Depuis début février et la fin de la politique « zéro Covid », le climat des affaires repasse au vert. D’après les premiers résultats d’une enquête de la CCI France-Chine (CCIFC) dévoilés lors d’un webinaire organisé le 9 mars par le Comité d’échange franco-chinois de la CCI Paris Île-de-France, bien que prudemment, les dirigeants d’entreprises françaises renouent avec l’optimisme sur les perspectives d’un grand marché dont les conditions d’accès se sont assouplies depuis deux ans.
C’est une nouvelle encourageante : 88 % des entreprises interrogées par la CCIFC en février indiquent que plus de 90 % de leurs employés ont repris le travail après quelques jours d’arrêt lors de la vague de Covid qui a suivi, en début d’année, la fin des restrictions sanitaires décrétées par les autorités de Pékin durant deux ans.
« Les entreprises françaises sont restées »
Ces données ont été communiquées en avant-première par Caroline Pénard, directrice générale de la CCIFC, lors d’un webinaire organisé par le Comité d’échange franco-chinois (CEFC) de la CCI de Paris Île-de-France. L’enquête auprès de ses membres a été effectuée courant février, juste après l’abandon de la politique zéro Covid et la vague de contamination qui a traversé la Chine, touchant près de 900 millions de Chinois en quelques semaines. Un bon indicateur, d’autant que la CCIFC compte parmi ses membres 2100 filiales d’entreprises françaises. Malgré les trois ans de confinement, « nous n’avons pas perdu de membres, les entreprises françaises sont restées » a observé la dirigeante.
Autres données intéressantes : la levée des restrictions sanitaires a redonné le moral aux dirigeants d’entreprises, même si une partie montre un certain attentisme. Elles sont ainsi 47 % à déclarer avoir l’intention de développer leurs affaires en Chine, contre à peine 23 % lors d’un précédent sondage en septembre 2022. Et elles ne sont plus que 7 % à vouloir se retirer du pays.
Par ailleurs, dans le contexte du ralentissement de la croissance chinoise, les deux tiers anticipent néanmoins une augmentation de leur chiffre d’affaires cette année, contre 14 % qui s’attendent à une baisse. Enfin, une immense majorité, 80 %, annoncent que les directions de leurs maisons-mères ont l’intention d’envoyer des délégations en Chine cette année, après trois ans de coupure.
Pour Caroline Pénard, ces données confirment que « la levée des restrictions sanitaires a augmenté le moral » des entreprises françaises en Chine et qu’elles ont à nouveau de l’appétit pour s’y développer. Même si on sent une certaine « prudence », « nous sommes confiant sur l’avenir de la présence française en Chine ».
Signe que la réouverture du pays est bien réelle : le trafic aérien repart. Air France a prévu de passer de trois vols par semaine actuellement à un vol quotidien sur la ligne Paris-Pékin en juin, et de 5 vols hebdomadaires un vol quotidien sur la ligne Paris-Shanghai. L’octroi des visas business a repris avec une durée de trois mois et deux entrées possibles, et devrait s’assouplir encore dans les prochains mois.
Le « climat des affaires se rétablit dans un contexte de reconstruction »
Cette amélioration du climat des affaires est confirmé par Anne Séverin, associée du cabinet DS Avocat, installée à Shanghai et figure de la communauté d’affaires française en Chine. Elle voit « tous les signes d’un rebond » en Chine, et de « la volonté des entreprises françaises d’en saisir toutes les opportunités ». Le « climat des affaires se rétablit dans un contexte de reconstruction » après « trois années compliquées », liées à la fermeture des frontières et aux restrictions sanitaires.
Pour cette avocate d’affaires chevronnée, cette phase de réouverture sera d’autant plus rapide que l’environnement des affaires en Chine à évolué et que les autorités ont pris des mesures positives en début d’années pour favoriser la reprise dans le secteur privé après avoir privilégié les entreprises publiques, ce qui est nouveau.
Exemple de ces mesures citées par l’avocate : les établissements financiers sont incités depuis le début de l’année à davantage soutenir le crédit aux entreprises privées, dont les filiales étrangères peuvent bénéficier. Ils sont même encouragés à proposer des prêts aux centres de R&D.
Autre tendance positive : les autorités administratives en charge des investissements étrangers dans les provinces et régions, à l’instar du Cofcom de Shanghai, se mobilisent actuellement pour faciliter l’obtention des autorisations et permis nécessaires à la concrétisation des projets d’investissement.
