Le Think Tank La Fabrique de l’exportation, pro-européen et libéral, vient de livrer son « analyse du premier quinquennat d’Emmanuel Macron en matière de commerce extérieur » après avoir passé aux cribles les programmes du Rassemblement national et de la Nupes dans le cadre des campagnes électorales. Verdict : un bilan en demi-teinte pour les politiques publiques, qui pèche par leur manque d’efficacité …
Les compliments avant les critiques. D’entrée, un satisfecit est décerné à la « politique de l’offre » menée ces dernières années, et ses mesures ayant visé à redresser la compétitivité des entreprises françaises. En revanche, le bilan est plus discutable sur les échanges commerciaux : « en matière de commerce extérieur et de PIB/habitant les résultats sont extrêmement décevants, en particulier en comparaison avec nos voisins européens : notre pays aggrave ses déficits commerciaux et la richesse par habitant ne progresse pas » constatent la note de la Fabrique de l’exportation.
Et de passer en revue différents points critiques.
La question délaissée de « l’efficacité exportatrice »
Le premier renvoie à la faible place donnée à la problématique de l’efficacité de l’appareil exportateur français dans les politiques publiques : « le sujet de l’efficacité exportatrice de l’économie française a été peu abordé au cours de ce quinquennat. Peu de réponses ont été apportées aux défis qui se posent à notre capacité à exporter, car ceux-ci n’ont jamais été mis sur la table pour faire l’objet d’une réflexion collective » regrette la Fabrique de l’exportation.
Exemple : « dans le plan de relance post Covid les sommes consacrées à l’innovation industrielle sont plus que 100 fois supérieures à celles dédiées à la stimulation des ventes à l’export, argumente le Think Tank. C’est sous-estimer gravement les défis que pose la commercialisation à l’international de produits, même innovants ! ».
Une erreur selon le Think tank : « Les études portant sur le succès des entreprises à l’international montrent en effet qu’un bon produit mal déployé commercialement n’aura pas de succès, alors qu’un produit un peu moins bon mais servi par une bonne stratégie commerciale internationale trouvera son marché ».
Même reproche pour la politique de réindustrialisation : « on ne pourra guère aller très loin sans se poser sérieusement la question de comment être plus efficaces à l’international ».
Team France Export : une réforme « inaboutie »
Deuxième point critique : la réforme du dispositif public d’accompagnement à l’export, vieux cheval de bataille des acteurs privés de ce secteur, nombreux au sein de la Fabrique de l’Exportation. « C’est d’ailleurs la seule réalisation du quinquennat en matière de commerce extérieur qui soit citée dans le programme du candidat Emmanuel Macron (Programme présidentiel, volet industrie) » relève la note. Mais pour le Think Tank, cette réforme est « inaboutie » et a surtout concerné les acteurs publics.
Ainsi, selon lui, « cette réforme résout un problème de subsidiarité public-public dans l’offre d’accompagnement à l’international mais ne transforme en aucun cas l’efficacité de l’exportation française ». Son impact a donc été, selon la note, peu significatif. Idem pour les marchés étrangers, où, dans le cadre de la TFE, a été développée « l’idée d’un ‘correspondant unique’ dans les pays de destination ». « Comment imaginer qu’un “correspondant unique” puisse aider une telle diversité d’entreprises à exporter dans un pays, surtout lorsqu’il doit lui-même vendre en priorité ses propres services ? » s’interroge la note.
Pour le Think Tank, « le départ d’Edouard Philippe [Ndlr : ex. Premier ministre qui a lancé cette réforme en 2018] et l’irruption du Covid ont figé l’ambition de la réforme TFE à mi-parcours, laissant de côté la mise en œuvre d’une vraie subsidiarité public-privé ».
C’est sur ce dernier point que la Fabrique de l’exportation se montre particulièrement sévère : « l’absence d’implication réelle du secteur privé et associatif dans l’action de la TFE est édifiante, car comment penser que les 1000 salariés de TFE (en France et dans le monde) sont réellement en mesure d’aider les 130 000 exportateurs français à se déployer davantage à l’international, ce d’autant plus que les collaborateurs de la TFE ne sont pas habilités statutairement à vendre les produits des entreprises qu’ils aident. »
« L’État doit prendre en compte le fait que son action dans ce domaine ne doit plus être de faire mais de stimuler et faciliter l’action et le développement d’un écosystème commercial » poursuit la note. Celle-ci relève toutefois plutôt positivement « l’arrivée de Franck Riester en juillet 2020 et la réactivation d’un Ministère dédié au Commerce extérieur », qui « ont impulsé un certain nombre de nouvelles actions dans l’accompagnement des entreprises à l’international, et stimulé le retour à l’international après le Covid. »
Europe, réseaux, financements : « des progrès encourageants »
Le ton est plus positif également sur les questions de « politique commerciale, réseaux, financement », où il note « des progrès encourageants »
Et de citer « la promotion d’une approche européenne moins naïve », ainsi que « la montée en puissance des approches collectives » à travers les accélérateurs internationaux de Bpifrance et clubs Stratexio, mais aussi les initiatives de certaines filières (French Tech, French Fab, French Healthcare, etc.) « ouvrant des pistes pour des solutions d’exportation nouvelles ». Il cite également la « montée en puissance de l’exportation collaborative, notamment boostée par la période Covid qui a vu se créer de nombreuses coopérations inter-entreprises ».
La Fabrique de l’exportation réserve aussi un satisfecit spécial à Bpifrance, tant sur l’innovation dans sa gamme de produits et service que comme « catalyseur » d’expertises pour les entreprises.
Faire de la France « une grande nation commerçante »
Au chapitre des recommandations, le Think Tank propose logiquement d’aller « plus loin » sur l’axe « dynamisation commerciale export ».
Il s’agit, selon la note, « d’adopter un point de vue systémique pour mobiliser tous nos actifs stratégiques au service de cette ambition commerçante », qu’il s’agisse de « l’éducation », du « soft power », de l’économie, la fiscalité, le transport, la politique, le maritime, la langue (francophonie). « Dans chaque domaine, écrit-il, on peut facilement imaginer comment la France peut utiliser ses atouts pour devenir une grande nation commerçante ».
Quant au dispositif TFE, le texte préconise notamment d’en faire une « plateforme » « qui porterait l’ensemble des solutions commerciales proposées aux exportateurs, dans un principe de subsidiarité public/privé » ; et de faciliter encore l’accès des entreprises aux « financements » et « compétences ».
Reste à savoir si ces réflexions seront prise en compte dans la nouvelle feuille de route sur l’export que doit présenter Franck Riester à l’Elysée et à Matignon fin juin ou début juillet.
A suivre…
C.G
L’intégralité de la note d’analyse est en ligne sur le site de la Fabrique de l’exportation, cliquez ICI