Au départ, on n’en a pas parlé. Mais quand Libanais et Français en chœur ont présenté le pays du Cèdre comme une plateforme régionale d’échanges au Proche, au Moyen-Orient et même au-delà en Afrique, il a bien fallu évoquer le tragique destin du grand voisin, la Syrie, et les perspectives de sa reconstruction une fois la guerre terminée. Et l’on s’en doute, la situation n’est guère réjouissante quoique réservant quelques surprises.
Ainsi, lors de l’atelier d’information sur le Liban, organisé le 3 juillet par Business France *, Claude Rufin, directeur général d’Emirates Lebanon Bank et conseiller du commerce extérieur de la France (CCEF), a indiqué que « la vie à Damas est quasi normale, et que la situation, dans la province ouest, est relativement calme ». En revanche, a-t-il ajouté, « ce n’est pas le cas dans le reste du pays, comme à Alep, d’où les habitants, Libanais et Arméniens d’origine, ont fui pour se réfugier au Liban où ils ont été accueillis ».
Les antennes en Syrie
« Il y aurait, selon les estimations, 1,5 million de Syriens au Liban. Ces gens-là connaissent évidemment leur pays », glissait encore le membre du comité Liban des CCEF, à destination des hommes d’affaires présents dans la salle de conférence de Business France, tout en soulignant que des entreprises libanaises avaient maintenu une présence déjà ancienne, donc datant d’avant la guerre, en Syrie. Autrement dit de bonnes antennes dans ce pays.
A la demande du Moci, Claude Rufin a précisé les modes de présence des sociétés libanaises : « via des partenariats locaux qui existaient déjà avant la guerre, en conservant des bâtiments, des entrepôts, en maintenant des accords de licence dans ce pays de 20 millions d’habitants ». « Je connais des entreprises libanaises qui construisent à Damas, d’autres qui exportent vers le Kurdistan (irakien), y compris en passant par la Turquie » , a-t-il encore confié.
Alors, certes, les entreprises françaises n’ont pas l’autorisation de leur gouvernement d’opérer directement en Syrie, « mais rien ne les empêche de passer par leurs liens au Liban ». Et « n’oublions pas a-t-il conclu, que toutes les grandes banques libanaises sont présentes en Syrie ».
Un secteur du BTP qui explose
« On a fermé en Syrie en 2011 », a relaté dans la foulée Nassib Nasr, directeur pour la Région du bureau implanté il y a 20 ans à Beyrouth par le spécialiste français du contrôle technique Apave. « Comment on va y retourner ? Comment on va financer ? Est-ce que les entreprises françaises, tout simplement, vont pouvoir participer à la reconstruction ? Toutes ces questions figurent déjà parmi celles que nous nous posons », a souligné ce dirigeant.
Il s’est aussi réjoui d’être basé au Liban, un pays « où l’activité de BTP est très dynamique, avec 14 millions de mètres carrés construits par an, ce secteur contribuant aussi à lui-seul à 10-12 % du produit intérieur brut ». Le Liban, « c’est un terrain d’atterrissage pour notre activité et pour l’exportation dans la région », a assuré encore le directeur du bureau régional d’Apave, qui exporte son expertise à Dubaï, en Arabie Saoudite et au Nigeria. Au passage, il a rappelé que les premiers carreaux de faïence du métro parisien ont été fabriqués à Beyrouth…
Selon Marie Maamari, la directrice de Business France Liban, le Liban est une plateforme pour de nombreux territoires du Proche, du Moyen d’Orient et d’Afrique, comme le Nigeria, la République démocratique du Congo, le Soudan, la Côte d’Ivoire ou encore le Congo. S’agissant de la Syrie, pour elle, il n’y a pas de doute : « sa reconstruction passera par le Liban ». Il y a « une logique géographique, une proximité culturelle et une complémentaire économique » entre le pays du Cèdre et son grand voisin. Les milieux d’affaires français doivent en être conscients. Et s’y préparer.
François Pargny
* Liban / Export : la France a beaucoup à faire dans ce pays très francophile
Pour prolonger :
–Agriculture / Export : l’ État lance une garantie pour les exportateurs agricoles vers l’Algérie, le Liban et l’Égypte
–Dossier Liban 2016 : une économie qui doit s’ajuster à la crise syrienne
–Atlas des risques pays – 9e édition, 2017