Avant d’entrer dans le détail de chacune des règles Incoterms 2010, quelques mots pour expliquer les raisons de la présentation que nous avons choisie.
Depuis 30 ans, chacun a pu apprécier la présentation de la Chambre de commerce internationale.
Voir, pour une règle Incoterms 2010 donnée, d’un seul coup d’œil sur une double page, les caractéristiques pour le vendeur ET pour l’acheteur selon des critères définis.
Nous avons donc choisi de coller à cette présentation, en nous basant d’un point de vue pratique et en choisissant les critères qui nous paraissaient opportuns compte tenu de notre expérience internationale.
Ces critères d’appréciation sont vus, pour chaque règle Incoterms, du point de vue du vendeur et du point de vue de l’acheteur, dans un tableau synthétique. Au nombre de dix, ils sont les suivants.
• Critère I/ Service au client
Il s’agit de considérer ici dans quelle mesure l’emploi, ou le non-emploi, de la règle Incoterms 2010 considérée peut jouer ou non sur la qualité du service au client destinataire de la marchandise.
En d’autres termes, si elle participe au service au client en l’améliorant, en le détériorant ou, au contraire, en étant neutre par rapport à la qualité de service au client.
Quand on est vendeur, mettre à disposition de son client la marchandise sur le quai de sa propre usine sous-entend un moins bon service que de livrer cette marchandise sur le quai de l’usine de son client.
• Critère II/ Maîtrise du transport
Ce critère a pour objet de déterminer si la règle Incoterms 2010 considérée permet à l’un des deux acteurs, le vendeur ou l’acheteur, d’agir sur l’organisation du transport en cas de besoin. Autre exemple, si une baisse subite des tarifs du fret aérien survient, existe-t-il la possibilité pour le vendeur de faire partir une expédition prévue en mer par avion ?
Si, par exemple, un atelier va s’arrêter parce qu’un lot de pièces se révèle défectueux et que d’autres de ces pièces, bonnes, vont justement être expédiées par voie maritime, l’acheteur a-t-il une possibilité d’expédier tout ou partie du lot correct en avion pour aller plus vite ?
• Critère III/ Optimisation du transport
Avec ce critère, il s’agit de savoir si le transport régi par la règle Incoterms 2010 examinée permet une consolidation avec d’autres expéditions.
En tant que vendeur, si l’on a plusieurs acheteurs (A1, A2, A3…) dans un pays, il peut y avoir un intérêt logistique et économique à demander à son organisateur de transport (OTV, organisateur de transport du vendeur) de grouper des expéditions partant d’une même région vers ce pays.
De même, pour un acheteur qui a plusieurs vendeurs (V1, V2, V3…) il peut y avoir un intérêt logistique et économique à demander à son organisateur de transport (OTA, organisateur de transport de l’acheteur) de grouper des expéditions partant d’une même région.
C’est le cas, par exemple, de lots provenant de plusieurs fournisseurs. Séparément, ils devraient partir dans un conteneur mensuel de groupage. Mais, regroupés dans un conteneur hebdomadaire, ils permettront une plus grande fréquence de livraison et diminueront ainsi le coût de possession des stocks de chacun des articles.
• Critère IV/ Règles Incoterms 2010 et douane
La règle Incoterms 2010 considérée permet-elle à l’exportateur de récupérer facilement le document d’exportation (EX1) qui justifiera la facturation hors taxes ? Si, en France, le système de douane électronique DeltLes règles Incoterms 2010 sont des outils utilisés à l’échelle mondiale, pas seulement au départ ou à destination de la France ou de l’Union européenne.
• Critère V/ Règles Incoterms 2010 et crédit documentaire (crédoc)
La question, avec ce critère, est de savoir si la règle Incoterms 2010 considérée est cohérente avec la démarche d’un crédit documentaire. Le crédoc est un contrat de crédit passé entre l’acheteur et sa banque.
Il doit davantage être considéré comme un mécanisme de paiement que comme un moyen de paiement. Ne pas oublier qu’avec un crédoc le paiement peut être :
• immédiat : paiement cash effectué dès remise des documents, s’ils sont conformes aux termes et conditions du crédoc ;
• différé : si les documents sont conformes aux termes et conditions du crédoc, la banque paiera le vendeur à la date d’échéance stipulée dans le contrat de crédit documentaire ;
• par acceptation : acceptation d’une lettre de change tirée sur le client que la banque confirmatrice acceptera et qu’elle payera à l’échéance. Le crédoc considère les documents à fournir par le vendeur (rubrique 46A du formulaire crédoc de Swift) pour être payé.
