Nous avons vu comment sécuriser les risques de non- paiement. L’acheteur, lui, souhaite se garantir contre les risques de défaillances du vendeur lors de l’exécution du contrat. D’où le recours aux garanties de marché, cautions, garanties autonomes (en anglais, bonds et guarantees) : c’est un outil au service des acheteurs pour s’assurer que leurs fournisseurs rempliront leurs obligations contractuelles.
Nous nous devons de les aborder ici car il se peut qu’au long de son parcours, l’exportateur soit amené à en faire émettre par son banquier pour gagner un contrat. Ces actes sont le plus souvent particulièrement contraignants pour le donneur d’ordre de ces types de garantie (l’exportateur) et les textes imposés par certaines banques locales sont aux limites de l’abus (par exemple, interdiction à une banque contre-garante de respecter une décision d’un tribunal lui enjoignant de ne pas payer le bénéficiaire en cas de présomption d’appel abusif).
Il faut en effet savoir qu’aucun texte de règles universellement reconnu au plan international n’est vraiment parvenu à s’imposer, malgré les efforts de la CCI, de sorte que c’est souvent le texte de la garantie qui fait la loi et que celui-ci est bien souvent imposé par l’acheteur, le bénéficiaire de la garantie.
Voici, pour mémoire, les différents textes internationaux existant sur les garanties : Garanties contractuelles (ICC, publication 325, 1978) ; Garanties sur demande (ICC, publication 458, 1992) ; Contact Bonds (ICC publication 524, 1995) ; Convention des Nations Unies sur les garanties indépendantes et les lettres de crédit standby (1997) ; ISP 98 (ICC, publication 590, 1998) ; Garanties sur demande (version révisée, ICC, publication 758, 2010). À l’international, ce sont les garanties à première demande qui prédominent. Pour rappel, voici ci-dessous en PDF un tableau synthétique des principales caractéristiques et différences entre caution et garantie à première demande.
On distingue les garanties directes émises par la banque de l’exportateur des garanties indirectes, émises par une banque locale et contre-garantie par une banque de l’exportateur. Il est évident que nous privilégions la délivrance de garanties directes. En cas de mise en jeu, l’exportateur pourra en effet plus facilement empêcher le paiement des fonds au bénéficiaire par une intervention auprès du tribunal. Cette démarche s’avérera plus problématique dans le cas de garantie indirecte. En effet, dans ce cas, il s’agira d’un engagement émis par une banque locale, du pays de l’importateur et l’action devant un tribunal sera plus problématique.
Ce point est important car près d’une centaine de pays exigent systématiquement une caution ou garantie émise par une banque locale, au moins pour les marchés publics. Et, de plus en plus, les marchés privés sont calqués sur les marchés publics.
Dans le cadre de la garantie indirecte, qui implique l’intervention d’une banque locale, les conséquences sont nombreuses pour l’exportateur :
– des coûts supplémentaires ;
– des délais d’émission plus longs ;
– des textes souvent très contraignants ;
– des clauses « proroger ou payer » (extend or pay) qui retarde l’extinction de la garantie ;
– des difficultés plus grandes pour l’obtention de la mainlevée.
À quoi servent les principales garanties de marché ?
Nous allons explorer les différents types de garanties pouvant être demandés à un exportateur par son client.
La garantie de soumission (tender guarantee, bid guarantee, tender bond, bid bond)
Elle peut être demandée, par exemple dans le cadre d’un appel d’offres, au moment de la soumission.
Elle garantit le sérieux financier de l’offre.
C’est un engagement bancaire de payer une indemnité à l‘importateur, si le vendeur retire son offre pendant la période d’offres ou refuse ou n’est plus en mesure de signer le contrat dans les termes de son offre.
Montant : soit un pourcentage de 1,5 à 3 % du montant de l’offre soit, de plus en plus souvent, un montant forfaitaire.
Le conseil de Jean-Claude
Retardez l’entrée en vigueur de la garantie de soumission à l’ouverture des plis. Essayez de lier sa mainlevée :
• soit à l’entrée en vigueur du contrat si l’entreprise a été retenue ;
• soit à l’émission d’une garantie de bonne fin d’exécution, si celle-ci est prévue dans le texte de la garantie de soumission ;
• soit à l’attribution du marché à un autre soumissionnaire ;
• ou encore à un délai calendaire lié à l’expiration de la période de validité des offres.
La garantie de restitution d’acompte
(Down Payment ou Advance Payment Guarantee)
Elle garantit l’acheteur qui a accepté de verser un acompte à la commande à son fournisseur contre le non-respect des obligations du vendeur. Elle permet aussi à l’exportateur de négocier plus facilement des acomptes pour l’entrée en vigueur des contrats et pendant leur exécution.
Le conseil de Jean-Claude
En tant qu’exportateur/fournisseur, lier l’entrée en vigueur de la garantie de restitution d’acompte à la réception de l’acompte dans ses comptes. Prévoir des clauses de réduction au fur et à mesure des livraisons ou prestations diverses.
Exemple : « Le montant de cette garantie se réduira automatiquement en proportion de la valeur de chaque livraison, à réception par nous-mêmes des copies de la facture commerciale et du document d’expédition y relatifs, étant entendu que nous sommes d’ores et déjà autorisés à considérer lesdites copies comme preuves concluantes que ladite livraison a bien eu lieu. »
La garantie de bonne fin d’exécution
(Performance Guarantee)
C’est un engagement bancaire d’indemniser l’acheteur en cas de défaillance du vendeur dans l’exécution du contrat. Son montant est en moyenne de 10 à 15 % du montant total du contrat. Parfois 20 %, selon les contraintes locales.
