La question est plus que jamais d’actualité à Bruxelles. « Sans le volet consacré au mécanisme de résolution des différends investisseurs / État, les accords auraient continué à être négociés dans la plus grande discrétion », rappelle un proche collaborateur de la commissaire au Commerce, Cecilia Malmström. C’est en effet lors des négociations de libre-échange menées avec Washington que le sujet est apparu en une des médias européens. Dans le collimateur des ONG et autres associations de la société civile, le mécanisme ISDS (Investor-state dispute settlement), présent dans de nombreux accords internationaux d’investissement, qui instaure des tribunaux d’arbitrage afin de protéger les entreprises d’abus de droit perpétrés par les États où elles s’installent.
Mais, selon ses détracteurs, il aurait tendu à remettre en cause les législations environnementales, sociales ou sanitaires des États qui allaient à l’encontre des intérêts de certaines entreprises multinationales. Philip Morris a ainsi pu attaquer l’Uruguay pour sa politique anti-tabac. Même cas de figure lorsque le géant minier OceanaGold a poursuivi le Salvador pour lui avoir refusé un permis d’exploitation pour des raisons environnementales. Autant d’exemples qui ont alimenté les critiques des opposants aux traités commerciaux.
A l’instar des États-Unis, le Japon rechigne à adopter la solution européenne
Après le TTIP (Transatlantic Trade and Investment Partnership) UE / États-Unis, ce fut au tour du CETA (Comprehensive Economic and Trade Agreement) de s’attirer les foudres de l’opinion publique européenne, alors que le pacte avait déjà fait l’objet d’un accord politique entre Bruxelles et Toronto.
C’est dans ce contexte que la Commission européenne a proposé, en 2015, la mise en place d’un système juridictionnel public sur les investissements – ICS (Investement Court System-, composé d’un tribunal de première instance et d’une cour d’appel). Mais à ce stade, seul le Canada a accepté le principe de cette cour publique pour remplacer les tribunaux d’arbitrage prévus dans l’ISDS. A l’instar des États-Unis, le Japon, avec qui un accord politique a été scellé le 6 juillet dernier*, rechigne toujours à intégrer dans l’accord de libre-échange négocié avec l’UE un tel mécanisme.
« C’est une façon plus moderne de faire face aux potentiels conflits », a argumenté Cecilia Malmström dans une interview accordée à la RTBF, la radio publique francophone belge. « Je crois qu’il y en aura très peu avec le Japon, c’est quand même une société qui nous ressemble beaucoup. Je vous avoue que c’est quelque chose qui n’est pas encore résolu. Mais pour l’Union européenne, c’est quelque chose qui est important », a ajouté la commissaire au Commerce.
Exclure purement et simplement les investissements
Une décision de la Cour de justice de l’UE (CJUE), rendue en mai 2017, viendra encore compliquer la donne pour l’exécutif. Appelé à statuer sur l’accord UE / Singapour, l’avocat général de la CJUE estime que la quasi-totalité des thématiques négociées dans un accord commercial relève de la seule compétence de l’UE, à l’exception des investissements, qui sont aussi de la compétence des États. Résultat ? Pour ce volet spécifique des traités commerciaux, une ratification des Vingt-huit, et non plus seulement de l’UE, est désormais jugé nécessaire. « L’opposition d’un seul parlement, national ou régional, peut dès lors menacer toute la procédure », souligne-t-on à Bruxelles.
Dans ce contexte, la possibilité d’exclure purement et simplement les investissements des accords commerciaux est de plus en plus évoqué à la Commission. Ce qui « faciliterait leur négociation et leur ratification », a laissé entendre, le 10 juillet, le vice-président de la Commission Jyrki Katainen. « Nous devons discuter de cette question avec les États membres, mais je ne serais pas surpris s’ils se mettent d’accord pour garder les accords de libre-échange comme ils sont, c’est-à-dire de la compétence de l’UE, tandis que les questions liées aux investissements pourraient être appréhendées séparément », a commenté le Finlandais à l’AFP, concluant : « avec beaucoup de nos partenaires, les accords d’investissement ne sont pas de la plus haute importance ».
Kattalin Landaburu, à Bruxelles