Les règles Incoterms 2010 considèrent l’organisation du transport de la marchandise et les transferts de risque et de frais (clauses A3, A5 et A6, B3, B5 et B6 des règles Incoterms 2010) ainsi que les preuves de la livraison, clauses A8 et B8. Parmi les documents systématiquement exigés figurent la ou les factures, la liste de colisage et le document de transport.
Dans la pratique, le connaissement (B/L) à ordre se rencontre avec des crédocs en CFR ou CIF.
Le document de transport exigible dans un crédoc
Le document de transport peut être, entre autres :
• La lettre de voiture (CMR)
Elle est établie lors de la prise en charge de la marchandise, par l’expéditeur ou pas, mais il est responsable des données qui y sont portées, dans le cadre du transport routier international et même domestique. Elle couvre les contrats avec les règles Incoterms 2010 multimodales, soit EXW, FCA, CPT, CIP, DAT, DAP et DDP.
• Le connaissement maritime ou Bill of Lading (B/L)
Il est établi par l’agent de la compagnie maritime et permet l’obtention de la marchandise au port d’arrivée lorsqu’il est établi à ordre. Avec un crédoc, il doit être établi à l’ordre de la banque émettrice, banque de l’acheteur. Ce document touche les contrats de vente/achat associés aux règles Incoterms 2010 FOB, CFR, CIF et CPT, CIP, DAT, DAP et DDP.
• Le connaissement de transport combiné ou Combined Bill of Lading
Il est établi s’il y a au moins deux types de transport, dont un transport maritime, dans les contrats de vente/achat avec les règles Incoterms 2010 EXW, FCA, CPT, CIP, DAT, DAP et DDP.
• La lettre de transport aérien (LTA) ou Airway Bill (AWB)
Elle est établie par le commissionnaire de transport agréé par IATA pour le compte de la compagnie aérienne.
– La House Airway Bill (HAWB) concerne l’expédition d’un expéditeur vers un destinataire qu’un commissionnaire de transport remet à une compagnie aérienne et comprend les noms des expéditeur et destinataire.
– La Master Airway Bill (MAWB), concerne l’ensemble des expéditions, le groupage, qu’un commissionnaire de transport remet à une compagnie aérienne et ne comporte que le nom du commissionnaire de transport.
La LTA ou AWB couvre les contrats de vente/achat avec les règles Incoterms 2010 EXW, FCA, CPT, CIP, DAT, DAP et DDP.
Attention !
Le Forwarder Certificate of Receipt (FCR) confirme la bonne réception des marchandises par le commissionnaire de transport de l’acheteur qui l’établit.
C’est le seul document « de transport » à pouvoir être exigé dans le cadre de contrats de vente/achat avec les règles Incoterms 2010 EXW, FCA et FAS.
Selon les règles Incoterms 2010, la livraison a lieu à ce moment. Il ne fait malheureusement pas partie des documents définis dans les RUU 600, version 2007.
En aucun cas, un exemplaire de document de transport avec signature du client pour bon de réception de la marchandise ne doit être accepté car il pourrait compromettre le paiement sans gêner la réception de la marchandise par l’acheteur.
Si l’on se base sur le formulaire de crédoc Swift, le crédoc considère l’expédition de cette marchandise (rubrique 44C). Les règles Incoterms 2010 considèrent sa livraison (clauses A4 et B4, A8 et B8).
Durant la négociation du contrat de vente/achat, l’acheteur et le vendeur doivent être attentifs lors de la discussion du chapitre « Paiement par crédit documentaire ». Ils doivent définir les documents utiles, et seulement ceux-ci (à inscrire dans la rubrique 46A du crédoc).
Le vendeur doit être attentif à la facilité ainsi qu’au délai d’obtention de ces documents, voir les dates des rubriques 31D et 48 du crédoc (modèle Swift).
Cela suppose que, lors de la définition des documents à fournir par le vendeur, l’acheteur et le vendeur ne doivent définir que des documents utiles que le vendeur pourra se procurer en temps et en heure.
C’est lorsque le vendeur produit à sa banque (banque notificatrice et confirmante) les documents désignés dans le crédoc que sa banque lui versera le montant mentionné dans le contrat de vente.
• Critère VI/ Règles Incoterms 2010 et Liner terms
Les règles Incoterms 2010 sont dans le contrat de vente/achat conclu entre le vendeur et l’acheteur. Les Liner terms sont des accords conclus entre des compagnies maritimes et des ports, ils interviennent donc dans le contrat de transport maritime.
Le contrat de transport maritime est conclu entre la compagnie maritime, ou son agent, et, le plus souvent, un commissionnaire de transport qui agira dans le cadre d’un contrat de commission de transport signé avec le vendeur ou l’acheteur, selon la règle Incoterms 2010 négociée entre eux.
