Engagée il y a treize ans, la bataille que se livrent Airbus et Boeing au sein de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), sur la question des aides publiques, a franchi une nouvelle étape le 9 juin dernier, à 10 jours de l’ouverture du 52e Salon international de l’aéronautique et de l’espace (19-25 juin). Suite à une plainte déposée par l’Union européenne (UE) et le constructeur aéronautique européen Airbus, le panel d’experts du gendarme mondial du commerce a tranché : sur les 29 points soulevés dans le dossier par les Européens, 28 ont finalement été rejetés. Des deux côtés de l’Atlantique, les protagonistes de l’affaire ont crié victoire : comment s’y retrouver ?
Selon Bruxelles, les Américains ne s’étaient pas conformés à une décision de l’OMC, rendue en 2012, exigeant le retrait de subventions et d’allégements fiscaux accordés notamment par l’Etat de Washington à l’avionneur américain, et jugés contraires aux règles du commerce mondial. Seule une exemption fiscale de 325 millions de dollars a cette fois été retoquée par les experts de l’organisation à l’encontre de Boeing. Elles concernent trois campagnes commerciales remportées par l’avionneur américain aux Emirats arabes unis, au Canada et en Islande.
Les deux parties revendiquent la victoire
Décrite comme un « échec retentissant pour Airbus et l’UE » par les responsables de Boeing, la décision de l’OMC a été qualifiée « de victoire pour un commerce équitable » par Tom Enders, le P-dg du constructeur européen. Même son de cloche à la Commission européenne. Menaçant à demi-mot de faire appel de la décision de l’OMC, la commissaire au Commerce, Cecilia Malmström, a indiqué : «Nous continuerons de défendre avec fermeté notre industrie afin de garantir des conditions de concurrence équitables. Les entreprises européennes doivent pouvoir affronter la concurrence sur un pied d’égalité. Avec le rapport du groupe spécial présenté aujourd’hui, nous faisons un pas important.» Par voie de communiqué, le Quai d’Orsay à Paris a lui aussi dénoncé des subventions qui « ont fortement affecté le marché mondial des avions commerciaux et porté gravement préjudice à Airbus ».
De l’autre côté de l’Atlantique, les responsables de Boeing ont quant à eux accusés les Européens d’avoir illégalement subventionnés l’A320 et l’A380. «Il est enfin temps que l’UE et Airbus se conforment à leurs obligations sur le plan du commerce international en retirant et en remboursant les 22 milliards reçus au titre de l’aide au lancement et autres subventions illégales qui pénalisent les entreprises aéronautiques américaines et les ouvriers américains», a indiqué Michael Luttig, le directeur juridique du groupe.
Pour la patron d’Airbus, cette « querelle ridicule » n’a servi qu’à enrichir les avocats
Mais même si l’avionneur européen chiffre à 100 milliards de dollars le manque à gagner à cause des aides accordées à Boeing, qu’il juge illégales, ses responsables seraient prêts à enterrer la hache de guerre. Tom Enders aurait confié que cette « querelle ridicule » n’avait servi qu’à enrichir les avocats.
Et les conséquences de ce conflit, inquiètent aussi aux Etats-Unis. Entamé en 2004, il risque en effet de profiter aux concurrents chinois et russes qui ambitionnent de briser le duopole des deux acteurs dominants sur le marché mondial, analysent plusieurs médias américains. Plutôt que d’entamer une nouvelle procédure d’appel, qui prolongerait la bataille d’au moins un an au sein de l’OMC, les deux parties pourraient convenir d’un arrangement. « L’UE doit cesser de trouver des faux prétextes et se joindre à nous autour de la table des négociations pour trouver un accord visant à éliminer toutes les subventions contraires aux règles du commerce mondial », a proposé Robert Lightizer, le représentant américain au Commerce extérieur.
Kattalin Landaburu, à Bruxelles