Une alliance entre Business France et les CCI de France pour des offres de prestations communes aux Régions dans les territoires, un correspondant unique -qui ne soit plus obligatoirement Business France- dans les pays étrangers avec une coordination par l’ambassadeur, des outils numériques et collaboratifs de partage de données clients et de ressources … Telles sont les orientations clés du dispositif intégré d’accompagnement à l’international « Team France » que Christophe Lecourtier, directeur général de Business France, a proposé de constituer dans le rapport que ses trois ministres de tutelle ont approuvé officiellement le 30 novembre 2017 et dont le Moci a pu consulter une copie.
Le rapport avait été officiellement remis le 10 novembre à Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères, et son secrétaire d’État Jean-Baptiste Lemoyne, Jacques Mézard, ministre de la Cohésion des territoires, et Bruno Le Maire, ministre de l’Économie et des finances. Même si certaines orientations générales ont été dévoilées par les ministres, les contours définitifs de cette refonte, à l’heure où nous bouclons cet article, ne sont pas encore complètement arrêtés et arbitrés. On attend, en outre, d’en savoir plus sur le rôle qu’entendent y jouer les Régions et ce sera le Premier ministre Édouard Philippe lui-même qui présentera le nouveau dispositif le 9 février prochain*.
Mais le contenu de ce rapport témoigne d’une réelle volonté d’en finir avec un millefeuille de dispositifs et d’acteurs souvent concurrents qui perdure depuis des lustres et que la signature de conventions de partenariats entre les principaux opérateurs sous le précédent gouvernement n’avait pas réussi à réduire. Quitte à faire évoluer les missions et la gouvernance de l’opérateur d’État en France, à relancer les délégations de service public à l’étranger et à y renforcer le rôle des ambassadeurs et de leurs services économiques.
Des propositions « développées avec les différentes parties prenantes »
« Refonder le service public, c’est d’abord partager une même vision stratégique et forger un pacte puissant entre tous les acteurs des politiques publiques », souligne, a cet égard, l’auteur en préambule. Christophe Lecourtier connaît bien cet écosystème pour avoir été ambassadeur en Australie et dirigé durant six ans Ubifrance, dont il avait préparé la fusion avec l’AFII qui a donné naissance à Business France en 2014. En bon diplomate en quête de consensus, il assure que ses propositions « ont été développées avec les différentes parties prenantes », citant les tutelles, les Régions, les Chambres de commerce et d’industrie (CCI) et les CCI françaises à l’étranger (CCIFI), les Conseillers du commerce extérieur de la France (CCEF), mais aussi « avec les acteurs privés (OSCI, Medef,…), des clients de l’agence et des salariés », ce qui renforce à ses yeux « nos chances de succès ».
Pour ce qui concerne l’état d’esprit, Christophe Lecourtier, qui avait établi un dispositif de pilotage qu’il avait surnommé « Team de l’export » lorsqu’il était ambassadeur à Canberra, l’expose dans ce préambule qui reprend les principales propositions du rapport. Sa « conviction » est que l’avenir des politiques publiques de soutien à l’internationalisation des entreprises et à l’attraction des investissements directs étrangers (IDE) repose sur « deux enjeux » qui doivent être traités « conjointement »:
-la « définition, au bénéfice des acteurs économiques, Français et étrangers, d’une offre de services lisible, efficace et gouvernée » ;
-la « construction de dispositifs collaboratifs dans les deux métiers, où chacun des acteurs compétents verra sa légitimité et ses avantages comparatifs pris en compte –mais selon une logique d’objectifs solidaires ».
Business France prêt à un « repositionnement »
Pour sa part, assure encore le dirigeant dans ce préambule, Business France, « dans son rôle d’opérateur de l’État », est « prêt à prendre l’initiative en proposant un repositionnement de son organisation et une évolution de ses missions ». Mais les mots sont pesés lorsqu’il s’agit d’aller dans le détail.
En matière de soutien à l’export, il s’agira d’un recentrage sur le territoire national, car « cela implique d’être davantage en France où se joue principalement la » bataille de l’export »», et « moins intensément à l’étranger, afin de mettre fin aux concurrences avec les chambres de commerce à l’étranger », écrit-il. Plus précisément, « la Team France de l’export se construira dans les territoires sous l’autorité des Régions, par une association des CCI de France, de Business France, et portera une offre de service structurée, avec tous les acteurs pertinents de l’écosystème ».
