sorte de Yalta de l’international avec Ubifrance, ou quelque chose qui y ressemble fort. « Nous pourrions échanger avec Ubifrance quelques pays matures, comme
l’Espagne ou l’Allemagne et avec l’argent ainsi économisé, ouvrir des
implantations d’Ubifrance dans des pays où il n’y a personne, comme dans certains
pays d’Asie centrale ou d’Afrique de l’Est ». Le président de la CCI Paris Ile de France et ex. président de l’Uccife (Union des CCI françaises à l’étranger), a ainsi justifié, à la demande de la Lettre confidentielle, sa sortie le 23 juin, dans le figaro.fr, contre Ubifrance et Erai et leur offre intégrée aux entreprises des autres régions que Rhône-Alpes.
Et d’enfoncer le clou : « J’ai du mal à comprendre qu’un rhônalpin veuille financer un Limougeaud ». Pierre-Antoine Gailly s’exprimait le 25 juin, au lendemain de l’assemblée générale de l’Uccife, en marge d’une conférence de presse organisée par CCI International, organisme qui mutualise les moyens d’accompagnement des PME à l’international des CCI en France et de l’Uccife (1). Il souhaite clairement, et tout le réseau consulaire derrière lui, une démultiplication du modèle du Maroc, où la
CCI française assure depuis des années l’ensemble des missions dévolues
habituellement à Ubifrance, dans le cadre d’une délégation de service
public (DSP).
Les centres d’affaires des CCIFE concurrencés par les « incubateurs » d’Erai
L’accès de mauvaise humeur de l’ex. président de l’Uccife, opportunément intervenu à la veille de l’assemblée générale de l’Union, provient du fait qu’un certain nombre de CCIFE ont développé des services de centres d’affaires et de domiciliation pour les entreprises ces dernières années : ils cumuleraient, toujours selon l’Uccife, près de 700 postes de travail aujourd’hui. Ces centres, qui ont hébergé et coaché 101 VIE en 2012, sont concurrencés frontalement par les « incubateurs » à l’étranger d’Erai, désormais proposés aux entreprises non-rhônalpines via l’offre intégrée que l’agence rhônalpine a monté avec Ubifrance.
Pour lui, Ubifrance et Erai gaspillent des deniers publics devenu
rares. « Ce modèle à 80 % financé par l’argent public est en train de
concurrencer un réseau qui s’autofinance à 97 % » a-t-il ainsi martelé en
parlant du bilan de l’Uccife, qu’il a présidé durant six ans. D’après
les chiffres de l’Uccife, ce réseau semble en effet se porter plutôt
bien : 107 chambres membres en 2012 dans 77 pays, 31600 entreprises adhérentes, un volume global
de chiffre d’affaires de 55,7 millions d’euros, dont 22,4 millions
d’euros pour les seuls services d’appui aux entreprises. Les 3 % du
chiffre d’affaires global non autofinancé proviendrait, pour
l’essentiel, des apports des CCI de France.
S’ajoute à cela le sentiment que la coopération qui avait prévalu entre les différents organismes du temps de « l’équipe de France de l’export », n’est plus qu’un souvenir. « Depuis un an, il y a un recul de cette coopération, a déploré Vianney de Chalus, président de la CCI du Havre et de CCI International. Il y a une tendance à ce que chacun se marche sur les pieds ». Et de brandir le spectre des doublons : « Au Vietnam, il y avait une chambre de commerce française qui fonctionnait bien. En quelques mois, on a vu l’ouverture d’un bureau d’Ubifrance puis l’ouverture d’un bureau d’Erai » s’est-il encore agacé. « Je suis pour une coopération renforcée, sous la forme de franchises ou de délégations de service public; mais en tout cas qu’on fasse en sorte de créer des maisons de l’international à l’étranger, regroupant tout le monde physiquement dans le même bâtiment, quel que soit l’organisme qui accueille ». Et d’enfoncer le clou : « Il faut un pilote : dans les régions, c’est la région, à l’étranger, ça peut être l’ambassade de France »….
On comprend pourquoi, les bons modèles à suivre actuellement pour ces dirigeants du monde consulaire, sont ceux des régions qui travaillent déjà avec des CCIFE : la Bourgogne avec la CCIFE de Hong Kong, les Pays de la Loire avec celle de Pékin en Chine et de Chenaï en Inde. .. Autant dire que l’annonce que la première maison de l’international expérimentale sera créée aux Etats-Unis à partir de Hubtech 21, une filiale existante de l’Agence régionale de développement d’Ile de France, a été plutôt fraîchement accueillie dans les réseaux consulaires (Lire la LC n° 61 du 13 juin)…
Quelle a été la réaction de Nicole Bricq, ministre du Commerce extérieur, à cet accès de mauvaise humeur des chambres de commerce ? Pour l’heure, rien de public, y compris lors du déjeuner de l’Uccife, le 25 juin, où elle intervenait. Mais une partie de la réponse pourrait être dans les réformes qu’elle préconisera à partir du rapport Despont-Bentejac, rendu public le 26 juin (Lire par ailleurs dans la LC cette semaine). Pierre-Antoine Gailly faisait partie des présents à la conférence de presse qu’elle a donnée à cette occasion, l’appelant « cher président », au premier rang…
Christine Gilguy
*Ubifrance a signé des DSP avec des CCIFE membres de l’Uccife et de CCI International dans sept pays à ce jour : en Jordanie, à Madagascar, au Maroc, au Nigeria, au Pérou, en République démocratique du Congo et au Vénézuéla.
(1) Lire sur www.lemoci.com : « Les chambres de commerce dénoncent la stratégie menée par Ubifrance et Erai »