Exel industries fait cette année son entrée dans le classement Inpi des 50 premiers déposants de brevets en 2020, en pointant à la 49e position. Parmi ces 50 leaders français de l’innovation, l’immense majorité sont de grandes entreprises. Seules trois ETI ont réussi à se faire une place dans ce palmarès : Soitec, GTT et Exel industries dont Daniel Tragus est le directeur général délégué en charge de la stratégie, des acquisitions et de la propriété industrielle. Entretien.
Le Moci- Exel a déposé auprès de l’Iinpi 29 demandes de brevet publiées en 2020. Ce chiffre a-t-il été exceptionnellement élevé l’année dernière où se situe-t-il dans la moyenne des dernières années ?
Daniel Tragus- Pour être tout à fait exact, nous en avons fait 29 en France auprès de l’INPI et 7 hors de France, mais ceux-là ne sont pas comptabilisés dans le classement INPI. Habituellement, nous en déposons plutôt une vingtaine, ce qui ne nous avait jamais permis d’être dans le top 50 global des entreprises françaises. En revanche, nous figurions déjà dans le top 10 des entreprises de taille intermédiaire (ETI) : l’année dernière, nous étions en 7e position pour les ETI.
« Nous avons décidé de ne pas ralentir la R&D en 2020 »
Le Moci- 45 % de brevets supplémentaires par rapport aux années précédentes donc, pourquoi ?
D.T. Nous avons décidé de ne surtout pas ralentir la R&D en 2020, malgré la crise. Le hasard a fait que nous avions plusieurs projets sur le point d’aboutir et qui se sont donc concrétisés simultanément.
Cela étant dit, il est certain que l’innovation a toujours été dans l’ADN du groupe et de son fondateur. Le groupe pèse aujourd’hui 3 500 salariés environ pour un chiffre d’affaires de 754 millions d’euros sur le dernier exercice. Il est constitué d’une quinzaine de sociétés et de filiales commerciales.
Nous sommes positionnés sur plusieurs marchés : la pulvérisation agricole, l’arrachage de betteraves, l’arrosage et pulvérisation du jardin, et la pulvérisation industrielle. Avec à chaque fois, un positionnement premium, se différenciant de la concurrence par la technologie et les innovations. Il est donc absolument primordial pour nous d’innover d’une part, et de protéger nos innovations d’autre part.
Le Moci- Quelles est votre politique en matière de propriété industrielle justement ?
D.T. Nous sommes très actifs. Notre budget PI est d’environ 3 millions d’euros par an, comprenant nos salariés en charge de ce sujet mais aussi les frais d’avocat. Nous sommes en effet très attentifs à la contrefaçon. Nous agissons dès que nous repérons des dérives. Nous avons d’ailleurs fait opérer encore très récemment des saisies-contrefaçon en France et en Chine.
Dans certaines zones, « il est extrêmement complexe d’y faire reconnaître la contrefaçon »
Le Moci- Cela coute très cher de protéger ses innovations partout, quels sont vos arbitrages ?
D.T. Oui, nous sélectionnons les pays où nous protégeons nos innovations en fonction de deux critères : le potentiel du marché local et la possibilité de faire valoir ses droits. Dans certaines zones du monde, comme en Inde ou au Brésil par exemple, l’argent investi est perdu car de toute façon il est extrêmement complexe d’y faire reconnaitre la contrefaçon.
Le Moci- Comment est organisée la R&D au sein d’Exel industries ?
D.T. Le groupe a grandi au fil des années via des opérations de croissance externe, en France jusqu’en 2002 puis à l’international (depuis 2007, toutes les acquisitions se sont faites à l’international : Danemark, Pays-Bas, Angleterre, Etats-Unis et Allemagne en 2020).
Cette histoire nous amène à un fonctionnement plus similaire à celui d’une fédération de PME qu’à celui d’un groupe centralisé. La R&D est menée sur place dans nos sociétés implantées à travers le monde mais le groupe en assure le financement.
En parallèle, nous avons une équipe centralisée sur notre siège historique, à Epernay. Récemment, pour le secteur agricole, nous avons également mis en place des pôles de compétences afin de mutualiser et optimiser les développements. Nous consacrons en moyenne 4 % de notre chiffre d’affaires à la R&D.
« Nous différencier par rapport à des concurrents de taille internationale »
Le Moci- Ces 4 % comprennent-ils l’investissement dans Exxact Robotics, la startup de R&D (15 salariés) que vous avez créée il y a moins de deux ans ?
D.T. Non, pour Exxact Robotics, il faut ajouter encore 10 millions d’euros sur les trois prochaines années. L’effort est très significatif mais l’enjeu est fondamental pour Exel industries : elle doit nous permettre de mener le développement, en mode agile donc, de nouvelles technologies transversales à nos différents secteurs d’activité. Le premier produit sera présenté en fin d’année et concernera le monde de la vigne.
Le Moci- En quoi cette stratégie d’innovation forte soutient votre rayonnement à l’international ?
D.T. Nous réalisons 80 % de notre chiffre d’affaires à l’étranger. Il est évident que l’innovation nous permet de nous différencier par rapport à des concurrents de taille internationale. Sans elle, nous n’existerions probablement pas. L’innovation nous permet d’assurer des positions fortes à l’international.
Propos recueillis par
Stéphanie Gallo