La drôle de transition politique qui s’est ouverte au Brésil avec la suspension pour 6 mois de la présidente en exercice Dilma Rousseff, dans le cadre d’une procédure de destitution, plonge le pays dans une période inédite d’incertitude politique, sur fond de crise économique. Ceci à à peine deux mois des Jeux Olympiques d’été… Que faut-il penser du nouveau gouvernement de transition et des premières mesures annoncées par Michel Temer, président par intérim ? Voici une analyse exclusive, pour les lecteurs de la Lettre confidentielle.
Les portraits officiels de Dilma Rousseff seront maintenus à la présidence de la République et dans les sites officiels (ambassades, etc.) tant que le Sénat n’aura pas jugé la présidente élue en 2014 et destituée par le parlement. Ainsi en a décidé son remplaçant, l’ancien vice-président, Michel Temer. La chambre haute a 180 jours pour décider du sort de Dilma, bien que ce délai pourrait être raccourci. Cette décision du nouveau locataire du Planalto en dit long sur la situation politique actuelle du Brésil. « Michel Temer est le président en exercice du Brésil depuis le 12 mai, date de la destitution de Dilma, mais sa marge de manœuvre est très limitée, principalement en raison de ce contexte politique particulier et de l’ampleur de la crise économique », note Charles-Henry Chenut, associé du cabinet d’avocats franco-brésilien Chenut Oliveira Santiago.
Grippe aviaire : « l’État n’a même pas les moyens de payer les vaccins »
L’économie est en récession avec une baisse attendue du PIB de 4 % cette année, tandis que l’inflation dépasse 9 %. Mais le plus gros défi concerne la réduction du déficit public qui atteint 10 % du PIB. L’État brésilien est littéralement au pain sec et la situation prend parfois un tour dramatique. « Le Brésil est affecté par une épidémie de grippe aviaire : l’État n’a même pas les moyens de payer les vaccins, y compris pour le personnel soignant », souligne un chef d’entreprise français installé au Brésil.
Dans son premier discours officiel, le président intérimaire a défini l’ébauche d’une nouvelle stratégie, associant mesures d’ajustement et réformes structurelles d’inspiration libérale et lutte contre la corruption avec la promesse du maintien des acquis sociaux des mandats de Lula et de Dilma. L’ancien président de la Banque centrale du Brésil (BCB) pendant les deux mandats de Lula (2003-2010), Henrique Meirelles, a été appelé au ministère des Finances et a constitué une équipe économique solide, qui a été saluée par les milieux économiques et financiers. Une relance des privatisations et des concessions a été annoncée.
Une des premières décisions de Michel Temer a été le lancement du Programme des partenariats d’investissements (PPI), placé sous son autorité personnelle. Lui-même est un vieux routier de la politique brésilienne et sa contribution sera décisive pour obtenir le soutien du parlement brésilien.
Le processus d’ajustement donne ses premiers résultats
Dans ce contexte difficile, certains indicateurs sont positifs. « Le processus d’ajustement de l’économie brésilienne est en cours et a commencé à produire les premiers résultats » fait remarquer Frédéric Donier, président de Crescendo, un cabinet de conseil aux entreprises basé à São Paulo. Confrontées à la baisse du marché intérieur, les entreprises brésiliennes se tournent vers l’export.
La balance commerciale est redevenue excédentaire. Le déficit de la balance des paiements courants devrait atteindre 18,5 milliards de dollars cette année selon le consensus des économistes contre 104 milliards en 2014. L’inflation bien qu’élevée est sur une pente descendante (7 % prévu fin 2016 et 5,5 % fin 2017) et ces mêmes experts tablent sur une timide reprise de l’activité en 2017 (+0,5 %). « Reste maintenant le plus gros morceau : réduire le déficit public et regagner la confiance » souligne Frédéric Donier.
Les entreprises françaises renforcent leurs positions…
Si les incertitudes politiques des derniers mois ont entrainé un repli du Brésil de la scène internationale, la situation devrait aussi évoluer au cours des prochaines semaines. Et le pays ne semble pas sorti des radars des entreprises françaises. Un Forum France-Brésil est ainsi prévu à Paris pendant le deuxième semestre de cette année.
Par ailleurs, certaines entreprises françaises, déjà présentes au Brésil, renforcent leurs positions dans la perspective de la reprise. En janvier 2016, Edenred a annoncé la signature d’un accord afin de racheter Embratec, une entreprise spécialisée dans la gestion des frais professionnels. En avril, CNP Assurances a signé un accord en vue d’acquérir, auprès de la banque BTG Pactual, 51 % du capital de Pan Seguros et de Pan Corretora, une société de courtage.
Enfin, un projet de création d’un French Tech à São Paulo est en cours et devrait voir le jour d’ici la fin de l’année.
Daniel Solano
Pour prolonger :
– Brésil / Risque pays : la suspension de Dilma Rousseff ne va pas mettre un terme au marasme