C’est à une écrasante majorité (612 voix pour), que les eurodéputés, réunis en plénière à Strasbourg, ont adopté le 4 octobre les mises à jour du règlement anti-torture de 2005. « Le Parlement européen a clairement montré aujourd’hui que les droits humains et la politique commerciale ne s’excluent pas mutuellement. Si la volonté politique existe, ceux-ci peuvent être conciliés de manière cohérente », s’est félicitée Barbara Lochbihler, porte-parole des Verts sur les droits humains.
Outil clé de l’UE pour la lutte contre la torture et la peine de mort, cette législation interdit notamment l’exportation de produits uniquement conçus pour les exécutions et la torture tels que les chaises électriques, les systèmes automatiques d’injection de médicaments ou les vis à pointes. Le texte vise aussi le commerce de produits conçus à d’autres fins mais susceptibles d’être utilisés pour les exécutions et la torture comme les armes de contrôle anti-émeute, ou certains anesthésiques utilisés dans les injections létales.
Interdiction de la publicité et du courtage
« Si le règlement a le mérite d’exister, il contient certaines failles qui ont permis au commerce ou au courtage et à la publicité de ces produits de continuer », souligne David Martin, le porte-parole du groupe des Socialistes & Démocrates (S&D) sur les questions commerciales. Au cours des négociations avec la Commission et le Conseil, les eurodéputés ont obtenu l’inscription de nouvelles dispositions dans le texte. La première vise à interdire la publicité – en ligne et hors ligne – des biens produits uniquement à des fins de torture et d’exécution. Une interdiction qui s’appliquera aussi aux foires commerciales au sein de l’UE.
Le transit de ces marchandises via le territoire européen, ainsi que les services de courtage et d’assistance technique de ces produits deviendront également illégaux. Le PE a aussi veillé à ce que de nouveaux éléments puissent être rapidement ajoutés à la liste des produits interdits, établie par la Commission européenne. Une clause de révision a par ailleurs été ajoutée afin d’autoriser un examen de la mise en œuvre du règlement en 2020. Un groupe de coordination anti-torture, composé d’experts du Parlement, sera mis en place pour surveiller l’application des règles révisées.
Malgré les réticences des États membres au sein du Conseil, « l’interdiction du transit et de la publicité de ces marchandises a finalement été gravée dans le marbre de l’accord », a commenté Bernd Lange, président de la commission du Commerce international au PE, soulignant la ténacité des eurodéputés au cours de ces pourparlers engagés dès 2014. « Le commerce n’est pas une fin en soi mais un instrument pour améliorer la vie des citoyens. L’UE doit donc utiliser ce levier pour promouvoir la défense des droits de l’homme dans les pays tiers », a insisté David Martin. Une fois formellement validé par le Conseil, le règlement entrera en vigueur trois jours après sa publication au Journal officiel de l’Union européenne.
Kattalin Landaburu, à Bruxelles