Spécialiste des produits réfractaires pour la sidérurgie et de l’isolation thermique et la protection feu dans le bâtiment, la PME mosellane Daussan a remporté le premier prix de la catégorie « développement remarquable à l’international » du palmarès 2023 du Moci. Cette entreprise industrielle, déjà très exportatrice, déploie tambour battant une nouvelle stratégie internationale impulsée par la petite-fille d’un de ses fondateurs.
Dans un secteur dominé par les (très) grandes entreprises internationalisées, Daussan sort du lot avec ses 60 employés et un chiffre d’affaires de 24 millions d’euros en 2022 (M EUR). Ce qui ne l’a pas empêché de devenir une référence dans le monde de la sidérurgie grâce à la mise au point au début des années 1980 de solutions projetées pour les « répartiteurs » utilisés lors de la coulée de l’acier.
« Nous produisons la feuille de papier qui se trouve entre le moule et le gâteau », résume Laurène Weizman, sa dirigeante. Au début des années 1980, l’entreprise qui fabrique également des solutions d’isolation thermique et incendie dans le bâtiment, a révolutionné les méthodes de coulée de l’acier en projetant à l’intérieur des répartiteurs des produits en magnésien, une technique aujourd’hui utilisée partout dans le monde par les géants de la sidérurgie.
Une présence sur 40 marchés
Daussan dispose de deux filiales, en Turquie et en Italie, réalise les deux tiers de son chiffre d’affaires à l’export (soit 16 M EUR en 2022) et vend ses produits dans une quarantaine de pays : toute l’Europe, l’Afrique du Nord, le Moyen-Orient (Egypte, Israël…), en Asie occidentale, et, pour certaines solutions spécifiques, au Mexique et en Inde.
Avec ses 200 employés dont 60 à Woippy, en Moselle, cette entreprise familiale créée en 1936, tranche dans un secteur très concentré et largement dominé par de grandes entreprises. Sa petite taille et son positionnement de niche lui permettent de soigner le suivi des clients et d’établir avec eux des partenariats de longue durée.
Une flexibilité et une réactivité qui se sont imprimées dans la gouvernance de la société. « En CoDir [comité de direction, ndr], nous sommes dix. Les décisions sont prises de manière collégiale, nous ne sommes dans un grand groupe avec beaucoup de procédures lourdes et lentes, explique Laurène Weizman. Les choses vont plus vite et les gens se sentent plus impliqués et responsabilisés. »
Un travail de prospection tous azimuts
Un état d’esprit que la petite-fille de l’ancien directeur instille dans l’ensemble de l’équipe, mêlant respect des savoir-faire de chacun et travail en transversalité sur des projets communs. Y compris à l’international.
« Un de nos brevets est tombé dans le domaine public au début des années 2000 et la concurrence s’est mise à utiliser la même solution projetée pour les répartiteurs. Pour relancer certains marchés il faut replonger dans les archives de l’entreprise. Et nous avons en interne des gens qui ont 30 ans de métiers et qui savent qui fait quoi ou et quand dans le domaine du réfractaire. C’est très précieux à l’international. »
Depuis qu’elle a repris l’entreprise en 2022, la dirigeante, multiplie les opérations de prospection : l’Allemagne, l’Espagne et l’Italie, bientôt l’Amérique latine et la région Indo-Pacifique, le Maghreb et l’Egypte depuis sa filiale turque.
Relancer des marchés, s’en ouvrir d’autres, Daussan, qui doit aussi investir dans l’appareil productif mosellan, ne s’interdit pas d’ouvrir d’autres filiales à l’avenir. Des projets plein l’agenda, celle que son grand-père promenait enfant dans l’usine familiale, n’était pourtant pas prédestinée à reprendre au débotté la direction d’une PME industrielle en Moselle, fût-elle liée à l’enfance.
La RSE, par conviction et anticipation des besoin des clients
Prépa à Louis le Grand, Essec, droit public à Assas, Laurene Weizman travaille à Paris dans l’immobilier, avec Philippe Journo, à la Compagnie de Phalsbourg. Un jour de février 2022 son téléphone sonne. Les actionnaires de JGAD Finance, la holding de Daussan, lui proposent la présidence du directoire. Elle a 25 ans et 24 heures pour répondre.
« J’ai dit oui en hommage à mon grand-père qui était décédé peu auparavant et que j’aimais beaucoup, par devoir moral, pour que Daussan conserve cette forte identité d’entreprise familiale. J’avais 25 ans, on me faisait confiance, c’était un risque énorme mais la vie est pleine de risques et des occasions comme ça ne se représentent pas deux fois. »
Direction Woippy, donc, où la dirigeante met également en oeuvre un programme RSE, atout important pour les fournisseurs du scope 3 des grands donneurs d’ordre de la sidérurgie, soumis aux critères environnements grandissants de leurs investisseurs. Par conviction personnelle et pour anticiper les obligations vis-à-vis de la décarbonation, Laurene Weizman obtient en un an la certification de management environnemental 14001 en faisant travailler de pair les opérateurs, le laboratoire, la maintenance pour économiser au maximum l’énergie.
Un brans-le bas de combat collectif qui a permis au site mosellan de réduire de 38 % sa consommation de gaz en un an et, au passage, de développer de nouvelles innovations sur les temps de coulée et la taille des étuves. « Aller travailler dans un secteur polluant, ce n’est pas glamour, mais ça a un impact énorme », se réjouit l’entrepreneuse.
Sophie Creusillet