La tactique est digne d’un manuel pour apprentis stratèges. Dans le contentieux commercial qui l’oppose à Bruxelles sur les panneaux solaires, Pékin a soigneusement épargné l’Allemagne d’Angela Merkel, qui s’était opposée à des mesures antidumping sur les panneaux solaires (Lire ici) pour mieux punir la France, qui a soutenu ouvertement la position de la Commission sur ce dossier (voir notre rubrique « Paroles d’acteurs » de cette semaine).
Il est vrai que l’Allemagne vend des machines à l’industrie
solaire chinoise, qui peut ainsi se développer. Un marché juteux que la
première puissance européenne ne veut pas perdre, même si elle a à déplorer plusieurs faillites retentissantes dans l’industrie solaire (notamment Q-Cell ou encore Solon).
Plus que tout autre, le vin, sur lequel Pékin ouvre une enquête antidumping et anti-subvention, est un produit d’exportation emblématique de la France en Chine, une véritable success story de l’export. Selon les statistiques chinoises d’importations, compilées dans la base de données GTA de GTIS, le total des importations de vins et alcools issus du raisin (code CH 22 dans la nomenclature douanière) ont doublé depuis 2010 en valeur. Composées pour une bonne part de vin (le reste étant constitué d’autres alcools et spiritueux), elles ont atteint un montant total de 2,416 milliards d’euros en 2012.
La France s’y taille la part du lion avec 57,86 % de parts de marché et des livraisons en hausse de 28,6 % en 2012 ! Elle est loin devant l’Australie et le Chili. Et si quatre autres pays de l’UE font partie du top 10 des fournisseurs de la Chine dans cette catégorie de produits – Royaume-Uni (de la réexportation), Espagne, Allemagne, Italie – aucun n’est susceptible de rattraper cette avance tricolore à court et moyen terme. La France est également en tête des fournisseurs de produits du code CH 22 à la Province spéciale de Hong Kong, arrière-cours commerciale de la Chine continentale, avec près de 37,6 % de parts de marché en 2012 et un montant en valeur de 702 millions d’euros ! Les chiffres diffusées par la presse, qui sont de sources chinoises, estiment entre 760 et 800 millions d’euros la valeur des exportations européennes de vins vers la Chine en 2012.
Quant au vin, spécifiquement, ce sont les bordeaux qui souffriraient le plus si Pékin prenaient des mesures effectives de surtaxe. D’après les derniers chiffres du Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux
(CIVB), la Chine a été le
premier débouché extérieur des bordeaux en 2012 en volume, avec 538 000 hectolitres (hl), en hausse de 23 % (Lire notre article). Devant Hong Kong (242 millions d’euros de
bordeaux en 2012), l’empire du Milieu a occupé aussi
le deuxième rang en valeur, avec un montant d’exportations de vin de bordeaux
de 338 millions d’euros, en hausse de 1 % sur 2011…
C’est l’association chinoise des producteurs de vins (CADA), qui a demandé le lancement d’une enquête antidumping et antisubventions à l’encontre des vins européens, précise, dans un communiqué de presse du 5 juin, la Fédération des exportateurs de vins et spiritueux (Fevs), qui s’inquiète de « l’instrumentalisation » de son secteur » dans un différend commercial. La Fevs engage ainsi les autorités françaises à trouver des solutions pour » ne pas pénaliser une filière et des produits français, non délocalisables, et qui ont apporté à la France un excédent commercial de 7,6 milliards d’euros en 2012 « .
C. G.