Président d’ICC France depuis novembre 2017, Philippe Varin peut être satisfait : lors de réunion du comité directeur d’ICC International, la Chambre de commerce internationale*, le 28 septembre à New York, les trois « positions » sur le commerce international que défendait notamment le comité France ont été adoptées. Dont celle sur le problème de l’extraterritorialité des lois nationales, d’une actualité brûlante depuis la décision unilatérale des États-Unis de rétablir les sanctions sur l’Iran, y compris les sanctions dites « secondaires », qui touchent les entreprises non-américaines et que l’Union européenne cherche à contrer .
Les deux autres « draft policy statements » qui ont été adoptés à New York concernent, le premier, le climat et le commerce, le second, la réforme de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), devenu un cheval de bataille européen.
Déjà reconnue pour sa mission réglementaire – ICC International travaille ainsi actuellement à la révision des Règles Incoterms – cette organisation non gouvernementale rassemblant les grands acteurs privés du commerce international semble donc décidée aujourd’hui à jouer de son influence et de son réseau international plus qu’auparavant. Elle est depuis 2017 la seule ONG représentant des intérêts économiques à posséder le statut d’observateur à l’Organisation des Nations Unies (Onu), une position favorable au rôle de lobbying qu’elle entend jouer dans cette enceinte, et auprès d’autres groupes, comme le G20, et bien sûr des gouvernements du monde. Basée à Paris, elle est présidée depuis juin par Paul Polman, P-dg d’une multinationale, Unilever.
D’où l’intérêt de se pencher sur ces propositions.
Créer un consensus autour de l’extraterritorialité
« Aucune objection n’a été relevée à New York. Le représentant américain ne s’est pas exprimé et donc les trois textes ont été adoptés à l’unanimité », s’est félicité un expert français qui a été une cheville ouvrière dans l’élaboration de ces documents. Pourtant, l’adoption des trois textes, dont Le Moci s’est procuré une copie, n’était pas acquise, loin s’en faut. Ainsi, lors de l’Assemblée générale d’ICC France, le comité français de l’ICC, à Paris le 17 septembre, Philippe Varin se montrait prudent, sinon inquiet. Il nous avait ainsi confié qu’il ignorait « si ses collègues américains se laisseraient convaincre ».
Il est vrai que le texte sur l’extraterritorialité, intitulé « l’impact négatif de l’application de l’extraterritorialité des normes légales nationales sur les transactions d’affaires internationales », avait tout pour déplaire aux membres américains, au moment où Washington impose à la planète entière, sans concertation, ses propres règles d’extraterritorialité pour l’Iran. Pour autant, aucun pays n’est cité dans ce texte à portée générale, l’objectif affiché étant de réduire l’insécurité juridique et les distorsions de concurrence.
La résolution sur l’extraterritorialité adoptée par l’ICC le 28 septembre contient un certain nombre de recommandations pour ne pas pénaliser les entreprises, notamment :
- adopter le principe de courtoisie, ce qui implique de se concerter avant d’agir,
- consulter le monde du business, ce qui peut lui permettre d’avertir sur les conséquences économiques et commerciales de certaines mesures,
- étudier d’éventuelles exemptions à la règle pour en limiter l’impact négatif,
- se référer à des instances internationales, comme le G20, l’OCDE, l’OMC pour résoudre les différents autour de l’extraterritorialité, « avec la possibilité de faire appel à l’arbitrage »,précise-t-on au Moci .
Lancement d’une plateforme digitale de dialogue
S’agissant de la position adoptée sur le climat et le commerce, ICC International affirme que le système multilatéral sous les auspices de l’OMC contribue à la mise en œuvre de l’Accord de Paris sur le climat. Pour y parvenir, son comité directeur préconise, toutefois, d’introduire une dérogation au principe de non discrimination en autorisant des ajustements tarifaires aux frontières en fonction du contenu carbone des produits.
En ce qui concerne le troisième texte, portant sur la réforme de l’OMC, ICC International, qui revendique des liens étroits avec la France qui va présider le G7 l’an prochain, va lancer une plateforme digitale de dialogue à l’occasion de l’Assemblée générale du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale, le 10 octobre, appelée The Global Dialogue on Trade.
Outre les institutions multilatérales (OMC, OCDE, banques régionales de développement…), 80 entreprises, dont cinq françaises, seront sollicitées pour « indiquer ce qui marche, ce qui ne fonctionne pas et quelles réformes doivent être menées selon elles pour réformer l’OMC », précise François Georges, délégué général d’ICC France.
Une conférence en novembre sur l’OMC à Paris
Parallèlement à cette initiative, qui doit durer un mois, l’ICC Internationale négocie à l’heure actuelle sa présence au Forum de Paris sur la paix, plateforme de débat et d’échange qui se tiendra du 11 au 13 novembre à l’occasion du centenaire de la fin de la première guerre mondiale. Elle voudrait y présenter les résultats de la plateforme digitale. « Le thème sera le multilatéralisme et Paris sera le carrefour de diverses manifestations internationales », s’est félicité Nikolaus Schultze, directeur Global Policy d’ICC International, lors de l’Assemblée générale d’ICC France.
L’avantage serait double, puisque cette opération se tiendrait ainsi à quelques jours d’une conférence sur l’OMC, avec la participation de Roberto Azevedo, son directeur général, Cecilia Malmström, commissaire européenne au Commerce, Bruno Le Maire, ministre français de l’Économie et des finances, Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État à l’Europe et aux affaires étrangères, et Philippe Varin.
Cette conférence sera organisée par ICC France et le Medef, le 16 novembre, à Bercy, et fera le point sur les réformes à engager à l’OMC, mais aussi les freins bien connus au commerce international : transferts de technologie forcés, subventions publiques, contentieux. Ainsi, aux côtés des États qui prônent le libéralisme régulés des échanges, le monde du business semble clairement mobilisé en faveur du multilatéralisme.
François Pargny
*Directement ou indirectement via le réseau des Chambres de commerce et d’industrie (CCI) dans le monde, ICC International revendique la représentation de quelque 6 millions d’entreprises dans le monde. Le comité France, que préside Philippe Varin, l’ancien patron de PSA – aussi vice-président du Conseil national de l’industrie (CNI) que préside le Premier ministre français – compte 160 membres : entreprises, cabinets d’avocats, CCI, fédérations professionnelles, Medef, etc.