Alors que les ventes du bio s’essoufflent en France, la demande internationale ne faiblit pas et de nouveaux marchés s’ouvrent aux produits tricolores. Reportage dans les allées du salon Natexpo qui s’est déroulé du 24 au 26 octobre à Villepinte, près de Paris.
Une niche dans la niche. C’est la stratégie adoptée à sa création, en 2005, par Nature & Cie, lorsque les fondateurs de cette PME de Vallet, près de Nantes, se lancent dans les produits biologiques et sans gluten (biscuits, pâtes, mixes pour la pâtisserie…). Ils sont distribués dans une vingtaine de pays (dont le Burkina Faso et le Paraguay) et l’export représente désormais 15 % du chiffre d’affaires annuel.
« A l’international, nous fonctionnons essentiellement par opportunisme au gré des rencontres sur les salons, même si au début, et encore aujourd’hui, nos ventes se concentrent essentiellement sur l’Europe », relate Fabrice Fy, cofondateur et cogérant de l’entreprise.
Pour le grand export, comme Singapour, où il vient de décrocher un contrat, le dirigeant s’appuie néanmoins sur les services de Business France.
Les pays d’Europe centrale et orientale, marchés en plein essor
L’agence publique tenait d’ailleurs elle-aussi salon en proposant des rendez-vous BtoB avec 10 acheteurs internationaux (Allemagne, Pologne, Suède, Pays-Bas, Irlande, Roumanie, Japon) ainsi qu’une série de conférences axées sur les pays d’Europe de l’Est (Pologne, Roumanie, République tchèque, Ukraine et Autriche).
« Ce sont des pays avec de grosses dynamiques à en ce moment, en particulier la Pologne et la Roumanie, rapporte Hugo Le Bail, responsable du pôle événements BtoB des produits alimentaires à Business France. Le seul frein, c’est une classe moyenne encore insuffisamment développée ».
Ce qui n’empêche pas ces pays, où les taux de croissance sont plus importants que dans les pays d’Europe occidentale, d’enregistrer chaque année une croissance de 10 % à 15 % des ventes de produits biologiques et jusqu’à 20 % en Pologne, soit trois fois plus que le conventionnel.
Dans cette partie de l’Europe, ces ventes sont en grande partie couvertes par des importations. La pandémie de Covid-19 a en outre, et comme ailleurs dans le monde, booster l’e-commerce de produits alimentaires. En Pologne toujours, ce dernier a bondi de 250 % entre mars et mai 2020.
En France, l’engouement pour les produits bio constaté depuis le premier confinement semble s’être depuis essoufflé. Selon une enquête de nos confrères de LSA, sur les sept premiers mois de l’année, les ventes des produits bio dans les grandes surfaces alimentaires ont baissé de 1,6 %. Du jamais vu ! Mais pas de quoi affoler Fabrice Fy non plus. « Ce n’est pas la première crise après une période de fort dynamisme du bio, tempère le dirigeant. Il y a certes un essoufflement en ce moment mais, comme à chaque fois que ce ralentissement survient, la base de consommateurs est toujours plus importante ».
Le label bio européen donne accès à des équivalences dans 15 pays
Même son de cloche sur le stand de Kaoka, fabricant de chocolat bio et équitable installé à Carpentras et appartenant depuis 1998 au groupe Cémoi. « La demande est là et le bio est clairement un argument de vente, sur le marché domestique comme à l’international, estime Lisa Mazouzi, responsable export. L’Allemagne et les pays nordiques y sont sensibles depuis longtemps et de plus en plus les pays du Sud. En Europe centrale, la demande est de plus en plus forte. »
En revanche, les ventes en Asie peinent à décoller. « L’absence de certification dans ces pays peut être un frein sauf, par exemple, au Japon où le label bio donne accès par équivalence à la certification JAS. » Ce qui permet à la PME de 17 salariés de vendre au pays du soleil levant, via un importateur, sa gamme destinée aux professionnels. De fait, tous les pays ne reconnaissent pas officiellement le label européen, mais des équivalences existent avec certains.
