Maison Broussaud, fabricant de chaussettes à façon dont les origines remontent à 1938, a décidé de créer sa propre collection, sous sa marque, il y a à peine deux ans. Tel une startup, la PME déploie à présent avec succès ses propres modèles Maison Broussaud en France et à l’export, mais à son rythme, c’est à dire à petit pas et « en bon père de famille ».
Aymeric Broussaud et sa femme Alexandra, c’est la troisième génération aux manettes de Maison Broussaud, un fabricant de chaussettes Made in France et labellisé « Entreprise du patrimoine vivant » (EPV) dont la création remonte à 1938, dans le village Les Cars, en Haute-Vienne, à une trentaines de kilomètres au sud de Limoges.
Jusqu’à récemment, ce nom de « Broussaud » était pourtant inconnu du grand public. Et pour cause : cette PME de 69 salariés et de 8 millions d’euros de chiffre d’affaires travaillait à façon pour de grandes marques ou enseignes de la distribution telles que Le Slip français, Lacoste, Archiduchesse ou encore Carrefour. Plus d’un million de chaussettes sortent chaque année de ses ateliers sous les marques de ces grands clients. Avec un positionnement de haute qualité.
Mais cette discrétion n’est plus de mise. « Nos clients s’étonnaient régulièrement que l’on n’ait pas encore notre marque propre, des gens comme Thomas Huriez, créateur de 1083 Jeans, nous ont encouragé à nous lancer, se souvient Aymeric. Tous les autres fabricants français avaient déjà franchi ce cap tout en continuant à fournir de grandes marques. On a fini par se dire : pourquoi pas nous ? ».
Les Broussaud, qui ont pris la direction de l’entreprise en 2006, ont donc décidé de sauter le pas et de développer leur propre collection, sous la marque éponyme, en intégrant d’entrée l’export.
Une marque propre pour la France et l’export
A la manière d’une startup, l’objectif est de partir de zéro pour développer des collections nouvelles à destination des détaillants indépendants, en visant le marché français et l’export. La manière sera toutefois différente des startup de l’univers des nouvelles technologies : ce sera prudemment, à son rythme, « en bon père de famille » : « pas question d’investir 500 000 euros pour faire 200 000 de chiffre d’affaires » ironise Aymeric Broussaud.
Et pour commencer, il a fallu faire l’apprentissage de nouveaux métiers comme la création et la gestion de collections, le marketing et la communication, la commercialisation en directe dans le réseaux des détaillants, la gestion des stocks… « Nous sommes façonniers depuis 1938, il a fallu que l’on apprenne ces métiers pratiqués par nos clients mais que l’on ne connaissait pas » résume le dirigeant.
Alexandra, sa femme, a pris en main la partie création des collections, en s’appuyant sur l’équipe interne de dessinateurs et, de temps en temps, sur des talents externes. Pour la fabrication, la PME n’a pris aucun risque pour ses débuts : elle utilise les stocks de fil restés non utilisés. Pour la partie commercialisation, elle a dû créer des plaquettes, un site Internet dédié, constituer un stock, construire un réseau d’agents, bref, « tout un univers commercial » dont la PME n’avait pas besoin jusque-là.
Premières ventes export grâce au e-commerce BtoB
En France, en deux ans, la PME a réussi à mettre en place un réseau de 7 agents. Maison Broussaud est devenu techniquement un client de Broussaud, ce qui facilite la gestion de la fabrication et des stocks et la comptabilité. « Nos agents ont aujourd’hui tout ce qu’il faut pour vendre » se réjouit Aymeric Broussaud. Non sans succès : 20 000 chaussettes « Maison Broussaud » ont été écoulées l’an dernier dans les boutiques décrochées par ces agents.
