Lors de la présentation du bilan 2016 du commerce extérieur de la France*, le 7 février au Quai d’Orsay, le secrétaire d’État au Commerce extérieur, à la Promotion du tourisme et des Français à l’étranger, Matthias Fekl, ne pouvait que regretter une nouvelle érosion des exportations françaises, de – 0,6 % exactement en 2016, celles-ci tombant ainsi à 452,9 milliards d’euros (Mds EUR, FAB).
Dans un contexte mondial compliqué – pour la première fois depuis 2009, le commerce mondial (+ 1,9 %) a progressé moins vite que la croissance économique (+ 3,1 %) – la France a fait un peu mieux dans l’Union européenne (UE), tandis qu’elle affichait un léger repli dans le reste du monde. De façon concrète, les ventes tricolores ont gagné 0, 3 % dans l’UE à 264,9 Mds EUR et régressé de 2,1 % dans les pays tiers à 178,36 Mds EUR. Paradoxalement, les meilleures croissances à l’export se trouvent toutes hors UE : en Suisse et en Arabie Saoudite, puis à Hong Kong, à Singapour et en Inde.
L’Espagne devient le deuxième pays client
Si l’on entre plus dans le détail, plusieurs constats sautent aux yeux : d’abord, le rôle prépondérant de l’UE est confirmé. Ce n’est pas nouveau, l’espace communautaire est de loin la première zone cliente de la France avec une part de 59,8 % en 2016 (dont 46,4 % rien que pour la zone euro), loin devant l’Asie (12,7 %), les Amériques (10,9 %) et 7,2 % pour l’Europe hors UE.
Ensuite, en 2016, l’Hexagone n’a pas progressé de façon homogène à l’intérieur des zones. Dans l’UE, ses ventes ont ainsi progressé de 2 % en Espagne (33,25 Mds EUR), son voisin du sud devenant du coup son deuxième pays client dans le monde au détriment des États-Unis (32,7 Mds EUR), mais loin derrière l’Allemagne (71,5 Mds EUR), restée stable en 2016. Dans son « rapport 2016 sur la stratégie du commerce extérieur de la France et la politique commerciale européenne », Matthias Fekl rappelle d’ailleurs que l’Allemagne est « notre premier partenaire, avec 17 % de nos échanges » et que « les cinq premier marchés de la France, tous européens, concentrent près de la moitié (45 %) de nos exportations : Allemagne, Belgique, Italie, Espagne et Royaume-Uni ».
Dans cet épais document, le secrétaire d’État ajoute que, même si « au cours de la dernière décennie, nos exportations vers l’UE sont restées peu dynamiques, dans une région marquée notamment par la crise prolongée de la zone euro (…), l’UE et les autres économies développées devraient, toutefois, rester des marchés majeurs à moyen terme ». Et Matthias Fekl de conclure sur le sujet : « à horizon de 10 ans, 9 de nos 10 premiers marchés mondiaux à l’export devraient rester des économies avancées, dont 6 pays européens : Allemagne, Royaume-Uni, Belgique, Pays-Bas, Italie, Espagne ».
Bonne nouvelle, la France a également accru ses ventes en Italie de 1,4 % en 2016 à 32,5 Mds EUR. En revanche, elles ont chuté lourdement aux Pays-Bas de 8 % à 16 Mds EUR et se sont réduites de façon plus modérée avec la Belgique de 0,9 % à 30,1 Mds EUR. Autres hausses ou baisses notables, avec l’Irlande (+ 10,5 % à 2,9 Mds EUR), l’Europe centrale (+ 3,5 % à 25,3 Mds, notamment République tchèque, + 7,8 %, et Pologne, + 6,2 %, mais – 10,7 % en Hongrie) et les pays baltes (+ 8,2 % à 1 Md EUR).
Rebond des exportations en Russie, chute en Chine
Toujours en Europe, mais hors UE, la France a accru ses livraisons de +8,5 %, à 4,9 Mds EUR, malgré les sanctions économiques qui freinent les échanges avec la Russie. Il est vrai que le commerce avec cette dernière a connu une descente en enfer de -12,1 % et – 33,2 % successivement en 2014 et 2015. Cette reprise est liée à des livraisons aéronautiques et automobiles. Dans cette région, elle est inférieure à la poussée des exportations françaises en Suisse, de + 10,8 % à 15,3 Mds EUR.
Hors Europe, la France a surtout subi en 2016 des baisses, notamment en Chine (- 10,7 %), en Afrique (- 10,5 %) et au Proche et Moyen-Orient (- 7,2 %). En Chine en raison notamment du recul des livraisons aéronautiques, les exportations de l’Hexagone ont tout juste franchi la barre des 16 milliards, soit en valeur absolue la moitié du chiffre réalisé par la France aux États-Unis.
La veille de la présentation du bilan 2016 du commerce extérieur, Matthias Fekl et son collègue Stéphane Le Foll, ministre de l’Agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, se félicitaient de la décision de la réouverture du marché américain à la viande bovine tricolore. Une bonne nouvelle, qui n’efface pas d’autres risques. Avant le départ de l’ancien président Barack Obama, son Administration menaçait de surtaxer les producteurs de roquefort à l’entrée sur le territoire de l’Oncle Sam pour obliger l’Union européenne à une ouverture plus large au bœuf américain.
Matthias Fekl appelle l’Europe à moins de « naïveté »
Aujourd’hui, ce qui inquiète le plus, les exportateurs tricolores sont les projets exacts du successeur à la Maison Blanche, dont on craint des mesures fortement protectionnistes. Comme le soulignait le 7 février Matthias Fekl, « Trump est imprévisible et impulsif ». Ne cachant pas alors son aversion pour le nouveau chef d’État américain, il a appelé à la résistance.
« La Commission européenne, l’Union européenne est un échelon politique indispensable à l’action. Je suis un Européen convaincu », a répété le secrétaire d’État, qui a rappelé qu’il avait été « élevé en Allemagne ». « Mais il faut que cet échelon prenne des décisions efficaces et rapides », a-t-il encore défendu, et ne fasse pas preuve de « naïveté ». Des propos, alors que la crise sociale et politique s’amplifie en Europe, qui pourraient être partagés au sein de tous les grands partis européens, y compris français. Sans doute une nouvelle rafraîchissante à l’approche d’élections politiques majeures en France et outre-Rhin.
François Pargny
*Lire sur notre site : Commerce extérieur / France : contre-performance confirmée pour l’export tricolore en 2016 et Commerce extérieur / France : un panorama sectoriel inquiétant