« Le traité
commercial anti- contrefaçon ACTA* n’aura pas d’impact direct sur les citoyens
européens en tant que consommateurs », a déclaré Pedro Velasco
Martins, négociateur principal d’ACTA à la Commission européenne
(CE), lors d’une conférence de presse le 27 mars à Paris.
Ce traité « n’est
pas destiné à avoir des effets en Europe. Car il y a déjà une mise en œuvre de
la législation sur la propriété intellectuelle dans tous les Etats membres »,
a-t-il martelé. De fait, selon lui, l’Europe ne manque pas de moyens de lutte anti-contrefaçon
contrairement à d’autres zones mondiales. « Le problème est de faire valoir nos droits dans des pays tiers. Car
l’Europe est un grand producteur de qualité, d‘innovation protégées par la
propriété intellectuelle. Sans ces règles tout perd sa valeur. » D’où la
nécessité de ce traité invoquée par le représentant de la CE, pour améliorer les standards
internationaux. « Ce traité est
utile pour les producteurs, les auteurs et pour conserver ces industries à
grande valeur ajoutée en Europe. »
Et d’assurer que le « cliché » véhiculé sur ACTA, comme « traité secret »,
est « faux ». « Les négociations ont été publiques dès le
début », tient-il à préciser, malgré le rappel à l’ordre émis par le
Parlement européen en 2010 sur « le manque de transparence des négociations » (voir article du Moci.com).
Or comment combattre la contrefaçon mondiale, qui provient
entre 60 % et 80 % de Chine, puis d’Inde ou du Brésil, sans la participation de
ces pays ? « On a essayé de négocier
avec eux, évidemment c’était plus intéressant mais ils ont bloqué le processus
et ne veulent pas en entendre parler». D’où la proposition
japonaise de négocier un traité entre les parties intéressées. « Les 38 pays signataires de l’ACTA représentent
plus de 50 % du commerce mondial. Ce sont ceux qui achètent. »
Dans une volonté de démystifier le traité, et se voulant
rassurant, Pedro Velasco Martins rappelle que les 38 pays sont la source de
nombreuses infractions sur Internet, notamment concernant les droits d’auteur. Seulement
« la directive commerciale électronique
européenne de 2000 couvre déjà ces infractions, et les lois nationales
aussi. Elles sont d’ailleurs beaucoup plus strictes et fermes qu’ACTA.»
L’article 27-4 du traité, incitant la coopération entre les
titulaires de droit et les fournisseurs d’accès Internet, n’est pour lui pas
une nouveauté. « La France et l’Europe font cela depuis des années.
Cela ne me choque pas ! », affirme le négociateur. Et d’ajouter
qu’en Europe ACTA est déjà en application « car les lois nationales sont compatibles », sauf en Suède. Le
niveau du traité introduit par l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en
1994, appelé Adpic (Aspects des droits de
propriété intellectuelle qui touchent au commerce), est obligatoire et
représente un seuil pour les 154 pays membres de l’OMC. ACTA viendrait donc combler
les lacunes d’Adpic au niveau mondial.
Le flou demeure néanmoins sur l’application future de ce
texte, s’il est ratifié. Car malgré tout ACTA reste un traité international « au
dessus des lois domestiques », mais qui doit « respecter les lois nationales
et les libertés fondamentales ». Et Pedro Velasco Martins précise qu’« ACTA donne une orientation, il n’y a aucune
obligation à mettre ce système en place».
Enfin, la question des droits fondamentaux devrait passer
d’ici un mois sous l’examen de la
Cour de justice européenne (CJE), qui étudiera la
compatibilité de ce traité avec la charte des droits fondamentaux. La décision prise le 28 mars par la commission parlementaire INTA (commerce international) de ne pas soumettre, de son côté, ACTA à la Cour de justice ne change pas la décision prise par la Commission européenne, qui compte toujours saisir la Cour sur le texte tel qu’annoncé par le commissaire de Gucht le 22 février dernier.
Le calendrier à venir est le suivant, annonce le Parlement européen (PE) dans un communiqué : le rapporteur du texte, David Martin (S&D, UK), présentera, lors
de la prochaine réunion de la commission, les 25 et 26 avril, sa
recommandation sur l’opportunité pour le PE d’approuver – ou non –
l’ACTA.
Le vote final de la commission du commerce international
est prévu pour les 29-30 mai et le Parlement dans son ensemble devrait
se prononcer sur la question lors de sa session plénière de juin.
Alix Cauchoix
*Accord commercial négocié entre l’Union européenne, ses
Etats membres, l’Australie, le Canada, la république de Corée, les Etats-Unis,
le Japon, le Maroc, le Mexique, la Nouvelle-Zélande, Singapour et la Suisse.
MOCI Pratique :
Retrouvez le texte complet: http://register.consilium.europa.eu/pdf/fr/11/st12/st12196.fr11.pdf
Des informations sur l’Adpic: http://www.wto.org/french/thewto_f/whatis_f/tif_f/agrm7_f.htm
Directive européenne sur le commerce électronique: http://europa.eu/legislation_summaries/information_society/other_policies/l24204_fr.htm
Pour en savoir plus :
Retrouvez tous nos contenus sur la propriété intellectuelle et la contrefaçon dans la rubrique GPS Business: tapez les mots correspondants dans l’onglet « Quoi »