A l’heure où certains marchés se ferment à l’est de l’Europe, il est temps de regarder de nouveaux débouchés à l’export. La troisième édition de la Journée Accès au marché, organisée par le ministère en charge du Commerce extérieur le 4 avril, a été l’occasion de remettre en lumière les avantages des accords de libre-échanges signés par l’Union européenne (UE) pour les entreprises françaises, et les outils désormais à leur disposition pour davantage en profiter, notamment le portail européen gratuit Acces2Market.
L’UE dispose d’accords commerciaux avec quelque 75 partenaires, dont, parmi les derniers signés, la Corée du sud, le Canada, le Japon, le Vietnam. « C’est le plus vaste réseau d’accords de libre-échange au monde » a rappelé Franck Riester, ministre en charge du Commerce extérieur.
Et les entreprises européennes en tirent bénéfice : ces 75 partenaires représentent 50 % de son commerce extérieur ; 38 millions d’emplois, dont 4 millions en France, dépendent des exportations européennes.
Encore faut-il « s’assurer de leur mise en œuvre », a observé le ministre. C’est justement pour s’en assurer que l’UE, après l’arrivée de la nouvelle Commission en 2019, a décidé de se doter d’un « super procureur commercial », un Chief Enforcement Officer, poste créé il y a tout juste 18 mois. « Un geste fort » pour le ministre français, pour qui c’est aussi un des jalons d’une nouvelle stratégie commerciale européenne « ouverte, porteuse d’opportunités pour les entreprises » mais aussi « plus durable et moins naïve ».
Le poste a été confié à un Français, Denis Redonnet, présent en ouverture de cette journée pour livrer un premier bilan de son action.
Pour les entreprises françaises, un gain de 1,2 milliards d’euros à l’export
Selon lui, au sein de la Commission européenne, pour la politique commerciale, le mouvement de balancier en termes de priorité politique et de mobilisation des ressources a vraiment commencé à basculer de « l’amont », les négociations des accords et des traités, vers « l’aval », la mise en œuvre de la politique commerciale. Avec deux axes : être plus systématiques dans la mise en œuvre et plus « affirmatif », plus « tranchant » pour le respect des règles.
Côté mise en œuvre des accords de libre-échange, il y a des marges d’amélioration à l’export comme à l’import pour les entreprises, qui ne savent pas toujours bien utiliser les préférences commerciales qu’ils instaurent.
Le taux d’utilisation des accords varie d’un pays à l’autre et d’un secteur à l’autre. Il atteint entre 60 et 80 % pour la France (70 % en moyenne) ou pour la Belgique, selon les pays partenaires et les secteurs. D’après Denis Redonnet, ces préférences « permettent aux exportateurs français d’économiser 1,2 milliards d’euros » sous la forme de droits de douanes ou taxes.
Un secteur qui a pleinement bénéficié, en France, des accords de libre-échange : celui des vins et spiritueux. Selon Nicolas Ozanam, délégué général de la Fédération française des exportateurs de vins et spiritueux, depuis l’entrée en vigueur du CETA en septembre 2017, l’accord de libre-échange UE-Canada, les exportations françaises de vins vers le Canada ont bondi de 32 % (+ 25 % au niveau de l’UE), soit 600 millions d’euros supplémentaires. Vers la Corée du sud, les exportations françaises de vin ont été multipliées par 6 (à 163 millions d’euros) et celles de l’UE par dix.
Le portail Acces2Market, ouvert à toutes les entreprises
Pour aider les entreprises européennes à mieux profiter de ces accords, la Commission développe depuis octobre 2020 un nouveau portail interactif et multilingue Access2Market, qui centralise les informations sur 135 pays à l’export, et 190 pays à l’import et est accessible gratuitement à toutes les entreprises européennes.
Un moteur de recherche et des filtres permettent de faciliter les recherches et de les cibler sur les produits et pays qui intéressent l’entreprise.
Le portail donne aussi la possibilité, via une application assez simple d’utilisation dénommée Rosa (pour Rules of Origine Self-Assesment), de faire une autoévaluation de la règle d’origine applicable à son produit, véritable sésame pour bénéficier ensuite de préférences commerciales négociées par l’UE dans ses accords de libre-échange.
A la suite des efforts d’information et de sensibilisation menés depuis pour faire connaître cette plateforme aux entreprises, celles-ci ont commencé à s’approprier ces outils : en France, ils seraient entre 400 et 600 utilisateurs quotidiennement, soit 8 % du trafic journalier de la plateforme. Il y a donc encore de la marge de progression.
Un « guichet unique » de dépôt de plainte
Côté respect des règles, la principale avancée, pour les entreprises, a été de leur simplifier la procédure de dépôt de plainte lorsqu’elles s’estiment discriminées dans un marché, ou victimes d’une concurrence déloyale. C’est l’objectif du « guichet unique » de dépôt de plainte créé également sur la plateforme Access2Market.
« Ça tourne, a dévoilé Denis Redonnet. 120 entités l’ont sollicité depuis sa création, 40 plaintes ont pu être formalisées et traitées. C’est un travail énorme ». Selon lui, en 2020, 33 obstacles aux échanges ont été supprimés grâce à l’action de son service, et 40 de plus en 2021.
« C’est sur le terrain que ça se passe, c’est là qu’on peut faire plus et mieux »
Dans cette tâche, la « Team Access to Market », comme on la surnomme désormais, agit depuis Bruxelles, mais s’appuie aussi sur le très important réseau constitué par les représentations de l’UE dans le monde (200 conseillers commerciaux en poste) et les postes diplomatiques des États-membres, dont celui de la France n’est pas le moindre.
Et quand cela ne suffit pas, c’est à l’OMC que la Commission européenne porte le fer. Elle est aussi en train de muscler son arsenal de défense commerciale par de nouveaux instruments déjà adoptés ou en cours de construction (filtrage des Investissements directs étrangers, contrôle des exportations de technologies critiques et plus récemment instrument de réciprocité sur l’accès aux marchés publics, mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, etc.).
Mais, de l’aveu de Denis Redonnet, « c’est sur le terrain que ça se passe, c’est là qu’on peut faire plus et mieux », dans les pays partenaires eux-mêmes, donc. Un « travail collectif » de veille et d’information, qui passe par une coopération entre les réseaux diplomatiques des États-membres et des institutions européennes.
A quand une généralisation des « Team Access2Market » expérimentées localement dans certains pays partenaires des accords de libre-échange, à tous les partenaires commerciaux de l’UE, y compris la Chine ? Question posée par un participant, mais restée sans réponse pour le moment…
Christine Gilguy