A la tête de la Fédération des industries nautiques (Fin) depuis avril 2014, Yves Lyon-Caen est à la fois un homme déterminé, prudent et réfléchi. Fonder Nautic Festival SA, une société spécialisée dans l’organisation des salons dont la Fin la propriété des marques, à savoir le Nautic de Paris et le Yachting Festival de Cannes, pouvait paraître naturel, puisque, « à l’international, les salons nautiques sont généralement gérées par les fédérations nationales », indiquait-il en ouverture d’une conférence de presse, le 20 janvier, en bord de Seine.
De même, pouvait apparaitre comme une ambition naturelle le fait de vouloir maintenir ces deux manifestations dans le Top 3 en Europe, derrière le Boot de Düsseldorf, le plus grand salon des bateaux et des sports nautiques qui ouvrait le lendemain jusqu’au 29 janvier. Sauf qu’à y regarder de plus près, le cap pris par la Fin n’est pas si naturel ! D’abord, il répond à une urgence : sauver le Nautic de Paris du naufrage que la plupart de ses concurrents européens subissent déjà. Ensuite, il s’agit de se donner les moyens de maintenir le paquebot que constitue le Yaching Festival dans le sillage du Boot. Deux objectifs confirmés, à la demande de la Lettre confidentielle, par Yves Lyon-Caen, qui s’est contenté d’un hochement affirmatif de la tête et d’un grand sourire qui en disait long. Sur le plan juridique, la partie n’est pas gagnée, puisque le géant Reed, à qui était confiée jusqu’à présent les deux salons, a intenté un procès pour conserver l’organisation du rendez-vous de Cannes*.
Düsseldorf fait la course en tête
« Nous avons la volonté de développer, dynamiser, revitaliser certains aspects de ces évènements que nous considérons comme insuffisamment stimulés », a exposé, très diplomatiquement, le président de la Fin. En clair, la fédération reproche à son ancien partenaire sa vision financière court termiste, alors que, pour elle, c’est l’avenir de la profession et des salons dont il est question. Ce divorce prend sa source dans les statistiques des grands salons spécialisés sur le continent, fournies par la Fin entre 2008 et 2016. A l’exception de Düsseldorf et Cannes qui ont gagné en exposants (+ 8 % et + 5 %), mais ont perdu en nombre de visiteurs (- 1 % et – 7 %), tous les autres ont reculé, y compris Paris (- 12 % pour les exposants, – 19 % pour les visiteurs).
Même si la Fin rêve « d’un trio » en Europe Boot-Yachting Festival-Nautic, ce dernier s’enfonce dangereusement ». Pour les autres salons européens, tente de relativiser la fédération, « la décroissance est beaucoup plus forte, souvent en corrélation avec les réalités économiques traversées par les entreprises ». Selon Yves Caen-Lyon, « Barcelone a presque disparu du panorama des exposants (- 57 %, mais aussi – 64 % pour les visiteurs), Gênes a perdu 60 % de son visitorat (mais aussi 60 % de sa participation), Londres devient un évènement local (- 44 % d’exposants et – 20 % de fréquentation) et Southampton a un peu mieux résisté quant à la participation (- 12 %), mais a plongé en matière de fréquentation (- 38 %) ».
Globalement, Düsseldorf est le numéro un incontesté (1 745 exposants et 240 000 visiteurs en 2016). Cannes demeure, avec 530 exposants l’an dernier, au même niveau que Southampton pour les exposants (540), mais attire encore moins de visiteurs (52 000 contre 75 000). Manifestation grand public, Paris est numéro trois européens pour la participation (868 exposants), derrière Gênes (1540), mais occupe la deuxième position en matière de fréquentation (204 000 visiteurs), devant la cité italienne (127 000). « Nous voulons faire de Paris (en décembre), comme de Düsseldorf (fin janvier) et de Cannes (septembre), un point de passage mondial des exposants, des visiteurs et des médias », a répété Yves Lyon-Caen.
