Le projet de partenariat transatlantique TTIP (Transatlantic Trade and Investment Partnership) pourrait-il sortir du frigo plus tôt que prévu ? Le fait est que depuis fin mai, les rumeurs d’une relance possible des négociations de libre-échange entre l’UE et les Etats-Unis circulent des deux côtés de l’Atlantique. « Nous sommes prêts à reprendre les discussions », a déclaré le 6 juin dernier Angela Merkel dans un discours prononcé à la Chambre de commerce et d’industrie du nord de l’Allemagne. Alors que la chancelière allemande avait averti une semaine plus tôt que l’Europe ne pouvait plus compter sur les Etats-Unis, elle a, cette fois, affirmé que la conclusion d’un traité commercial pourrait contribuer au renforcement des normes sociales et environnementales et profiter aux consommateurs des deux blocs. Qu’en est-il exactement ?
En fait, ce changement de ton rappelle la volte-face récente de l’administration américaine sur le sujet. Dans une interview accordée le 30 mai au Financial Times, Wilbur Ross, le secrétaire américain au Commerce, indiquait que son pays était « ouvert » à une reprise des pourparlers avec l’UE. « Il est judicieux de continuer les négociations sur le TTIP et de travailler à une solution qui augmente nos échanges de manière générale tout en réduisant notre déficit commercial », avait-il alors expliqué, ajoutant, « ce n’est pas un hasard que nous nous soyons retirés du TPP (Traité Transpacifique) mais pas du TTIP ». Certains médias américains avaient par ailleurs annoncé, dans la foulée de ces déclarations, que la conclusion d’un accord bilatéral avec le Royaume-Uni n’était plus considérée comme une priorité par le président Donald Trump.
Le président Trump voulait négocier avec… l’Allemagne
Plusieurs facteurs seraient à l’origine de ce fléchissement de la position américaine. La visite d’Angela Merkel à la Maison Blanche en mars dernier aurait, d’abord, permis de lever certains malentendus très basiques du président américain au sujet de l’Europe. « Dix fois le Président Trump lui aurait demandé de négocier un accord avec l’Allemagne, dix fois elle aurait répondu, ‘non pas avec l’Allemagne mais avec l’UE’. A la 11e fois, Trump a acquiescé : ‘Ok on fera un traité avec l’Europe’ », confiait un proche collaborateur de la chancelière, cité par l’hebdomadaire The Times.
Partie en guerre contre les déficits commerciaux, l’administration Trump semble désormais penser qu’un accord permettrait de réduire le déséquilibre avec l’UE, et notamment avec l’Allemagne, en ouvrant davantage ces marchés aux entreprises américaines. Selon ce même calcul, un traité similaire avec le Royaume-Uni serait donc jugé moins profitable dans la mesure où la balance commerciale avec ce partenaire historique est presque équilibrée avec 51 milliards d’euros d’importations contre 50 milliards d’exportations.
Le traité reste au frigo…
« La question du TTIP n’a pas été abordée », tempère un haut responsable au Conseil européen, évoquant la courte rencontre entre Donald Trump, Donald Tusk et Jean-Claude Juncker le 25 mai à Bruxelles. Si le président de la Commission européenne a effectivement annoncé la création d’un groupe de travail conjoint « dans les mois ou semaines à venir pour rapprocher nos points de vue en matière commerciale », il a également précisé que les discussions n’avaient pas spécifiquement porté sur le TTIP. « Le traité n’est peut-être pas mort mais il est toujours au frigo », confirme ce diplomate interrogé par Le Moci, balayant les rumeurs d’une course entre Londres et Bruxelles pour conclure un accord avec Washington.
Une bonne nouvelle pour les nombreux détracteurs du traité au sein de l’UE mais aussi – peut-être – pour la première ministre britannique Theresa May ? Fragilisé par les résultats des élections législatives du 8 juin, son gouvernement cherche plus que jamais à sécuriser de nouveaux partenariats en prévision du ‘Brexit’. Ce qui expliquerait ses critiques très mesurées à l’égard de l’administration américaine, même après l’annonce du retrait des États-Unis de l’Accord de Paris sur le climat. « Elle veut éviter tout commentaire susceptible de froisser Donald Trump », soulignait un éditorialiste du Guardian.
Mais selon des hauts responsables à Bruxelles, la tactique a peu de chance de porter ses fruits. « Il faudrait déjà que Donald Trump apprenne la signification du mot commerce », ironise un diplomate. L’attitude du gouvernement britannique depuis le référendum en faveur du ‘Brexit’ donne également peu de gages quant à sa capacité de mener à bout de telles négociations.
Kattalin Landaburu, à Bruxelles