Les Européens pourraient avancer d’un an la signature d’un
accord d’association et de libre-échange, avec la Géorgie. La décision a été
rendue publique samedi 7 septembre, à l’issue d’une rencontre informelle des
ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne à Vilnius. Un épisode de la lutte d’influence que se livrent, en coulisses, Bruxelles et Moscou pour nouer des accords de libre échange avec les pays du Partenariat oriental, en Europe de l’est et dans le Caucase*.
« Malgré les apparences ce
n’est pas la Syrie qui a dominé les discussions mais bien le partenariat
oriental », précisait Carl Bildt, chef de la diplomatie suédoise, dans un
tweet publié lundi 9 septembre. « C’est une grande réussite et la
confirmation de nos progrès », se félicitait, le même jour, le premier
ministre géorgien Bidzina
Ivanishvili. Une promesse bien sûr assortie de conditions. Tbilisi pourra
signer l’accord en 2014, plutôt qu’en 2015, si le gouvernement parvient à
adopter, d’ici là, les réformes nécessaires à la modernisation de son économie.
Les
récentes menaces de Moscou pour préserver, dans sa zone d’influence, plusieurs
ex-républiques soviétiques ne sont bien sûr pas étrangères à cette accélération
du calendrier européen. « Les pressions russes vont encore s’accroître, nous
devons donc envisager les moyens d’aider ces Etats à résister », reconnaissait
Radoslaw Sikorski, le ministre polonais des affaires étrangères.
Parmi les pays
concernés par ces « pressions » figure notamment l’Ukraine, tiraillée entre
l’UE et son partenaire historique. D’un côté Bruxelles prévoit de signer un
accord d’association en novembre, lors du sommet du Partenariat oriental. De
l’autre, Moscou lui propose d’intégrer l’Union douanière composée, pour l’heure, de la Russie, du
Kazakhstan et de la Biélorussie.
Lorsque la carotte ne fonctionne pas,
Vladimir Poutine n’hésite pas à manier le bâton
Et lorsque la carotte ne fonctionne pas,
Vladimir Poutine n’hésite pas à manier le bâton. « Si nos voisins vont vers une
libéralisation du régime douanier avec l’UE (…), alors les pays de l’Union
douanière devront réfléchir à des mesures de protection », indiquait le
Président russe le 22 août dernier. Si depuis les tensions semblent s’être apaisées,
la menace d’une guerre commerciale plane toujours. Pour certains experts de la
région, d’autres scénarios plus extrêmes sont même envisageables : « La Russie peut tout à fait soutenir un
candidat au poste présidentiel lors des élections de 2015 et essayer de le
faire gagner. Si elle y parvient, le nouveau chef de l’Etat sera en mesure de
renoncer aux termes de l’accord avec Bruxelles», estime l’eurodéputé polonais
Paweł Zalewski.
Autre exemple similaire et plus récent, celui de la
Moldavie. Le 3 septembre dernier, Moscou mettait en garde Chisinau en cas de
signature de l’accord d’association avec l’UE, également programmé en novembre
prochain. Un rapprochement susceptible
d’avoir des « conséquences graves », entre autres sur l’avenir de la région séparatiste
de Transnistrie ou encore sur la libre circulation des produits et des
travailleurs moldaves, menaçait le gouvernement russe.
Le même jour Vladimir
Poutine remportait néanmoins une autre bataille avec l’Arménie. Après une rencontre avec le
Président arménien, Serge Sarkissian, ce
dernier annonçait que son pays allait rejoindre l’Union douanière. « C’est une
décision rationnelle qui découle des intérêts nationaux de l’Arménie »,
expliquait-il. La Russie est en effet le plus grand partenaire commercial et le
plus grand investisseur étranger dans le pays.
A Bruxelles, la Commission toujours prudente dit
vouloir d’abord «évaluer la situation et consulter les pays membres et
partenaires », avant de se prononcer sur les conséquences d’une telle décision.
Mais les chances de parapher, comme prévu, un accord avec Erevan à l’issue du
sommet du Partenariat oriental paraissent sérieusement compromises. « Si
l’Arménie décide de rejoindre l’Union douanière, cela veut dire qu’elle ne
pourra pas signer d’accord de libre-échange avec l’Union européenne »,
déclarait à l’AFP Linas Linkevicius, le ministre lituanien des affaires
étrangères, ajoutant : « nous respectons les choix faits par chaque pays mais
on ne peut pas faire partie des deux organisations en même temps à cause de contraintes
tarifaires différentes ».
Dans ce contexte, difficile de prédire l’issue du
sommet du Partenariat oriental à Vilnius, programmé comme le temps fort de la
Présidence lituanienne de l’UE. Portées par les pays de la “nouvelle Europe”,
les ambitions d’élargissement à l’est se heurte au rêve russe de voir l’union
douanière déboucher sur une union économique eurasiatique
Kattalin Landaburu, à Bruxelles
*Arménie, Azerbaidjan, Biélorussie, Géorgie, Moldavie, Ukraine