En effet, depuis 2017, l’Argentine, l’Australie, le Canada, le Costa Rica, l’Inde, Israël, le Japon, la Nouvelle-Zélande, la Suisse, la Corée du Sud, la Tunisie, les États-Unis, la Norvège, le Lichtenstein et l’Islande reconnaissent « l’eurofeuille », le label bio européen, comme équivalent de leurs propres certifications de produits biologiques.
Solution sans reconnaissance de label en Ukraine
Comment faire lorsqu’un pays ne reconnaît pas la certification européenne ou ne possède pas son propre label ?
Exemple avec l’Ukraine, sujet d’une conférence sur le stand de Business France. « Une certification bio est en cours de création avec une période de transition jusqu’au 1er janvier 2024, explique Olexandra Hereliouk, qui dirige depuis le pôle Agrotech de l’agence pour l’Europe centrale et orientale. En attendant, le label le plus connu est celui d’Ecocert. » Déterminante à l’internationale, la question de la certification peut parfois se heurter à des subtilités peu lisibles pour le consommateur.
Ainsi, des conserves de poisson Bonne nature, marque bio de la conserverie artisanale Gendreau, qui exporte 5 % de sa production. Surprise : certaines boîtes présentées comme bio n’arborent pas le label européen. L’explication ? Il s’agit de sardines, poissons par définition sauvages. Seuls les poissons d’élevage, dont l’aquaculture est encadrée par un règlement européen depuis 2010, peuvent bénéficier du label « Agriculture Biologique ». Ce qui explique qu’à la différence des sardines, le logo figure bien sur les rillettes de saumon.
En outre, tous les marchés ne sont pas sensibles à ces subtilités réglementaires, en particulier les moins matures. « En Ukraine, le bio est noyé dans les produits fermiers ou naturels et manquent encore de visibilité », témoigne Olexandra Hereliouk. Ce qui n’empêche pas d’y trouver des opportunités. La chaîne de magasins Good Wine, également présente en ligne, a récemment ouvert à Kiev une boutique proposant 1500 références bio, dont des vins français.
Si la bio s’essouffle en France, de nouveaux marchés offrent des perspectives intéressantes pour les producteurs tricolores qui bénéficient d’une bonne réputation auprès des acheteurs internationaux. Malgré la crise sanitaire, la part de visiteurs internationaux, principalement européens, sur Natexpo (13 %) est la même qu’en 2019.
Sophie Creusillet
Focus
Les principaux pays importateurs de produits bio
Etats-Unis : La bio a représenté 16 % des importations agricoles en 2018.
Principaux fournisseurs : le Mexique (15 % en valeur), le Pérou (8 %), le Brésil (7 %), l’Espagne (7 %), l’Italie (6 %) et l’Argentine (6 %).
Principaux produits importés : le café, les bananes, les myrtilles, le soja, l’huile d’olive et les céréales.
Chine : Les importations bio chinoises se sont élevées à 52,4 milliards d’euros en 2018. Environ 30 % des produits bio vendus dans la grande distribution chinoise sont importés.
L’Australie est le principal fournisseur, suivie par les Etats-Unis, l’Europe et le Japon.
Canada : 540,5 millions d’euros en 2019.
Le café, les bananes et les fraises sont les principaux produits bio importés au Canada.
Suisse : un tiers de produits bio vendus sont importés.
Japon : Le marché japonais est très dépendant des importations car une faible part des surfaces agricoles est consacrée à l’agriculture bio. Il importe notamment beaucoup de soja et de fruits bio.
Corée du Sud : Les importations (fruits et légumes transformés, des vins, des produits laitiers, des bananes, du blé, des produits d’alimentation infantile et du sucre) proviennent principalement du Pérou, des Etats-Unis, d’Allemagne et de Pologne. Elle importe divers types de produits bio. Entre 2015 et 2018, les importations bio en provenance de l’UE ont progressé de 72 % en volume.
Russie : Entre 75 et 80 % des produits bio consommés en Russie sont importés. Les principales origines des produits bio sont la France, l’Allemagne et l’Italie.
Islande : le bio représente environ 10 % des importations alimentaires.
Norvège : Les surfaces bio diminuent alors que la demande en produits bio continue de progresser. La Norvège importe notamment beaucoup de céréales bio.
Source : Carnets internationaux de l’agence française pour le développement et la promotion de l’agriculture biologique (édition 2020).