Devenir un « pivot » de la « Team France Export »
Pour « créer la confiance », assure Christophe Lecourtier, « Business France est prêt à aller plus loin et à mutualiser au sein des Team France une part conséquente de son patrimoine : ses systèmes d’information, ses données clients, marchés, secteurs. L’agence est, en outre, disposée à investir dans de nombreux outils numériques et à en partager l’usage afin d’améliorer ainsi l’efficacité collective ». D’où une évolution de ses missions « d’opérateur stricto sensu » vers « centre de ressources » et « conseil » aux donneurs d’ordres, « régulateur du service public de l’export rénové », ou encore « agrégateur de solutions collaboratives dans les territoires ».
Plus loin dans le rapport, il est précisé que l’agence resterait opérateur pour une part de ses activités mais qu’elle serait plus largement un « pivot » de cette « Team France Export ».
Enfin, pour accompagner cette refonte, qui touche aussi son département « Invest », le directeur général de Business France souligne que l’agence « devra pouvoir compter sur un soutien déterminé de l’État tout au long de la période du COP (Ndlr : contrat d’objectifs et de performances) 2018-2020 ». Plus loin dans la synthèse introductive du rapport, il est aussi proposé d’intégrer davantage dans ses instances de gouvernance « les Régions, les CCI et le secteur privé » et d’établir un nouveau « projet d’entreprise ».
Onze engagements précis
Le rapport contient une liste d’engagements pour chacun des départements de l’agence (Export, Invest, Image de la France) et certains de ses partenaires, en premier lieu les CCI, qui précisent les implications concrètes de cette refonte. Pour ce qui concerne l’Export, ils sont au nombre de onze :
1/ Business France et les CCI de France s’engagent à devenir un « centre d’expertise et de ressources et l’opérateur commun au service des Régions et à contribuer à la mise en œuvre de leurs stratégies d’internationalisation des entreprises ».
2/ L’agence s’engage « à mutualiser au bénéfice de la Team France export l’ensemble des données sectorielles, marchés et clients acquises ces dernières années ».
3/ Business France et les CCI de France s’engagent à « investir avec tous les acteurs des territoires pour construire des plateformes régionales des solutions » destinées aux primo exportateurs et exportateurs.
4/ L’agence s’engage à « intégrer ses équipes de conseil au sein des CCI de France pour offrir un coaching de proximité aux PME faiblement exportatrices, en associant tous les acteurs locaux (Bpifrance, acteurs privés) ».
5/ L’agence « renforcera son partenariat avec Bpifrance et les autres acteurs pertinents » pour accélérer les actions en direction des PME de croissance et des ETI.
6/ Business France et les CCI « s’engagent à proposer des évolutions de leur gouvernance pour inscrire leurs activités et leur développement dans une relation partagée avec les Régions et en associant le secteur privé ».
7/ L’agence « s’engage à remplir, à l’étranger, sa mission de service public dans le cadre de la diplomatie économique et de la gouvernance assurée par l’ambassadeur et son service économique ».
8/ L’agence s’engage à « organiser la contractualisation, dans le cadre d’une concession de service public, à des acteurs privés (CCIFI ou autre) dans les pays où ceux-ci seront en volonté et en situation d’assumer ce service ».
9/ L’agence « assurera pour le compte de l’État, la définition d’un accord de niveau de service auquel s’engagera contractuellement le concessionnaire » et « sera garante de la régulation d’un service public assuré par des acteurs de nature différente ».
10/ L’agence, au cas par cas, s’engage aussi « à s’associer de manière temporaire, pour l’exercice du service public, à des partenaires privés (CCIFI ou autre), afin de soutenir le concessionnaire retenu ».
11/ Business France s’engage enfin à « accroître son dispositif d’accompagnement dans les marchés cibles : Allemagne, Chine, Afrique ».
Quels contours prendra finalement le dispositif retenu. Réponse dans quelques semaines.
Christine Gilguy
*Aides à l’export / Réforme : les ministres donnent leur feu vert à C. Lecourtier
**Aides à l’export : le calendrier de la réforme du dispositif se précise
Pour prolonger :
Aides à l’export : le binôme Yung-Kayser remet ses propositions aux ministres