Dans le cadre de la Semaine de l’export, le ministère de l’Economie accueillait le 5 février une journée « Accès au marché » dédiée à la promotion des accords commerciaux de l’Union européenne. Les entreprises françaises y recourent peu alors qu’ils permettent de faire des économies et de proposer des prix plus compétitifs sur les marchés partenaires, notamment grâce aux réductions, voire suppression, de droits de douane.
« La première question que doit se poser une entreprise qui veut exporter hors d’Europe est de savoir s’il y a ou non un accord de libre-échange avec le pays qu’elle vise ». Dans son message vidéo diffusé au parterre d’entrepreneurs venus assister à cette journée Accès marché, le ministre délégué au Commerce extérieur Laurent Saint-Martin rappelle une règle d’or de l’export qui semble pourtant parfois échapper aux entreprises, notamment les PME.
Pour preuve, comme l’a rappelé Bertrand Dumond, directeur général du Trésor, « les taux d’utilisation des accords commerciaux de l’Union européenne par les entreprises françaises sont de 89 % à l’importation et de 80 % à l’exportation, soit en dessous de la moyenne européenne ». En passant à 100 %, l’économie tarifaire réalisée chaque année par l’ensemble des exportateurs atteindrait 500 millions d’euros.
Les relais de croissance sont au grand export
Alors que les critiques de l’OMC vont traditionnellement bon train en France, le directeur général du Trésor a également rappelé que « même si des marges d’amélioration existent, la moitié de nos échanges sont réalisés selon les règles de l’OMC ». Idem, pour les accords de libre-échange (ALE) : « Celui entre l’UE et le Canada a permis aux exportations tricolores d’augmenter de 37 % depuis 2017 ». Car c’est bien en dehors des frontières de l’Union européenne que se cachent les meilleures opportunités.
Benoît Trivulce, directeur général par intérim de Business France, n’en démord pas, il faut rester « optimiste et combattif ». Pour lui, « le grand large, des marchés comme l’Inde ou la Chine, par exemple, ont la réputation de ne pas être faits pour les PME, mais c’est pourtant là que sont les relais de croissance ».
L’UE n’a pas signé d’accords commerciaux avec l’Inde et la Chine, mais elle a multiplié les accords avec d’autres pays porteurs ces dernières années, à l’instar du Chili, du Mexique, ou encore de la Nouvelle Zélande et du Canada. Près d’une quarantaine à ce jour sont actifs sur le plan commercial. Récemment, une nouvelle convention est entrée en vigueur au niveau de la zone Pan-Euro-Méditerranéenne (PEM) simplifiant les règles d’origine pour les entreprises pour renforcer les chaînes de valeur qui s’y déploient. Pour en bénéficier, quelques formalités administratives suffisent, comme par exemple fournir une preuve de l’origine de son produit et s’enregistrer dans la base européenne REX. Le portail européen interactif et multilingue Access2Market et son outil Rosa pour vérifier l’origine de son produit sont encore méconnus des PME. La Douane française, notamment ses cellules entreprises dans les territoires, est de bon conseil dans ce domaine.
Un argument qui pèse dans la conjoncture actuelle du commerce international. Entre les tensions géopolitiques, les accidents climatiques, les perturbations des chaînes de valeur ou encore la reconfiguration du transport maritime, l’instabilité, ce grand ennemi du commerce, gagne dangereusement du terrain.
Garder le cap malgré les turbulences
Dans ce contexte, les ALE constituent un facteur de stabilité. Encore faut-il les faire respecter. C’est justement la mission du Français Denis Redonnet, Chief Trade Enforcement Officer (CTEO pour responsable de l’application des réglementations commerciales) de la direction générale du Commerce de la Commission européenne.
« Lorsque des pratiques ou des mesures protectionnistes sont mises en place, disposer d’un accord de libre-échange permet d’intervenir et de lever les barrières, explique-t-il. Les accords préférentiels ne règlent pas non plus tous les obstacles. Par exemple, avec le Japon nous avons travaillé de régulateur à régulateur pour permettre aux Européens de participer aux appels d’offre dans l’éolien, actuellement en plein essor dans toute l’Asie et nous travaillons en ce moment sur le même sujet avec la Corée. »
Toujours est-il qu’entre le contentieux de Bruxelles avec la Chine au sujet des voitures électriques et la menace de hausse des droits de douane américains, la période est à l’incertitude. « Il existe un vrai risque de fragmentation si les États-Unis poursuivent leur politique tarifaire, estime Denis Redonnet. Nous voyons apparaître des phénomènes de coercition économique, avec des approches très transactionnelles, à la limite de l’acceptable. »
Si son nom n’a pas été prononcé lors de cette table ronde sur la politique commerciale de l’UE, Donald Trump était dans tous les esprits. Interrogé sur les conseils qu’il donnerait à une PME travaillant avec les États-Unis, le CTEO a rappelé que pour l’instant, les mesures n’étaient pas connues et a invité à la prudence, tout en conseillant d’« augmenter le niveau d’assurance, de se préparer aux différents impacts et de diversifier ses marchés » tout en restant « mobile et flexible ».
Sophie Creusillet