Les entreprises du continent africain ont des difficultés à recruter localement le personnel dont elles ont besoin alors que l’Afrique possède la population la plus jeune du monde. Les 15-24 ans sont déjà plus de 200 millions ! L’Afrique devra relever le défi de la formation pour installer durablement une éventuelle révolution industrielle, une formation des ressources humaines indispensable pour favoriser la montée en compétence des entreprises africaines et leur compétitivité.
Dans le cadre d’un fil conducteur consacré à la transformation économique et à la création de valeur locale, la troisième table ronde du Forum Afrique MOCI /CIAN (notre photo) du 3 février*, intitulée « Ressources humaines : quelles compétences pour quels jobs » s’est penchée sur la problématique de la formation sur le continent.
Les échanges ont été nourris par les témoignages succincts d’entreprises françaises impliquées dans la formation en Afrique.
Des besoins en formation dans l’aéronautique
Le groupe Air France-KLM est ainsi très présent en Afrique où il desservira plus de 50 destinations cette année, avec notamment des ouvertures de lignes sur le Maroc. À son arrivée chez Air France-KLM Afrique il y a trois ans et demi, Frank Legré, directeur général Afrique d’Air France-KLM, constate une forte présence d’expatriés parmi les personnels des aéroports. « J’ai été frappé par le nombre d’expatriés qu’on avait en Afrique par rapport à d’autres zones. On avait deux à trois fois plus d’expatriés qu’en Asie, où j’avais travaillé, ou en Amérique latine », raconte Frank Legré.
Devant ce constat, la compagnie aérienne réfléchit à comment « mieux développer le talent » de ses cadres africains. « On a commencé d’abord par faire une cartographie des postes pour voir quels sont ceux qui pourraient être occupés raisonnablement par des cadres africains à court terme, explique Frank Legré. En parallèle, continue-t-il, nous avons aussi mis en place un système de détection des talents ». Explications.
Air-France met alors en place des programmes de formation professionnelle internes pour promouvoir l’évolution de ses salariés au sol. « Chaque année, renseigne le directeur général, on forme une douzaine de cadres africains francophones et anglophones ». Certes, le chiffre reconnaît-il est modeste, mais « en quelques années, nous allons réussir à réduire de 40 % le nombre d’expatriés d’Air France et de KLM en Afrique ». Les métiers concernés sont principalement ceux de chef d’escale et de responsables des ventes, Air France accordant de l’importance à développer « les soft skills », c’est-à-dire la capacité au management de diverses activités telles que « les relations avec les fournisseurs, avec le siège, avec les autorités locales, comment vous managez les équipes », résume ainsi le dirigeant.
Certains pays, en particulier la Côte d’Ivoire et le Sénégal, ont pris conscience de la nécessité de « développer le secteur de la formation notamment dans l’aéronautique », a affirmé Frank Legré. Et de citer l’exemple d’Air Côte d’Ivoire. La compagnie aérienne a été confrontée « au manque de pilotes » lorsqu’elle a dû renouveler ses pilotes d’un âge avancé. « Aujourd’hui, observe Frank Legré, chez Air Côte d’Ivoire il y a encore beaucoup de pilotes français ou européens ». Air Côte d’Ivoire a donc initié en 2014 un programme pour recruter des jeunes Ivoiriens, âgés entre 22 et 26 ans, pour les former aux métiers de pilote. « Cette initiative, souligne Frank Legré, vient simplement des Ivoiriens qui se sont aperçus que ce n’est pas tenable d’avoir en permanence des pilotes expatriés dans une entreprise comme Air Côte d’Ivoire ».
RH-Excellence Afrique, un programme de formation pour améliorer l’employabilité des jeunes
Pour former les jeunes africains à des emplois répondant aux besoins des entreprises africaines et aux besoins de l’économie, le CIAN (Conseil français des investisseurs en Afrique) a lancé en octobre 2014 l’initiative RH-Excellence Afrique. Soutenue par la fondation AfricaFrance et Medef International, l’association et son programme RH-Excellence Afrique (REA) a vocation à promouvoir et renforcer sur le continent le contenu des cursus pour des jeunes du niveau CAP à bac + 3. C’est l’objectif du label qu’elle délivre aux établissements qui adhèrent au programme.
Le programme a été créé sur la base d’un partenariat public-privé entre entreprises et centres de formations professionnelles publics ou privés. « À ce jour, nous avons 37 établissements affiliés sur 10 pays », a précisé Mohamed Diakité, directeur depuis un an de RH-Excellence Afrique, dont le siège est à Abidjan.
Le label RH-Excellence Afrique a vocation à répondre aux besoins réels des entreprises africaines et étrangères qui n’ont pas accès à une main d’œuvre qualifiée, et ont donc recours à l’embauche d’expatriés « ce qui leur coûte cinq fois plus cher », selon Mohamed Diakité. Le label permet de former des jeunes sans emplois aux métiers qui participent aux développement économique du continent.
HEC Paris Executive Education propose des formations pour les mangers et cadres-dirigeants africains
Pour former les salariés locaux, les entreprises africaines et étrangères peuvent aussi faire appel à des établissements de formation privés, un marché qui attise l’intérêt des grands établissements français. HEC Paris Executive Education propose ainsi des formations professionnelles conçues pour les managers et cadres africains à travers une gamme de programmes certifiants, courts, diplômants, online (qui se suivent ligne) et sur-mesure. « Il faut toucher le plus grand nombre. Le but de ces programmes est bien évidemment d’insuffler cette culture de l’entrepreneuriat », a indiqué Armelle Dufour, directrice des Projets Global Initiatives chez HEC Paris Executive Education.
L’école de commerce parisienne a mis en place des programmes avec la Banque centrale des États d’Afrique de l’Ouest (BCEAO). Elle s’est également associé à la Banque africaine de développement (BAD) pour former des jeunes entrepreneurs du Togo, en étroite collaboration avec les autorités togolaises. Avec la Confédération générale des entreprises de Côte d’Ivoire (CGE CI), HEC Paris a signé le 3 septembre 2014 des conventions portant sur deux programmes de formation certifiants à destination des dirigeants et des managers d’entreprise à Abidjan. « L’Afrique pour nous, c’est un enjeu important, on y est depuis une dizaine d’années. On a formé plus de 20 000 participants », a conclu Armelle Dufour.
La valorisation des jeunes talents demeure primordiale en Afrique pour accélérer la création de valeur. La formation professionnelle reste un sujet de préoccupation majeur pour 12 millions de jeunes Africains qui entrent chaque année sur le marché du travail. En 2050, ils seront 20 millions. Le défi est d’autant plus considérable qu’à la clé c’est l’industrialisation du continent qui en dépend.
Venice Affre
*Pour prolonger :
– Forum Afrique Moci / CIAN 2017 : les secteurs prioritaires pour accélérer la transformation industrielle du continent
– Forum Afrique MOCI / CIAN 2017 : les conseils et les solutions pour accélérer la marche vers une révolution industrielle