Pour être performant en matière d’intelligence économique, il n’y pas de modèle d’organisation unique et toute entreprise peut trouver une organisation adaptée à ses besoins. Tél a été l’un des enseignements intéressants de la IVe Matinale de la mondialisation du Medef consacrée au thème « L’information stratégique, clé de compétitivité à l’international »*, le 15 juin, animée par Le Moci.
En l’occurrence, les structures dédiées mises en place par le groupe Danone, groupe multinational, ne ressemblent guère à celles de Fives, une entreprise à taille intermédiaire (ETI) à la culture industrielle organisée comme un groupe décentralisé de PME spécialisées par métiers. Le fabricant mondial de produits agroalimentaires (produits laitiers, eau minérale, baby food…) s’adresse aux consommateurs finaux, alors que les clients du spécialiste de l’ingénierie industrielle sont des cimentiers, des aciéristes ou des verriers.
Danone se veut « éthique » et « légal »
Chez Danone, Bernard Galea a été appelé, il y a 18 mois, pour assurer la protection globale du groupe. Directeur de la Sûreté et de l’intelligence économique, il est rattaché directement au secrétaire général, c’est-à-dire au numéro deux, Bertrand Austruy, et rencontre régulièrement le directeur général, Emmanuel Faber. Une position qui lui permet d’être informé très en amont, comme ce fut le cas pour le rachat, pour 11,7 milliards d’euros, du leader des produits laitiers bio aux États-Unis, The WhiteWave Foods, annoncé en avril dernier.
Lui revient, d’abord, d’assurer la sûreté traditionnelle des employés, notamment des voyageurs d’affaires (100 000 voyages par an), et du patrimoine du groupe et, ensuite, la partie que Bernard Galea appelle plus « competitive intelligence » qu’intelligence économique, à savoir la protection du groupe des tentatives d’attaques boursières et des actifs de Danone.
Au départ, sous l’impulsion de Bernard Galea, le géant agroalimentaire a identifié les ressources internes et préparé un projet commun. Pour y parvenir, quelques grandes sociétés d’intelligence économique ont été contactées. Un travail de rationalisation par externalisation « qui s’est fait de façon éthique », a précisé Bernard Galea. Répondant à une question dans la salle sur la présence de Danone, à la fois aux États-Unis et en Iran, le responsable français a été bref, en affirmant que « le partenariat minoritaire du groupe dans les produits frais, le baby food et l’eau est fait de façon légale ». S’agissant de la Turquie, en revanche, il a été plus prolixe. « Danone, a-t-il déclaré, y étant présent dans l’eau avec des partenariats forts, il y a une analyse au jour le jour. L’intelligence économique y englobe la protection des personnels sur place en plus des voyageurs d’affaires ».
Fives développe une démarche d’ingénieur, par projet
Fives, avec des moyens financiers moindres que Danone, a pour sa part cherché une définition de l’intelligence économique qui lui corresponde et mis en place une approche par projets -grands appels d’offres, acquisition, etc…- afin de détecter le plus en amont possible d’éventuels «cailloux dans la chaussure », comme l’a expliqué son directeur du Développement international, Jean-Marie Caroff.
Dans le processus de réflexion, « ce que nous avons trouvé, c’est que l’intelligence économique est un processus de collecte et d’examen d’informations stratégiques devant nous permettre de déboucher sur des actions stratégiques », a témoigné Jean-Marie Caroff. Et ce processus doit, selon lui, obligatoirement comprendre une série d’étapes successives :
-en premier lieu le questionnement, indispensable – « une task force est constituée, dont le but unique est de formuler le questionnement, sans réfléchir aux étapes suivantes », a précisé le dirigeant à ce sujet ;
-ensuite l’établissement d’une cartographie des sources d’information ;
-puis la collecte elle-même, soit documentaire, soit humaine, des informations ;
-puis l’analyse de ces informations ;
-et, enfin, leur restitution.
Selon le directeur du Développement international de Fives, cette méthodologie doit s’appliquer autant à un appel d’offres qu’à une acquisition.
Les représentants de Danone et de Fives ont encore insisté sur la nécessité de décloisonner les services dans l’entreprise. « Souvent, un responsable pense : j’ai l’information, donc je détiens le pouvoir ». Or, « c’est faux, affirmait, à cet égard, Bernard Galea. Car l’information a une valeur temporaire. Ce qui importe, c’est comment je l’ai eu ». Donc, « la connaissance, çà se partage », estimait le dirigeant de Danone.
D’où l’importance « de désenclaver l’information » et que « chacun agisse à l’intérieur d’un réseau d’informations », a confirmé à son tour, Jean-Marie Caroff. Ce dernier a, toutefois, reconnu, que ce n’était pas si simple à réaliser et que le recours à un spécialiste extérieur pouvait s’avérer utile. Ainsi a-t-il précisé, chez Fives, « cette démarche a demandé de la formation, un programme d’acculturation en faveur de populations dans la société qui ne connaissaient pas l’intelligence économique ; nous avons donc utilisé les services d’un spécialiste capable de développer une approche ingénieur dans notre entreprise ».
Aux PME et très petites entreprises (TPE) présentes au Medef, Bernard Galea a conseillé de « se faire accompagner pour effectuer une veille et, pour ce faire, de s’adosser à quelques cabinets pour tester ». Mais « attention, a-t-il prévenu. Ne croyez pas que l’intelligence économique est une baguette magique. Elle ne va pas tout régler, mais ce qui importe, c’est ce qui est stratégique pour l’entreprise ». Un avis à ne pas négliger.
François Pargny
* Lire sur notre site l’article : Matinale / Medef : s’informer, se protéger, se mettre en conformité, nouvelles priorités de l’intelligence stratégique