Spécialiste des solutions IoT de contrôle et de pilotage des centrales photovoltaïques, la PME française Webdyn est en train de passer à la vitesse supérieure dans le giron du groupe espagnol Flexitron, sur le marché en plein boum de l’efficacité énergétique. Voyant son avenir à l’international, elle vient de recruter un nouveau directeur général venu d’Asie pour mettre en place sa nouvelle stratégie de développement en Europe et en Asie. Revue de détail.
Penser local lorsqu’on vise le marché international : c’est une philosophie clé dans le métier de Webdyn, un acteur français de l’Internet des objets (IoT) qui conçoit et fabrique des boitiers bourrés de technologies et de logiciels permettant de contrôler et piloter à distance des centrales photovoltaïques : « il faut qu’on se localise pour prospecter à l’étranger » souligne son nouveau directeur général, Xavier Dupont, récemment nommé à se poste pour accélérer l’internationalisation de la société.
Pourquoi se « localiser » dans les marchés que l’on convoite quand on est un expert reconnu de sa spécialité ? « C’est un marché BtoB et en plus, dans l’IoT, il n’y a pas de norme unique : chaque pays à ses normes ». Un exemple parmi bien d’autres : les fréquences radio qui peuvent varier d’un pays à l’autres. Autrement dit, mieux vaut connaître les spécificités réglementaires et techniques locales pour proposer des produits compatibles ou aisément adaptables. « Cela fait partie de notre savoir-faire, souligne encore Xavier Dupont. Chez Webdyn, quand on fait un produit, on pense d’entrée à son internationalisation ».
Xavier Dupont a le bon profil pour le job : il a fait une bonne partie de sa carrière non seulement chez des fournisseurs de solutions pour l’IoT, mais aussi à l’international. Il a notamment dirigé Maestro Falcom, troisième fabricant mondial de « Gateway IoT » (des dispositifs matériels et logiciels permettant de connecter deux systèmes informatiques) et co-dirigé Greenware, une autre société spécialisée dans l’efficacité énergétique. Des responsabilités qui l’ont conduit à vivre beaucoup en Asie, où il a posé ses valises en Chine, au Vietnam, en Inde et à Hong Kong. Conseiller du commerce extérieur (CCE), il possède aussi un bon réseau de contacts dans l’écosystème de l’export français.
Déjà 70 % du chiffre d’affaires à l’international
Créée en 2000 par Philippe Faugeras, Webdyn est un expert des dispositifs « Gateway » IoT qui s’est spécialisé dans l’énergie -il a fabriqué des compteurs électriques connectés pour le marché indien dès 2002 – puis, les énergies renouvelables. Il se positionne aujourd’hui comme un des leaders dans les dispositifs de contrôle et de pilotage de centrales photovoltaïques.
Dans sa communication, elle met en avant des dispositifs « Gateway » pour centrales solaires, dotés de capacités de « power management » ou encore des « Gateway » sans fil et autonomes (avec batterie intégrée) pour la télémétrie des répartiteurs de frais de chauffage, et enfin des dispositifs de connexion industrielle IoT.
Le marché est en plein boum, en France comme dans le monde, dans le contexte de l’accélération de la transition énergétique. Le basculement dans les énergies renouvelable se conjugue avec la recherche d’une meilleure efficacité pour réduire la consommation et les émissions de gaz à effet de serre. Les villes se transforment pour devenir plus « intelligentes », les chantiers de rénovation énergétique des bâtiments se multiplient.
Afin d’augmenter les capacités de la société pour surfer sur cette vague, notamment à l’international, son fondateur a cédé la majorité du capital en avril 2021 au groupe espagnol Flexitron, qui a fusionné les activités espagnoles et françaises dans ce segment sous la bannière de Webdyn. Restée ancrée dans son site historique de Saint-Germain en Laye, à l’Ouest de Paris, celle-ci connaît, depuis, une croissance fulgurante : sous l’effet de cette fusion, mais aussi de la dynamique du marché, son chiffre d’affaires a plus que triplé en deux ans, passant de 4 millions d’euros en 2021 à 14 millions d’euros en 2022, dont 70 % à l’international.
Des produits Made in France
Sur le plan industriel, si Webdyn ne dispose pas d’usine et fait assembler ses produits, elle revendique le Made in France. Pour chaque boitier « Gateway », il faut entre 150 et 200 composants : les composants clés sont franco-italiens ou français, certains viennent de Chine ou d’Asie, comme les batteries. Mais la matière grise et l’assemblage sont sur le sol français. « Nous sommes une société fabless [sans usine], mais 100 % de la valeur ajoutée est Made in France car on développe et on fabrique les produits en France » explique Xavier Dupont.
A l’international, Webdyn exporte depuis la France et développe également des ventes via ses filiales à Madrid, New Delhi (Inde) et Taipeh (Taiwan). Son effectif atteint aujourd’hui 74 personnes, dont 24 en France.
« En Europe, nous avons de belles perspectives »
A peine arrivé, Xavier Dupont s’est attelé au chantier de la nouvelle orientation stratégique de Webdyn. Sa feuille de route comprend deux axes.
Le premier axe est technologique : il s’agit de fixer les domaines dans lesquels la société va investir et développer ses compétences en tant qu’acteur de l’efficacité énergétique, puis de verticaliser ses activités sur quelques applications porteuses de bénéfices pour ses clients dans des domaines tels que les énergies renouvelables ou les bâtiments intelligents. Le chantier est en cours.
Deuxième axe : accélérer l’internationalisation, mais sans précipitation. En commençant par utiliser les atouts dont dispose déjà l’entreprise sur le marché européen. « Nous allons capitaliser sur les marchés où nous sommes déjà implantés : la France, l’Espagne, l’Allemagne », souligne Xavier Dupont. « En Europe, nous avons déjà de belles perspectives » ajoute-t-il.
Ce qui n’empêche pas la réflexion sur la stratégie en Asie d’être aussi engagée, à partir des bases existantes en Inde et à Taiwan. Dans ce dernier pays toutefois, le bureau commercial ouvert juste avant la crise sanitaire a vu son activité considérablement freinée par la Covid, qui a gelé durant quasiment deux ans tous les déplacements en Asie.
Dans cette zone, se posera très vite la question d’une localisation plus poussée des produits, avec une part locale significative afin de respecter les exigences des donneurs d’ordres et/ou d’être compétitif en termes de prix : « Le taux de part local nécessaire pour entrer sur les appels d’offres est de l’ordre de 30 à 40 % dans un pays comme l’Indonésie » souligne Xavier Dupont. En Inde, la pression du « Made in India » est également forte. La société devra donc trouver une stratégie qui réponde à ces exigences si elle veut avoir une chance de percer durablement.
La zone Amérique du Nord est également en ligne de mire « on a tous les atouts pour le faire, les produits et les équipes ». Mais ce sera pour plus tard. « Attaquer le marché nord-américain suppose d’avoir un plan solide à 4/5 ans et d’être prêt à faire de gros investissements, avec des équipes dédiées, justifie Xavier Dupont. Ce n’est pas la priorité pour le moment ».
Pour l’heure donc, la priorité est à la consolidation, principalement en Europe, dès 2023, avant, d’ici trois ans, de se renforcer en Asie.
Christine Gilguy