« Sur la période 2013-2015, aucune ambassade n’a ou ne sera fermée », se réjouit le député (SRC) Philippe Baumel, membre de la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale, dans son avis sur le volet « Action extérieure de l’État » du projet de loi de finances (PLF) pour 2015*. Mais c’est au prix d’un sérieux « recalibrage », économies budgétaires obligent, que le troisième réseau diplomatique « au monde » -163 ambassades, incluant celle, actuellement fermée, de Syrie- a préservé son « universalité », une vingtaine de pays voyant leurs effectifs allégés à la suite de réformes engagées dès 2008. Voici le mode d’emploi de la nouvelle cartographie du réseau , fer de lance de la diplomatie économique de Laurent Fabius, à connaître par les entrepreneurs globe-trotters.
Quatre catégories d’implantations sont définies selon leur importance stratégique, lit-on dans le document du député Baumel : les postes « à missions élargies et à format d’exception », ceux « à missions élargies » qui assurent l’ensemble des missions de l’État, ceux à « missions prioritaires », dont l’action est centrée sur un nombre restreint de sujets et enfin les postes de simple présence diplomatique. Seules les pays de localisation des deux premières catégories, qui concentrent plus de la moitié des quelque 10 000 agents de ce réseau, sont détaillés dans l’avis:
– 8 ambassades « à missions élargies et à format d’exception » : Allemagne, Espagne, États-Unis, Italie, Madagascar, Maroc, Royaume Uni, Sénégal;
– 29 postes « à missions élargies » : Afrique du Sud, Algérie, Arabie Saoudite, Argentine, Australie, Brésil, Cameroun, Canada, Chine, Corée, Côte d’Ivoire, Égypte, Émirats Arabes Unis, Éthiopie, Inde, Indonésie, Israël, Japon, Kenya, Liban, Mexique, Nigeria, Pakistan, Pologne, Russie, Thaïlande, Tunisie, Turquie et Ukraine.
Les postes à « missions prioritaires », moins dotés, s’appuient sur des « postes de rattachement », une autre façon de parler de régionalisation progressive de ce réseau. Régionalisation qui s’accompagne de redéploiements d’effectifs. A partir de mai 2013, quelque 14 pays ont été concernés par un recentrage et un allègement des personnels et de leurs missions (plus de sections consulaires, par exemple) : Brunei, Cap-Vert, Érythrée, Guinée-Bissau, Honduras, Jamaïque, Kirghizstan, Liberia, Népal, Papouasie-Nouvelle Guinée, Tadjikistan, Trinité et Tobago et Zambie.
En revanche, d’autres postes jugés plus stratégiques ont bénéficié de ce redéploiements d’effectifs (330 emplois temps plein/ETP) sur la période : Qatar, Arabie saoudite, Émirats Arabes Unis, Koweït, Malaisie, Singapour, Indonésie, Corée du Sud, Chine, Inde, Birmanie, Mali, Rwanda, Chili, Colombie, Afrique du Sud, Kazakhstan, Azerbaïdjan et Turquie.
Ces évolutions, objet d’un assez large consensus au sein de la classe politique, n’empêchent pas Philippe Baumel de questionner certains choix : « on est en droit de s’interroger sur le rythme de ces redéploiements », écrit-il prudemment dans son avis. « Quand on constate, pour prendre un exemple, qu’en Afrique subsaharienne, le MAEDI conservait fin 2013 plus d’agents au Sénégal (208 emplois en ETP), à Madagascar (169 ETP) et au Cameroun (143 ETP), qu’au Mali (132 ETP), en Côte d’Ivoire (123 ETP) et en Centrafrique (62 ETP), ou a fortiori dans les pays anglophones émergents tels que l’Afrique du Sud (100 ETP), le Nigeria (85 ETP) et le Kenya (54 ETP), on peut s’interroger sur l’adaptation du format de certains postes aux priorités politico-militaires ou économiques actuelles… »
A noter que le concept de colocalisation fait son chemin. Dans certains pays, il ne faudra plus s’étonner de voir la France partager des locaux avec l’Allemagne, pour des raisons, là aussi, de rationalisation budgétaire : la France héberge déjà l’Allemagne à Brazzaville depuis novembre 2012, l’Allemagne héberge la France et la Suède à Pyongyang depuis septembre 2013, l’Allemagne, encore, a ouvert un consulat à Rio dans la maison France, et les deux pays ont pas moins de trois projets de « colocalisation » pour 2015 : à Dacca (construction d’une ambassade en commun), à Koweït (sur un plateau de bureaux) et enfin en Érythrée, Jamaïque et à Brunei.
Christine Gilguy
*Cet avis est consultable sur le site de l’Assemblée nationale. Cliquez ICI
Pour prolonger :
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