Lauréate du palmarès 2023 du Moci dans la catégorie « Exportateur francilien », la PME francilienne conçoit et réalise des contenus interactifs pour les musées et les sites patrimoniaux ainsi que des visites augmentées qui voyagent partout dans le monde. Son secret ? Allier les technologies de la réalité augmentée, de l’immersion et de la 3D à un contenu exigeant sur le plan historique.
Si Histovery réalise aujourd’hui presque la moitié de son chiffre d’affaires hors des frontières de l’Hexagone, le pari de l’international, formulé dès sa création en 2013, aura mis du temps à se concrétiser. C’est en effet en 2020 que l’entreprise équipe pour la première fois un site à l’étranger, en l’occurrence le château d’Albrechtsburg, en Allemagne, de ses Histopads, des tablettes proposant des contenus interactifs à ses visiteurs.
« Dès le départ nous voulions aller à l’international, se souvient Bruno de Sa Moreira, cofondateur et dirigeant. J’ai pris mon bâton de pèlerin et réalisé quantité de missions de prospection entre 2014 et 2019, mais ça n’embrayait pas. Nous étions trop petits et pas assez connus pour qu’on nous fasse confiance. »
Pourtant, trois ans plus tard, les tablettes d’Histovery sont distribuées à plus de 3 millions de visiteurs par an, sur 18 sites en Europe et dans le monde. L’entreprise fournit les Histopads, les contenus, les logiciels, les remontées de data… Un ensemble complet qui permet aux institutions d’attirer plus de visiteurs et d’analyser leur comportement.
Aux États-Unis en passant par la Normandie
Le déclic de l’international est venu avec la mise au point d’un nouveau format : des expositions augmentées itinérantes dans des lieux éphémères. Et c’est en passant par la Normandie que la PME parisienne de 40 personnes a décroché son premier contrat américain. A l’occasion du 75e anniversaire du D-Day, en 2019, Histovery « exporte » l’Airborne Museum (le musée de Sainte-Mère-Eglise), un de ses clients français, au Musée National de l’US Air Force à Dayton, dans l’Ohio.
L’exposition D-Day : Freedom from above, propose au visiteur américain de revivre le débarquement de 1944 du point de vue des parachutistes. « Le conservateur en chef du musée a été bluffé par la rigueur de la reconstitution historique, se félicite Bruno de Sa Moreira. Tout est fait en interne par des historiens et des spécialistes de l’histoire de l’art. Nous avons un comité scientifique pour chaque projet. Les recherches sont effectuées par nos équipes et un coordinateur qui fait également appel à des experts. »
Des expositions qui permettent d’exposer des savoir-faire
Pour rester au plus près du marché états-unien, la PME francilienne y a ouvert cette année une filiale, à New York. Elle dispose également d’un bureau de représentation à Berlin et à Londres. « Aux États-Unis, avoir une société de droit américain est très rassurant pour nos partenaires et, comme partout ailleurs, il faut être présent sur place pour développer l’activité. »
Car l’idée du dirigeant est d’utiliser ces expositions éphémères, des projets ponctuels pour pénétrer des marchés et y commercialiser ensuite des contenus spécialement conçus pour des musées et des sites historiques.
Si l’exposition sur le Débarquement constitue une excellente carte de visite outre-Atlantique, c’est celle sur Notre Dame, avec sa reconstitution immersive et ses animations 3D, qui a véritablement permis à Histovery de se faire connaître mondialement.
D’abord présentée en 2021 à l’exposition universelle de Dubaï sur le pavillon France, puis au collège des Bernardins, à Paris, « Notre-Dame de Paris, l’exposition augmentée » est ensuite partie en tournée mondiale de trois dans 16 villes (Shanghai, Mexico, Washington, Dresde…). Ce projet ambitieux a pu voir le jour grâce au soutien de L’Oréal, fleuron tricolore de l’export.
L’émulation de la French Touch
Ce concept d’exposition itinérante a intéressé le musée texan de Fort Alamo, dont le siège en 1836 joua un rôle décisif dans la révolution américaine qui fêtera ses 250 ans en 2026. « Nous les avons rencontrés en mai 2023 sur un salon des musées à Denver et nous avons signé six mois plus tard », détaille le dirigeant. Loin des marchés publics européens, les musées américains ont plus d’autonomie et réagissent vite. Ce projet prévoit une tournée de 5 à 6 ans dans cinquante villes américaines.
Bruno de Sa Moreira, a participé au programme Cultur’Export de Bpifrance aux États-Unis et aux missions ICC immersion avec Business France en Israël, au Canada, au Royaume-Uni et en Corée. Il regarde actuellement du côté des marchés asiatiques, en particulier le Japon et la Corée, mais se dit « prudent » au sujet du marché chinois.
Cette frénésie de prospection a non seulement permis au dirigeant de construire sa stratégie à l’international mais aussi « de s’enrichir au contact d’autres industries culturelles et créatives opérant dans d’autres secteurs ». Une diversité et un éclectisme qui ne sont pas pour déplaire à cet ancien éditeur, passionné de nouvelles technologies, passé par des études de lettres et de sociologie, un diplôme de troisième cycle de cinéma à l’UCLA et HEC.
Alors que la demande est forte pour des profils de développeurs, Histovery ne peine pas à recruter des talents attirés par l’aspect culturel du projet. « Nous sommes à la fois une entreprise de tech et de contenu, un peu comme une maison d’édition. » Autre aout pour attirer des talents : l’entreprise est aujourd’hui la seule à proposer des solutions de visites et expositions augmentées de ce type, alliant performance technique et exigence historique.
Sophie Creusillet