Alors que les rapports entre Alger et Paris se sont tendus ces derniers mois, le président de la République entame aujourd’hui 25 août un déplacement de trois jours placé sous le signe de l’apaisement. Si aucune annonce de grand contrat n’est au programme, une détente diplomatique entre les deux pays ne pourrait que favoriser de nouveaux partenariats économiques.
Officiellement, cette visite se veut tournée « vers l’avenir, les start-up, l’innovation, la jeunesse, des secteurs nouveaux » et ambitionne selon l’Elysée de « poser un socle pour refonder, développer » les relations entre la France et son ancienne colonie. Bref d’impulser un nouveau départ. Concrètement, avec quatre hauts lieux de la mémoire algérienne* à son agenda en trois jours, il sera quand même beaucoup question de passé. Le président français doit en effet éteindre l’incendie diplomatique que ses propos, accusant un « système politico-militaire » algérien de profiter de la « rente mémorielle », ont déclenché en octobre dernier. Alger avait alors rappeler son ambassadeur.
Autre sujet de discorde entre les deux pays, la réduction de 50 % en 2021 du nombre de visas attribués aux citoyens algériens, en réponse aux réticences d’Alger à délivrer des laissez-passer à ses ressortissants expulsés de France. Cette bataille consulaire, qui complique les déplacements pour affaires en France des chefs d’entreprises algériens, devrait être abordée durant cette visite. Les ministres de l’Intérieur et des Affaires étrangères, Gérald Darmanin et Catherine Colonna font d’ailleurs partie de la délégation de 90 personnes accompagnant le Président, ainsi que le ministre de l’Economie Bruno Lemaire.
Des patrons de grands groupes dans la délégation
Car, même si ce déplacement vise d’abord à détendre les relations entre la France à l’Algérie, les questions économiques et commerciales devraient également être mises sur la table. Xavier Niel patron d’Iliad, Catherine MacGregor pour Engie et le directeur général de CMA-CGM Rodolphe Saadé sont d’ailleurs également du voyage. La France est en effet le deuxième fournisseur de son ancienne colonie, derrière la Chine, l’Italie et la Turquie.
De juin 2021 à mai 2022, la France a exporté pour 3,6 milliards d’euros (MD EUR) de marchandises en Algérie, contre 4,9 (MD EUR) pour l’ensemble de l’année 2019, avec deux secteurs prépondérants : l’automobile et la pharmacie. En outre, le conseil d’affaires France-Algérie de Medef International estime à près de 450 le nombre d’entreprises et d’entrepreneurs français implantés en Algérie, employant environ 40 000 salariés.
Les investissements directs étrangers en Algérie, même s’ils ont récemment repris, demeurent modestes en raison de la bureaucratie et de la corruption, mais aussi de la règle des 49-51. Un citoyen étranger ne peut pas être majoritaire au capital d’une entreprise locale et ce dans 44 secteurs jugés prioritaires. En 2020 les autorités algériennes ont fait un premier pas en réduisant son application au commerce de détail et à quelques secteurs stratégiques comme les infrastructures et la transformation des ressources naturelles. Dans les énergies renouvelables, par exemple, que les autorités souhaitent doper, elle ne s’applique plus.
Alger entend favoriser la production locale
En revanche, les règles d’importation, qui changent tous les ans en Algérie, requiert de la part des exportateurs un travail de veille réglementaire. 2022 n’a pas fait exception à la règle, comme le rapportait le Moci en janvier dernier. Les importations de biens destinés à la revente en l’état, par exemple, doivent obligatoirement passer désormais par un importateurs spécialisé dans un seul secteur. Soucieuse de développer son industrie, l’Algérie a également étendu cette année la liste de produits interdits à l’importation lorsqu’il existe désormais une production locale.
Sami Agli, le président de la Confédération algérienne du patronat, ne disait pas autre chose ce matin à l’antenne d’Europe 1 : « Entre l’Algérie et la France, nous sommes très loin du potentiel entre les deux pays. Avec la France, je l’ai dit, on doit être aujourd’hui plus que jamais proches et jouer réellement chacun son rôle dans sa partie. La coproduction est une priorité. La colocalisation est plus que jamais prioritaire ».
Enfin, la présence dans la délégation française de la directrice générale d’Engie n’a rien n’anodin à l’heure où les pays européens cherchent une alternative au gaz russe. L’Algérie est le dixième producteur mondial de gaz et est devenue ces derniers mois le premier fournisseur de l’Italie. L’annonce fin juillet par la Sonatrach, le géant algérien des hydrocarbures, de la découverte de trois nouveaux gisements de gaz et de pétrole dans le Sahara devrait faire de l’Algérie un interlocuteur courtisé par les gouvernements européens.
Sophie Creusillet