« Nous pensons qu’il faut aller plus loin dans la simplification du dispositif public ». À la veille de la nomination d’un ou d’une secrétaire d’État au Commerce extérieur après tout juste trois mois de vide, et alors que le processus de recrutement des futur(e)s dirigeant(e)s de Business France vient de démarrer, Alain Bentéjac n’hésite pas ainsi à rappeler une conviction qu’il défend de longue date et un dossier qui sera une priorité du nouveau responsable gouvernemental. Mais pour le président du Comité national des conseillers du commerce extérieur de la France (CNCCEF), « le vrai sujet », ce n’est pas l’hypothèse d’un rapprochement Bpifrance – Business France*, qui n’a pas grand sens à ses yeux compte tenu des différences de métiers de chaque opérateur, mais plutôt celui entre « Business France et les CCI ».
Dans ce domaine comme dans d’autres, Alain Bentéjac, qui prépare la prochaine assemblée générale des CCE, prévue le 30 juin, compte bien que ce réseau issu des milieux d’affaires et des entreprises privées, joue pleinement son rôle de conseiller des pouvoirs publics en matière de commerce extérieur. Comme de nombreux autres acteurs de cet écosystème, il attend avec impatience de connaître son futur interlocuteur au gouvernement. Le président des CCE est d’autant plus fondé à évoquer ce sujet qui fait l’objet de rumeurs récurrentes depuis des mois qu’il a été co-auteur avec Jacques Despont, en 2013, d’un rapport sur « l’évaluation de l’efficacité du dispositif d’appui à l’internationalisation de l’économie française », qui posait déjà la question de ce rapprochement. Et le CNCCEF a rapproché son point de vue de celui du Medef, avec lequel il a créé un groupe de travail sur ces sujets.
Primo exportateurs, « pépites », quels objectifs ?
Pour lui, la convention cadre de partenariat signée en mars 2015, sous l’égide de l’ancien secrétaire d’État au Commerce extérieur Matthias Fekl, entre Business France, CCI France (les CCI en France) et CCI France International (CCI à l’étranger) pour créer un « parcours unique de l’export » a été un pas dans la bonne direction, mais insuffisant, d’autant plus qu’un objectif quantitatif avait été fixé -3 000 entreprises accompagnées en trois ans-, qui peinerait à être atteint.
Mais l’objectif de la politique publique lui-même doit être clarifié. Dans un contexte de baisse des dépenses publiques, qui touche tout autant Business France (baisse de la subvention) que les CCI (coupe dans leur ressources fiscales), « quelle est la cible prioritaire ? » s’interroge ainsi Alain Bentéjac : « Le primo-exportateur que je préfère appeler l’exportateur occasionnel coûte de l’argent et personne n’a envie de s’en occuper », analyse-t-il. En comparaison, « les fameuses pépites, ces PME et ETI à fort potentiel, tout le monde se les arrache ». Or, estime-t-il, ces deux catégories de PME doivent être soutenues et il n’est pas sûr que les Régions prennent le relais pour les primo exportateurs.
Partir d’une cartographie précise de la présence des uns et des autres
Une chose est certaine, les frictions entre opérateurs n’ont pas disparu et refont surface périodiquement, dues à la persistance de rivalités sur certains segments du marché de l’accompagnement, en France comme à l’étranger, et il est temps de faire le point. Pour Alain Bentéjac, le contexte actuel, marqué par un changement de gouvernance à la tête de l’État, tout autant qu’à la tête de Business France, créé une occasion de donner une nouvelle impulsion.
Mais pas n’importe comment, car le sujet est rendu complexe par les différences de statuts et de modèles économiques entre Business France, qui est un EPIC (établissement public à caractère industriel et commercial), les chambres de commerce en France, qui sont des organismes para-public, et les CCI à l’étranger, qui sont des organismes privés. Une complexité qui, pour le président des CCE, n’est pas « insoluble » à condition d’y mettre de la méthode et de bien étudier le dossier avant toute chose.
« À titre personnel, je pense qu’il serait utile qu’un premier bilan de cette convention soit fait, deux ans après, par un organisme indépendant », souligne Alain Bentéjac. La question précise à laquelle répondre : « faut-il aller plus loin ou pas ? ». Mais, « il faut partir d’une cartographie précise de la présence des uns et des autres sur les différents marchés de l’accompagnement », sur le territoire national comme à l’étranger. « Cela peut être fait assez vite, en trois ou quatre mois, si l’on y met les moyens », estime-t-il. « Ensuite, il faut organiser une concertation avec tous les acteurs » pour faire émerger un projet de rapprochement et une feuille de route.
Sans nul doute, ce dossier sera l’un des tous premiers qui attendront le ou la nouvelle secrétaire d’État au Commerce extérieur.
Christine Gilguy
*Lire aussi dans la Lettre confidentielle d’aujourd’hui : Accompagnement / Export : cette rumeur qui embarrasse Bpifrance