Trois contrats concernant la fourniture de ponts, de rails et de semences ont été signés en marge de la conférence bilatérale Ukraine-France « pour la résilience et la reconstruction » qui s’est tenue le 13 décembre à Paris à Bercy et qui a réuni quelque 700 entreprises françaises, de la PME au grand groupe. Les besoins exprimés par les Ukrainiens sont urgents et larges et c’est le moment de se positionner.
Après la levée d’un milliard d’euros de fonds auprès d’une cinquantaine de pays pour aider le pays à passer l’hiver, annoncée à l’issue de la conférence multilatérale organisée à Paris dans la matinée, c’était dans l’après-midi au tour des entreprises françaises de se mobiliser. « Ce n’est pas seulement le soutien financier qui va permettre de reconstruire, mais aussi les entreprises », a déclaré Emmanuel Macron en ouverture de cette « Conférence bilatérale pour la résilience et la reconstruction de l’Ukraine ».
L’appel à la mobilisation des entreprises tricolores pour répondre aux besoins multiples des Ukrainiens a été entendu : 700 étaient représentées, 200 de plus qu’annoncé par les organisateurs la semaine dernière, en amont de la conférence.
Alors que Bercy a annoncé une enveloppe globale de soutien financiers export de 1,2 Md EUR, trois de ces entreprises ont d’ores et déjà répondu à l’appel et sont engagées dans des projets clés qui ont fait l’objet d’accords signés en marge de cette conférence par Paris et Kiev pour un montant total de 100 millions d’euros (M EUR).
L’État français a ainsi accordé sa garantie export à la transaction de plus de 20 M EUR concernant la fourniture de semences, cruciales pour le secteur agricole, par Mas Seeds, Lidea et Rouergue Auvergne Gévaudan Tarnais (RAGT).
Bruno Le Maire et le Premier ministre ukrainien Denys Chmyhal ont également signé un accord pour le financement, par un prêt concessionnel du Trésor de 37,6 M EUR, de la fourniture de 20 000 tonnes de rails produits en France par la société allemande Saarstahl et qui permettront de réparer 150 kilomètres de voies ferrées.
Enfin, l’agence gouvernementale ukrainienne des routes UkrAvtodor a signé avec l’ETI française Matière un accord pour la fourniture de 25 ponts en kit, pour laquelle la France proposera un financement.
Cinq secteurs prioritaires
Ces accords concernent des secteurs vitaux pour l’économie ukrainienne et la population, qui figurent dans la liste de cinq types d’activités prioritaires pour la reconstruction du pays élaborée par le gouvernement ukrainien a listé : infrastructures, énergie, agriculture et agroalimentaire, numérique et santé.
Les besoins sont colossaux. Selon les dernières estimations de la Banque mondiale, entre 500 et 600 milliards de dollars (Md USD) sont désormais nécessaires, pour reconstruire le pays (au lieu de 350 Md USD estimés en juin). Derrière ce chiffre global, les chantiers immédiats sont gigantesques.
En duplex depuis Kiev, le président Volodymyr Zelenski ainsi évalué les destructions causés par les bombardements russes pour la seule région de Tchernihiv à « 8896 sites, dont 1000 immeubles et 7000 maisons d’habitations ainsi que des routes et des hôpitaux ». « Les représentants du gouvernement ukrainien vont présenter les besoins en reconstruction rapide qui concernent 50000 sites et nécessitent 12 milliards d‘euros », a-t-il précisé.
Egis, Dassault et B4 ont profité de cette conférence bilatérale pour présenter le projet pilote, financé par l’Etat français, de plateforme numérique qu’ils ont développée pour l’Ukraine. Grâce à un jumeau numérique qui visualise les destructions en temps réel, les autorités peuvent planifier et hiérarchiser les chantiers.
Secteur très développé en Ukraine, le numérique a d’ailleurs fait l’objet d’un accord spécifique entre la France et l’Ukraine pour impulser une coopération dans la cybersécurité, le financement des startup ainsi que dans la formation de l’écosystème de startup ukrainiennes, grâce à des actions conduites par Station F et des écoles comme l’Ecole 42.
Une mission Business France en février 2023
Du côté des financements, cette conférence a donné lieu à la signature de deux conventions entre l’État français et la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) portant sur l’octroi de 100 M EUR de garanties pour l’appui aux infrastructures critiques. A travers un mécanisme de partage de risque entre l’Etat français et la BERD, ces garanties permettront d’accorder 200 M EUR de liquidités d’urgence à deux entreprises publiques ukrainiennes : l’opérateur national énergétique Naftogaz, pour des achats de gaz pendant l’hiver, et la Société nationale des chemins de fer ukrainiens (UZ), pour la mise en œuvre de dépenses prioritaires.
La BERD a également accordé un prêt de 300 M EUR au bénéfice du gestionnaires des réseaux électriques ukrainiens UkrEnergo pour réparer les équipements endommagés et assurer la continuité des services essentiels.
Quant aux entreprises françaises elles peuvent compter sur toute la palette de financements et garanties export de l’État, toujours disponibles pour commercer avec l’Ukraine, et sur les services du Crédit Agricole et de BNP Paribas, deux banques françaises toujours actives sur place.
Sur le plan pratique, il n’existe pas de plateforme listant les différents projets de reconstruction ukrainien pouvant intéresser les savoir-faire français. Le point d’entrée des PME reste la Team France Export. A cet égard, cette dernière organise les 15 et 16 février prochains à Varsovie une mission spécialement dédiée à la reconstruction de l’Ukraine.
Sophie Creusillet