Difficile de croire au hasard du calendrier lorsque les annonces se suivent de si près et concernent le même partenaire requalifié, depuis l’an passé, de « rival systémique » de l’UE. Alors que le 4 mai dernier la Commission européenne annonçait la suspension de la ratification de l’accord d’investissement UE/Chine, elle présentait, dès le lendemain, deux nouveaux textes qui, s’ils ne la visent pas nommément, ciblent clairement la Chine et ses pratiques commerciales déloyales.
Et pour souligner encore l’importance que la Commission Von Der Leyen attache à ces dossiers, trois de ses poids lourds se sont partagés le pupitre de la salle de presse pour présenter les nouveaux instruments dont l’exécutif européen souhaite se doter : les deux vice-présidents, Valdis Dombrovskis et Margrethe Vestager, respectivement en charge du commerce et de la concurrence ainsi que le Commissaire français, Thierry Breton, responsable d’un « super-portefeuille » incluant notamment l’industrie et le marché intérieur.
Révision de la stratégie industrielle de l’UE
« Le partenaire d’hier ne pouvait pas être le partenaire d’aujourd’hui », a souligné l’ex-ministre français lors de la présentation de la mise à jour de la stratégie industrielle de l’UE. L’objectif de cette feuille de route vise donc bien à réduire la dépendance des Européens vis à vis de l’étranger et en particulier de la Chine.
Et dans ce but la Commission s’est d’abord livrée à une analyse, secteur par secteur, pour identifier les « vulnérabilités » du bloc. Sur un total de 5 200 produits importés, l’Europe est dépendante pour 137 produits, dont la moitié provient de Chine.
Dans le cas, par exemple, des semi-conducteurs, dont seulement 9 % sont produits au sein de l’UE, Thierry Breton suggère de rouvrir des usines en Europe. Dans d’autres, elle propose des solutions alternatives comme la diversification des approvisionnements, le stockage ou des investissements massifs dans l’innovation.
Fidèle à la ligne défendue par Emmanuel Macron, le commissaire français souhaite aussi promouvoir les projets d’alliances entre groupes industriels et chercheurs européens. Les initiatives communes dans le domaine de l’hydrogène, des batteries ou du stockage de données pourront servir de modèle et se « multiplier à l’avenir », espère Thierry Breton.
L’idée générale, défendue dans cette mise à jour, « c’est de produire en Europe ce qui peut y être produit, tout en se tournant vers l’extérieur pour ce qui est nécessaire », résume Éric Maurice, directeur du bureau bruxellois de la Fondation Robert-Schuman.
Contrôle des subventions étrangères
Ces recommandations pourront s’appuyer sur des nouveaux instruments destinés à renforcer encore l’arsenal de défense commercial de l’UE.
Le projet de règlement présenté le 5 mai à Bruxelles vise à doter la Commission de nouvelles compétences exclusives dans la prévention et la surveillance des firmes étrangères investissant au sein de l’UE et qui bénéficieraient de subventions publiques, directes ou indirectes. « A l’image de ce que nous faisons déjà pour les aides d’Etat accordés aux pays membres de l’Union », indique un collaborateur de Margrethe Vestager.
Dans deux cas de figure spécifiques, les opérations devront être notifiées à la Commission européenne. D’abord pour tout projet de rachat d’une entreprise européenne dont le chiffre d’affaires annuel est supérieur à 500 millions d’euros et qui serait proposé par une société ayant reçu au moins 50 millions d’euros de subventions d’un pays tiers.
Même chose pour les contrats publics d’une valeur supérieure à 250 millions d’euros octroyés à des groupes étrangers.
Enfin, l’exécutif propose de se doter d’un « droit d’initiative » lui permettant de lancer une enquête de son propre chef si une transaction effectuée au sein de l’UE lui semble suspecte. Et si la distorsion est avérée Bruxelles pourrait alors imposer des mesures de redressement pouvant aller de la cession de certains actifs ou l’interdiction d’un certain comportement sur le marché, jusqu’au remboursement de la subvention au pays d’origine.
Kattalin Landaburu, à Bruxelles