« La seule véritable
originalité de la Chine, c’est sa population et son espace importants. C’est un État de 1,3 milliard d’habitants avec 30 provinces qui sont autant de pays
différents dans les faits. Par conséquent, la prévision y est bien difficile et
le passage d’une société d’exportation à une société de consommation peut y
être très rapide comme très lente », a expliqué Jean-Luc Domenach,
directeur de recherche au Ceri
(Centre d’études et de recherches internationales), lors du séminaire de
l’Institut français de la mode (IFM),
sur les perspectives internationales en 2012 dans la mode et le textile, le 29
novembre, à Paris.
Selon le sinologue français, il y
a une « déchirure » au sein du Comité central du Parti communiste
chinois (PCC) entre « la Chine des côtes » ou les
« Shanghaiens », tenants d’une politique d’exportation, et les
provinces de l’intérieur appuyées par la capitale Pékin,
plus enclines à développer une politique sociale et de déplacement des usines
vers l’ouest. Or, lors du prochain Congrès du PCC en 2012, le président Hu
Jintao devrait être remplacé par le vice-président Xi Jinping, un Shanghaien.
Pour autant, « la population
active va plafonner à partir de 2015, ce qui va donner une position de force
aux employés qui pourront réclamer des hausses de salaires », estime
Gildas Minvielle, responsable de l’Observatoire économique de l’IFM. Le XIIe
plan quinquennal, lancé cette année, prévoit déjà une hausse des salaires
minimum de 13 % chaque année. Et la hausse des coûts de main d’œuvre pousse
déjà certaines entreprises à se délocaliser à l’intérieur du territoire
national.
« La bataille est rude au
sein du comité central, mais les dirigeants sont quand mêmes conscients que
d’asseoir le développement économique sur le seul pilier de l’exportation est
dangereux », constate Jean-Luc Domenach, selon lequel cette nouvelle
orientation « rejoint le souhait de la population qui veut connaître le
bonheur ». Et de préciser. « La population méprise le régime
communiste. Mais elle estime aussi que c’est mieux que la catastrophe de la
Chine de Mao. C’est pourquoi les Chinois ont beaucoup travaillé. Mais
aujourd’hui, ils veulent consommer et accéder aux loisirs ».
D’après les données officielles,
la consommation devra passer d’une part de 47 % à 55 % du Produit intérieur
brut (PIB) en 2015. Par ailleurs, relève Gildas Minvielle, « alors que la
population s’élèvera à un 1,4 milliard d’habitants en 2020, le taux
d’urbanisation progressera de 50 % aujourd’hui à 60 %. « Le fait que les
actifs sont de plus en plus individualistes et que les ouvriers deviennent des
consommateurs va de pair avec une ouverture sur l’extérieur, qui est très
progressive, car, dans l’esprit des Chinois, le bonheur, la jouissance et le
plaisir viennent de l’étranger », expose Jean-Luc Domenach.
Pourquoi les Français sont si bien
vus en Chine ? « Parce que si les Français sont considérés comme un
peu fumistes et prétentieux, les Chinois les perçoivent aussi comme des êtres
romantiques, ce qui pardonne tout », répond le chercheur du Ceri. Le luxe
serait pour l’Hexagone un atout majeur, dans la mesure où les femmes de grandes familles ou riches »,
trouvent dans le luxe « une façon d’exister ». Quant aux hommes, ils
« aiment acheter des mallettes pour dire je suis le patron et des grosses
montres pour paraître contrôler le temps ».
Les riches, un segment de
population qui « veut montrer », seraient au nombre de cinq millions.
Mais rien ne dit que cette catégorie très fortunée demeurera en Chine, certains de ses
membres quittant déjà le pays. D’où l’importance de la classe moyenne, qui
émerge dans des villes comme Shanghai. Toutefois, rien n’indique à ce jour
qu’il y a aura demain une classe moyenne de masse ou des strates de population
avec des plus ou moins riches.
François Pargny
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internationales (Ceri), Jean-LucDomenach, [email protected], tél.: 01 58 71 70 67
Institut français de la mode
(IFM), Gildas Minvielle, [email protected], tél. : 01 70 38 89 89