Un an après sa création, Geodora a déjà séduit une clientèle d’amateurs de haute parfumerie en France, mais également au Chili où elle exporte 15 % de son chiffre d’affaires. Le credo de cette TPE varoise de 3 personnes ? Allier esthétique et éthique dans un secteur trusté par les grands groupes.
« Je suis un startupeur de 56 ans », aime à plaisanter Gérard Gatti avec l’énergie et le recul de ceux qui ont dû tout recommencer à zéro.
Originaire du pays de Grasse, berceau de la parfumerie française, ce titulaire d’une maîtrise de droit public, d’un MBA de l’ISG Paris et d’un diplôme en management de l’Insead, intègre en 1989 le bureau de création parisien d’une société grassoise de composition de parfums, Lautier Florasynth. Il collabore avec différentes maisons avant de fonder en 2000 sa propre société de création de fragrances pour l’industrie de la beauté et des cosmétiques, Fragrances Concerto.
La rupture intervient en 2019, lorsque la maison Expressions parfumées, son principal partenaire, qui travaille à 80 % à l’export, est rachetée par le numéro 1 mondial du secteur, le fabricant suisse d’arômes, de parfums et d’ingrédients cosmétiques Givaudan. « Ce n’était plus le même état d’esprit, regrette le dirigeant. La parfumerie est un secteur qui s’est massifié et qui vend des fragrances comme on vend de la lessive. Je préfère les PME car je considère que l’humain est la ressource principale d’une entreprise et doit être au cœur de la création d’un produit. S’il n’y pas d’humain, ça ne m’intéresse pas. »
Un sourcing de proximité
Fort de trente ans d’expérience dans le secteur, dont 10 à se former en autodidacte à la composition de parfums, le chef d’entreprise ouvre son propre laboratoire dans la propriété familiale de Montauroux, située à 40 minutes en voiture de Grasse.
Toujours gérant de Fragrances Concerto, il fonde Geodora (« don de la terre ») dont il assure la présidence, avec une idée en tête : créer des eaux de parfum de haute parfumerie écoresponsables et impliquant le plus de fournisseurs locaux possible.
Les contenants réutilisables en aluminium, qui dénotent dans un univers habitué aux flacons de luxe, sont fournis par Tournaire, entreprise née en 1833 avec les premiers distillateurs de plantes à parfum de la région pour lesquelles ce chaudronnier s’est mis à fabriquer des alambics et des estagnons. L’aluminium permet de conserver durablement les parfums fortement concentrés de Geodora, sans colorants et sans additions.
Toujours dans cette volonté de sourcer localement, les emballages en papier de la gamme de savons du parfumeur sont produits par la papèterie Montségur, dans la Drôme. Ces « choix qui ne sont pas financiers, mais de valorisation », selon le dirigeant, bénéficient d’un argument de poids à l’export : l’aura du Made in France. « Sur ce marché très concurrentiel c’est évidemment un très gros avantage et encore plus d’être Made in Provence ».
Des ambitions en Asie et au Moyen-Orient
Conçus et fabriqués en France, à partir de matières premières certes importées (Gérard Gatti songe à les faire venir depuis le continent africain par voilier afin de réduire son empreinte carbone), les 12 eaux de parfums créées par Geodora jouent à fond la carte de la durabilité. L’entreprise est par ailleurs membre de 1% For the Planet et fait don chaque année de 1 % de son chiffres d’affaires à des causes environnementales.
Avec un plan marketing soigné et un savoir-faire fort de trente ans d’expérience, le dirigeant ne compte pas s’arrêter au seul marché chilien sur lequel Geodora a pris pied via un importateur originaire de Grasse et marié à une chilienne. Il négocie les contrats de distributions et fait connaître la marque dans des réunions à domicile, très populaires en Amérique latine.
Avec Business France, il a effectué une première mission mitigée en Scandinavie. « Pour l’instant ça n’a pas abouti, mais l’expérience m’a montré qu’il faut être attentif aux résurgences », estime Gérard Gatti qui a également dans sa ligne de mire des pays ayant une forte tradition de parfumerie, un critère important sur un marché de niche. « Le Japon et la Corée du Sud sont encore à valider, mais dans un avenir proche nous allons prospecter le Moyen-Orient, qui est un hub international dans le secteur, et l’Italie ».
Pour ce faire, les eaux de parfums de Geodora partiront en quête de clientèle sur les salons (Beautyworld Middle East à Dubai l’an prochain et Esxense à Milan en 2024) avec toujours le même leitmotiv : « faire une parfumerie d’auteur dans un monde de blockbusters ».
Sophie Creusillet