A l’export, la commercialisation a elle aussi commencé pas à pas, en parallèle. Prudemment, la PME a choisi d’utiliser dans un premier temps les canaux du e-commerce en allant sur deux grandes plateformes BtoB, Ankorstore et Fair.com. Là encore, les premiers résultats sont prometteurs : « 25 magasins ont fait des premières ventes et on a 30 % de recommande » se réjouit Aymeric.
Des chaussettes Maison Broussaud sont en ventes chez des détaillants en Belgique, en Italie, au Portugal, en Suisse et, aux États-Unis, où « sans rien faire, nous avons ouvert 20 boutiques », précise le dirigeant.
Le grand export, un nouveau métier
L’export, et surtout le grand export, c’est aussi un nouveau métier. « En Europe, c’est plus facile avec l’euro », explique le dirigeant. Sans compter l’absence de droits de douane dans l’Union européenne.
Pour les États-Unis, c’est une autre affaire : « vous devez apprendre à travailler en dollars, à tenir compte des frais de douane et de transport, poursuit le dirigeant. Et puis vous vous apercevez qu’il faut aussi adapter vos tailles de chaussette au marché américain, donc transformer l’ensemble des descriptions de vos produits, traduire en anglais tout le site… ». Tout un travail d’apprentissage et d’adaptation que la PME a mené en avec ses équipes, en interne.
L’an dernier, un millier de chaussettes environ ont été livrées à l’export tout marchés confondus. Un début, mais prometteur compte tenu des moyens modestes en marketing et publicité engagés par la PME.
Première participation au salon Curve de New-York
Mais l’équipe dirigeante se sent maintenant prête à accélérer, notamment aux États-Unis où toutes les grandes marques de chaussettes françaises sont présentes. C’est ce qui a motivé sa décision d’aller exposer pour la première fois au salon de la lingerie, du maillot de bain et de l’élégance masculine Curve de New-York, qui s’est tenu du 5 au 7 février dernier. Un incontournable pour la lingerie mondiale sur ce marché. Et là encore, une vraie expérience de découverte.
Car aux États-Unis, les salons spécialisés n’ont pas grand-chose à voir avec les salons européens. Accès payants à un tarif élevé, moins de monde dans les allées car les rendez-vous sont programmés en amont… « Vous n’avez pas les promeneurs du dimanche, ces visiteurs un peu opportunistes que l’on croise sur des salons européens, c’est une autre approche » raconte Aymeric Broussaud.
Aubade, Chanterelle, Falke y sont. Mais pour une jeune marque française en devenir, difficile d’être repérée même si à chaque fois que des visiteurs se sont arrêtés sur le stand, le retour a été excellent sur la qualité des produits, la PME étant encouragée à se faire référencer chez eux.
Si le dirigeant en est revenu avec un sentiment mitigé – « nous avons engrangé 4 commande alors que via la plateforme de e-commerce, nous avions ouvert 20 magasins sans rien faire » – il n’affiche aucun regret : « nous n’avions pas un objectif précis, et ça nous a permis de découvrir par nous même comment les choses se passent ».
D’autant que lors de Curve, ils ont aussi rencontré les équipes de son distributeur aux États-Unis, Textiss USA, fondé par un entrepreneur français. « Ils sont optimistes », souligne Aymeric, « nous avons notre place sur le marché américain ». Des amis à New-York leur ont donné des contacts de boutiques qu’ils ont pu visiter en direct, ce qui les a conforté dans cette conviction. Plusieurs pistes font désormais l’objet de réflexion.
De quoi encourager les Broussaud à persévérer. Il y a de quoi. Parti de zéro, la marque Maison Broussaud a généré 200 000 euros de chiffre d’affaires en 2022, France et export confondus. De nouveaux modèles sont dans les tuyaux, dont certains en partenariats avec des clients, comme une gamme de chaussettes de sport. « Nous espérons doubler le chiffre d’affaires cette année et atteindre le million d’euros en 2024 » indique Aymeric. Et l’export sera sans aucun doute un des leviers de cette expansion.
Christine Gilguy