Si un accord pour mettre fin à la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine semble en bonne voie, de nombreux observateurs restent sur leur faim concernant le contenu précis des engagements pris par les deux blocs tant les déclarations officielles de part et d’autre sont restées générales, voire parfois incohérentes.
L’agence Bloomberg s’en est à juste titre amusée dans sa dernière chronique « Terms of Trade » ironiquement intitulée « les inconnues connues » (the known unknowns). Les deux chroniqueurs, Brendan Murray et James Mayger, pointent « des lacunes dans ce que les nations disent du nouvel accord et, en particulier, dans ce que la Chine a promis de faire ».
De fait, les journalistes, à Washington comme à Pékin, n’ont pas eu grand-chose de concret à se mettre sous la dent : le représentant américain au commerce, Robert Lighthizer, a bien apporté une copie de l’accord de 86 pages lors d’une conférence de presse, mais nul ne l’a lu en détail, en dehors des négociateurs, les reporters devant se contenter d’une fiche de deux pages. A Pékin, la conférence de presse donnée par Wang Shouwen, le vice ministre chinois de Commerce, aurait été tout aussi peu étayée par des données concrètes.
Pour en rajouter au flou, voire à la confusion, les différences sont grandes entre les discours de chaque bloc. Plusieurs exemples sont significatifs à cet égard, Bloomberg en dresse un florilège :
– Calendrier de signature: les États-Unis disent que l’objectif est de signer l’accord début janvier et qu’il prendra effet 30 jours plus tard ; la Chine dit que ces détails sont toujours en cours de négociation…
– Engagement d’achats chinois : les États-Unis déclarent que la Chine a accepté d’augmenter les importations de biens et services américains en 2020 et 2021 de 200 milliards de dollars de plus que le total de 2017 ; la Chine ne chiffre pas ses engagements et se contente de dire qu’elle achètera plus de biens et services, « sur la base des principes des forces du marché et des règles de l’Organisation mondiale du commerce »…
– Engagements d’achats agricoles: les États-Unis disent que la Chine a promis d’acheter « au moins 40 milliards de dollars de produits agricoles américains en 2020 et 2021 » ; la Chine se contente de dire qu’elle « augmentera considérablement » les importations, sans plus de précisions.
–Respect de la propriété intellectuelle: les États-Unis affirment que ce volet de l’accord «répond à de nombreuses préoccupations de longue date dans les domaines des secrets commerciaux, de la propriété intellectuelle liée aux produits pharmaceutiques, des indications géographiques, des marques et de l’application des produits piratés et contrefaits» ; la Chine utilise un langage similaire mais reste vague sur les engagements d’amélioration.
–Transfert de technologie forcé: les États-Unis disent que « la Chine a accepté de mettre fin à sa pratique de longue date de forcer ou de faire pression sur les entreprises étrangères pour qu’elles transfèrent leur technologie aux entreprises chinoises » ; la Chine ne mentionne pas cet engagement, sauf comme titre de chapitre.
–Taux de change: idem que précédemment, les États-Unis déclarant que les deux parties ont convenu de s’abstenir de dévaluations compétitives et la Chine n’en parlant pas, sauf comme titre de chapitre.
Des lacunes qui laissent de nombreux observateurs sceptiques sur l’ampleur réelle de cet accord. Ce dernier doit être à présent être passé au crible des services juridiques de chaque pays avant d’être proposé à la signature des chefs d’État.
A suivre…
Christine Gilguy