Bombardements de navires, fermeture des ports sur la mer Noire et la mer d’Azov, encombrements de ceux du Nord de l’Europe, pétroliers russes en déshérence… A peine remis des perturbations engendrées par la pandémie de Covid-19, le fret maritime doit aujourd’hui faire face aux conséquences de la guerre en Ukraine.
Quelque 70 navires et plusieurs centaines de marins sont bloqués sur la côte de la mer Noire, au sud de l’Ukraine, rapportait Le Monde le 11 mars. Réunie en session extraordinaire les 10 et 11 mars à Londres pour examiner leur situation, l’Organisation maritime internationale (OMI) a demandé « la mise en place d’un corridor maritime sûr pour permettre l’évacuation en toute sécurité vers un lieu sûr des marins et des navires des zones à haut risque et touchées de la mer Noire et de la mer d’Azov ».
Conséquence de la fermeture des ports ukrainiens et de l’insécurité qui règne actuellement le long des côtes ukrainiennes : les navires cherchent à rejoindre les ports turcs ou celui de Constanta, en Roumanie (notre photo), le plus grand de la mer Noire, pour y décharger leurs marchandises, acheminées ensuite par train ou camion. « Le site Romania Insider, plutôt bien informé, évoque entre 6 000 et 7 000 conteneurs supplémentaires par jour », précisait le quotidien du soir.
Les taux de fret vont rester élevés
En outre, les conteneurs à destination de la Russie encombrent actuellement les ports du nord de l’Europe et perturbent les activités de transbordement. Si l’on ajoute à cela la fermeture des ports canadiens et britanniques aux navires battant pavillon russe ainsi que les dizaines de pétroliers russes actuellement en déshérence, selon le Financial Times, force est de constater que le transport maritime risque d’être durablement perturbé.
« L’étiage du marché et la résilience des supply chains n’est pas pour demain, souligne à cet égard Upply, une place de marché dédiée au transport de fret, dans son dernier baromètre du transport conteneurisé. Sans surprise, les taux de fret se maintiennent à des niveaux élevés sur l’ensemble des grands corridors. »
D’autant que le prix du fuel, déjà à la hausse depuis janvier, est au plus haut. A 800 USD la tonne, les carburants à faible teneur en soufre (MGO et VLSFO) ont vu leur prix doubler en deux ans.
Autre répercussion de cette guerre sur le fret maritime mondial : l’aggravation de la pénurie de main d’œuvre, amorcée pendant la pandémie de Covid-19. La Chambre internationale de la marine marchande (ICS) a ainsi averti le 10 mars que la perturbation actuelle de la chaîne d’approvisionnement devrait être aggravée par le manque de marins russes et ukrainiens. Ces deux nationalités représentent en effet à elles seules 14,5 % des effectifs mondiaux de la marine marchande.
Les compagnies maritimes plient bagage
Enfin, les sanctions internationales ont conduit les compagnies maritimes Maersk, MSC et CMA CGM à annoncer début mars la suspension des commandes de transport de marchandises « non indispensables » en provenance ou à destination de la Russie. Ces trois entreprises ont transporté 28 % des conteneurs au départ ou à destination de la Russie au cours des douze derniers mois, indique encore Le Monde.
Le danois Maersk, qui possède une participation minoritaire de près de 31 % dans la société russe Global Ports Investments (six terminaux portuaires en Russie, dont cinq près de Saint-Pétersbourg, et un en Finlande) envisage désormais de céder ses participations dans le terminal de Saint-Pétersbourg où sa filiale APM Terminals est coactionnaire de Global Ports. « Le mouvement risque de précipiter le départ de CMA CGM ou d’Eurogate, tous deux également partenaires du groupe russe », prévient le Journal de la marine marchande.
Sophie Creusillet