Il y a donc un risque fort d’interférence entre les règles Incoterms 2010 et les Liner terms. Car ils apparaissent dans deux contrats signés par des acteurs totalement différents, contrat d’achat/vente avec acheteur/vendeur d’un côté et contrat de transport avec compagnie et commissionnaire de l’autre.
L’exemple type est le FOB. Cette règle Incoterms 2010 suppose un transfert de risque et de frais entre le vendeur et l’acheteur à bord du navire dans les règles Incoterms 2010, mais qui peut s’entendre marchandise livrée le long du navire, comme à Anvers ou à Dunkerque. Une petite différence, mais source quasi certaine d’incompréhensions, de malentendus, voire de différends.
Par exemple, lors de la conclusion par le vendeur d’une charte-partie avec une compagnie maritime en CFR LILO, Liner In Liner Out, le vendeur ne doit pas demander le remboursement des frais de déchargement à l’acheteur, celui-ci n’étant pas partie au contrat de transport.
La solution, très simple, consiste à n’utiliser que des règles Incoterms 2010 multimodales, EXW, FCA, CPT, CIP, DAT, DAP, DDU et DDP à chaque fois que c’est possible.
Ces règles Incoterms 2010 multimodales sont parfaitement adaptées à un grand nombre de transports, y compris maritimes et, surtout, conteneurisés, où les règles Incoterms 2010 maritimes sont inadaptées.
• Critère VII/ Règles Incoterms 2010 et assurance des marchandises transportées
Ce critère apprécie si, dans la règle Incoterms examinée, la question de l’assurance est bien définie. En effet, malgré la clarté des précédentes versions en ce qui concerne l’assurance des marchandises transportées, certains confondaient encore supporter le risque et payer l’assurance.
Pour preuve, ces tableaux où l’on voyait la répartition « Coût à la charge du vendeur / Coût à la charge de l’acheteur » clairement basculer sur le dos de l’acheteur à partir de CIP/CIF et se répartir en DAF. Depuis des années, les règles Incoterms de la CCI n’ont pas varié.
Les rubriques A4 et B4 du texte de la CCI parlent de la livraison par le vendeur et de la prise de livraison par l’acheteur, quand les rubriques A5 et B5 parlent du transfert de risques. Les rubriques A3 b) et B3 b) « contrat d’assurance » expriment clairement « Le vendeur n’a pas l’obligation vis-à-vis de l’acheteur de conclure un contrat d’assurance… » pour toutes les règles Incoterms 2010 sauf CIP et CIF. CIP et CIF expriment tout aussi clairement l’obligation faite au vendeur, en A3 b) de souscrire une assurance facultés pour le compte de l’acheteur et de lui en fournir la police, ou équivalent.
A3 b) précise également que l’assurance doit être conforme aux dispositions de A4/A5 qui évoquent la livraison et le transfert de risques.
• Critère VIII/ Pourquoi prendre cette règle Incoterms
Quelles sont les principales raisons qui militent en faveur du choix de cette règle Incoterms 2010, selon que l’on est acheteur ou vendeur ? Il s’agit de donner, de façon simple et claire, les raisons qui peuvent amener un acheteur ou un vendeur à la choisir.
Si le vendeur a un intérêt à choisir telle règle, c’est, le plus souvent, qu’il dispose d’une organisation logistique qui prendra en charge la marchandise jusqu’au point de destination convenu. Il s’agit en général d’une plateforme d’éclatement dans le pays. Les DAT et DAP sont de ces règles.
De même, l’acheteur peut très bien disposer d’une plateforme de groupage dans un pays et la marchandise achetée sera alors prise en charge sur cette plateforme. Il utilisera alors FCA.
• Critère IX/ Pourquoi l’éviter
Quelles sont les principales raisons qui militent en faveur du non choix de cette règle Incoterms 2010 selon que l’on est acheteur ou vendeur ?
L’une des raisons pour éviter d’utiliser une règle Incoterms est la difficulté de récupérer la preuve de l’exportation (l’EX1). On retrouvera cette raison dans les règles Incoterms EXW, FCA, FAS et FOB.
Une autre raison est la couverture en assurance par l’autre partie. C’est le cas des CIP et CIF.
Enfin certaines règles permettent de proposer un réel service à son client, DAT, DAP quand d’autres limitent cette notion de service à sa portion la plus congrue, EWX ou FCA.
• Critère X/ Avis général
Le propos est de donner une synthèse des différents aspects abordés au-dessus. C’est le résumé des chapitres précédents, la conclusion en peu de mots des motifs exposés dans les critères précédents.
Cette synthèse reflète une expérience vécue. Elle est destinée à faciliter le travail d’exportateurs/importateurs peu aguerris à l’utilisation des règles Incoterms 2010, pas forcément disponibles pour en acquérir les subtilités et peu disposés à se laisser équarrir.
Elle est exprimée de manière simple :
• À éviter
• À privilégier