Des contacts avec le Salon de la plongée de Paris
Pour y parvenir, Nautic Festival SA, « filiale à 100 % de la Fin, autonome sur le plan opérationnel », selon Yves Lyon-Caen, avance déjà des solutions. Son directeur général Alain Pichavant, commissaire général du Nautic, – qui sera assisté de Fabien Métayer (avec le titre de président), directeur général de la Fin, a expliqué, lors de la conférence de presse, la volonté de « se rapprocher des exposants », en « anticipant les évolutions des modes pratiques (numérisation, technologies 3D…) ». Il s’agit aussi de diversifier l’offre « avec le surf, la plongée comme à Düsseldorf, la tourisme fluvial, la pêche », et développer des partenariats pour attirer des jeunes, car « l’âge moyen dans la profession augmente et les sorties du nautisme dépassent les entrées ».
Des contacts auraient ainsi été pris avec le Salon international de la plongée sous-marine qui se tient tous les ans en janvier à Paris, à la Porte de Versailles comme le Nautic. « Le nautisme doit accueillir l’ensemble de la communauté de plaisance. Ce sont des frères et, aujourd’hui, nos pratiquants sont des multi pratiquants », a justifié Yves Lyon-Caen. Quant à élargir le salon au point de passer du monocoque au multicoque, « nous n’avons ni la taille ni l’accessibilité à la Porte de Versailles et devons absolument nous limiter à une partie multicoque et conserver notre épicentre avec le monocoque », a justifié le président de la Fin.
En revanche, a-t-il admis, « il faut redonner le goût à des professionnels étrangers d’exposer à Paris et retrouver la vocation du Nautic qui était d’être un lieu d’expérimentation ». L’internationalisation des salons est enjeu crucial dans la compétition mondiale : trois bateaux français sur quatre sont exportés. Un des défis qui attend la Fin, confirmait Fabien Métayer à la LC à l’issue de la conférence de presse, est de mobiliser la mairie de Paris autour du Nautic. « Pour le moment, nous nous félicitons que le nautisme vienne d’être intégré à la politique maritime nationale. Il faut nous faire encore connaître des nouveaux exécutifs régionaux, a-t-il ajouté, et pour le salon de Paris faire mieux comprendre à la municipalité ce que le Nautic peut apporter de retombées économiques, avec des animations et un intérêt renforcé en général ».
Un Conseil de surveillance, avec Jean-Daniel Compain
Directeurs opérationnels de Nautic Festival SA, Fabien Métayer et Alain Pichavant seront adossés à un Conseil de surveillance, composé de quatre membres de la Fin et dans la même proportion de personnalités extérieures de la plaisance et du nautisme (spécialistes événementiels, journalistes, exposants…), dont le premier, attentif au premier rang lors de la conférence de presse, est déjà désigné. Il s’agit de Jean-Daniel Compain, ex-directeur du pôle Culture, luxe et loisirs de Reed Expositions, une recrue de choix, puisqu’il avait chez son ancien employeur le Yachting Festival dans son portefeuille de manifestations.
Autre horizon pour la Fin, les élections présidentielles en France. Le 1er septembre, la fédération a lancé Nauticlab, une plateforme collaborative. « Elle est ouverte à tous et notre but est rédiger un plan de développement de la filière nautique, qui sera présenté lors de la prochaine Assemblée générale de la Fin en mars », a rappelé Fabien Métayer. L’industrie nautique regroupe plus de 5 000 entreprises et emploie plus de 40 000 personnes dans l’Hexagone. Ce plan sera, ensuite, présenté à l’ensemble des candidats à l’élection présidentielle.
François Pargny
*Lire au sommaire de la LC d’aujourd’hui : Nautisme / Salon (2) : Le Yachting Festival, peut-il plonger en raison de la lutte entre la fédération et Reed ?
-Nautisme / Nomination : George Armendariz nommé CEO Groupe région Amériques de Bénéteau
–Foires et salons France-Monde 2017