Dans cette période de rebond et de reconstruction, « c’est extrêmement prometteur » a souligné Anne Séverin, surtout s’il n’y a pas de « retour en arrière », allusion à la politique dévastatrice de « stop and go » adoptée durant les deux ans de confinement par les autorités chinoises.
Afflux des demandes de délégations chinoises
Signe qu’en Chine aussi, il existe une envie de repartir à la conquête des investisseurs, notamment européens, alors que les tensions avec les États-Unis sur les questions de technologies stratégiques se sont fortement accrues : les demandes de visite en France de délégations affluent de la part d’autorités régionales et locales.
Cet afflux est confirmé par Pierre Mongrué, directeur-général adjoint en charge de l’international à la CCIP IdF, tout autant que par Xiaoqing Su-Pellemele, secrétaire-générale du Comité France-Chine de la CCIP IdF . « Il y a des opportunités et une vraie soif des Chinois pour l’innovation » a notamment observé le premier.
Sur le terrain en Chine, plusieurs points de frictions avec les entreprises étrangères se sont améliorés mais la pandémie n’a pas permis d’en concrétiser les effets.
Depuis le 1er janvier 2020, les conditions des IDE ont été assouplies, avec la possibilité de créer des sociétés avec des partenaires chinois minoritaires qui n’aient pas de droit de véto. « On peut avoir désormais un vrai partenaire commercial ou industriel » a souligné Anne Séverin. Selon cette dernière, « une implantation étrangère sur 2 se fait dans le cadre d’une joint-venture » actuellement. Et « les partenaires chinois sont de meilleure qualité ». « Aujourd’hui, il y a des sociétés qui entrent en Chine en rachetant des sociétés chinoises mais en conservant le cédant en leur sein » a-t-elle aussi constaté.
Autre sujet : le respect et la protection de la propriété intellectuelle. D’après Anne Séverin, la Chine, à la faveur d’une prise de conscience des méfaits de la contrefaçon ces dernières années, s’est dotée de toutes les législations et institutions nécessaires pour être aux standards internationaux. Les sociétés chinoises elles-mêmes sont demandeuses. Et les autorités ont la volonté de s’y attaquer. « La réglementation chinoise présente un très grand nombre d’outils », a-t-elle insisté et elle s’est dit « extrêmement optimiste » sur ce point, mais « à condition de se battre, de protéger ses droits, et de les défendre ». Autrement dire, d’en finir avec le « faire avec ».
Enfin, grâce au e-commerce, de nombreuses entreprises, notamment des PME, ont continué à exporter en Chine malgré le confinement, en s’appuyant sur des partenaires locaux pour localiser les ventes mais aussi faire du marketing et développer les réseaux commerciaux. D’après Xiaoqing Su-Pellemele, « re rentrer sur le marché via ce canal permettra de saisir les opportunités » liées au regain attendu de consommation de la part des Chinois.
Regain d’appétit des consommateurs chinois
De fait, la consommation intérieure pourrait devenir un des moteurs de la reprise chinoises post-Covid, et une source d’opportunités pour les produits étrangers.
Alors que la bulle du secteur immobilier, qui attirait la majorité de l’épargne des ménages, n’en finit plus d’éclater, les Chinois pourraient être tentés de moins épargner et de davantage consommer. C’est l’une des hypothèses partagées par Pierre Mongrué, qui connaît bien la Chine pour avoir été conseiller commercial à l’ambassade de France à Pékin à l’époque où cette bulle commençait à se former, à la fin des années 2000.
« Dans le système financier chinois, il n’y a pas beaucoup d’autres possibilités d’épargne en dehors de l’immobilier », a-t-il noté. Et cette épargne accumulée, qui se détourne aujourd’hui de l’immobilier en attendant des jours meilleurs, représente « un potentiel de consommation important », porteur « d’opportunités pour les entreprises françaises ».
Reste que pour les PME et ETI, les conseils prodigués en matière d’approche du marché chinois depuis des années restent d’actualité : ne pas y aller sans préparation ni conseil. « La Chine repart, mais il ne faut pas y partir seul » a insisté Pierre Mongrué. Dans ce domaine, la France dispose d’une palette étendue de ressources publiques et privées, entre les réseaux d’affaires dont la CCIFC est un représentant, et le réseau public Team France Export, dont fait partie la CCIP IdF et son CEFC, et ses partenaires, très étendu en Chine*.
Christine Gilguy
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