Selon les cas, elle demeure valable soit jusqu’à la réception définitive (s’il n’y a pas de réception provisoire) sinon jusqu’à cette dernière.
La garantie de dispense de retenue
(Retention Money Guarantee)
En cas de réception provisoire et de retenue financière de 5 %, elle permet au vendeur d’encaisser la totalité du contrat sans attendre la réception définitive.
Attention au risque de ne jamais avoir la réception définitive !
Le conseil de Jean-Claude
• Pour toutes ces garanties, compte tenu du chevauchement de certains d’entre elles, prévoir une clause interdisant l’appel cumulatif. Exemple : « La présente garantie ne pourra être appelée cumulativement avec la garantie de……….. ».
En anglais : « The present guarantee cannot
be set in action (or called) cumulatively with the bank guarantee for…….. »
• Autre clause utile afin de pouvoir discuter éventuellement un appel que l’on jugerait abusif : la clause de délai de grâce.
Exemple : « Copie de votre demande adressée à notre client, spécifiant la nature de sa défaillance et lui demandant d’y remédier dans un délai de …………. ».
En anglais : « Copy of your written notice to our customer, specifying the breach of contract and requesting him to remedy it within a delay of…….. »
À noter que la brochure bilingue de la CCI, Uniform Rules for Demand Guarantees, 2010, ICC EF 758, propose de nombreux modèles de clauses très pratiques.
Il existe aussi des modèles proposés par exemple par la CCI, très souvent utilisés par les banques françaises. Hélas, dans le cadre de garanties émises par des banques locales, certaines d’entre elles ne manquent pas d’imagination pour insérer des clauses aux limites de l’abus, non négociables. Nous présentons ci-dessous en PDF, quelques modèles de garanties, en français et en anglais.
Les principaux risques liés aux garanties
Dans le cadre de ces opérations, le vendeur est plus particulièrement exposé aux risques liés à la non-obtention de la mainlevée et à l’appel abusif.
– Les risques liés à la mainlevée
Curieusement, de nombreuses entreprises confondent toujours la mainlevée ou annulation de la garantie (en anglais, release or cancellation) avec la validité (expiry date).
Rappelons-le une bonne fois : la date de validité est la date à partir de laquelle la garantie ne peut plus être appelée par le bénéficiaire. La mainlevée est l’annulation de la garantie dans les livres de la banque. La mainlevée peut être automatique (liée à la date de validité ou à un fait générateur), spécifié dans le texte de la garantie, ou sollicitée. Dans ce dernier cas, l’obtention de la mainlevée auprès de la banque locale peut s’avérer être un véritable parcours du combattant !
Conséquences de la non-obtention de la mainlevée : tant qu’elle n’est pas obtenue, les commissions sont perçues et le montant des cautions et garanties échues figure dans les engagements financiers en annexe au bilan. Le plafond de ces engagements ne diminuant pas, ceci limite les possibilités d’émission par les banques de nouvelles garanties au risque pour l’entreprise de ne plus pouvoir répondre à des appels d’offres ou encore de lancer des appels de fonds pénalisant ainsi sa trésorerie.
Le conseil de Jean-Claude
1. Pour se protéger, il faut donc suivre très rigoureusement le développement de l’offre et de l’exécution des contrats afin de relancer efficacement les mainlevées.
2. Plus efficace : essayer de substituer l’émission d’une lettre de crédit standby à celle de cautions et garanties, même si ce n’est pas encore dans les mœurs des entreprises françaises. En effet, la mainlevée est automatique dans le cas où la garantie a été émise sous la forme d’une lettre de crédit standby dès lors que la date de validité est atteinte (voir ci-dessous en PDF le modèle de rédaction).
Le risque d’appel abusif
Il y a qualification d’appel abusif, lorsque le donneur d’ordre a rempli ses obligations et que néanmoins le bénéficiaire appelle le garant en paiement.
Dans la pratique, l’appel abusif résulte le plus souvent du risque politique. Il s’agit dans la majorité des cas d’entreprises nationales agissant ainsi sur instructions de l’État. On constate rarement des appels abusifs dans les marchés privés. Il s’avère alors le plus souvent que c’est un « discret » appel de l’acheteur à son fournisseur pour obtenir une remise de prix..
La plupart des assureurs crédit proposent une couverture spécifique contre les risques d’appels abusifs.
Check-list des points essentiels d’une garantie
– Les parties en présence
Donneur d’ordre (vendeur), bénéficiaire (s)( le client), banque (s).
– Date d’entrée en vigueur
Exemple : ouverture des plis, réception d’un acompte, entrée en vigueur du contrat
– L’objet
Soumission, restitution d’acompte, etc..
– Type de garantie
Directe ou contre-garantie
– Le montant
Toujours spécifier le montant maximum d’engagement de la banque
– Contenu
Conditions diverses, intérêts de retard, contraintes pour le donneur d’ordres, clause de non-appel cumulatif, délai de grâce, clause de délégation, etc., force majeure
– Conditions d’appel
Justification précise et détaillée de la défaillance du vendeur
– Date de validité
Événements, calcul
Attention aux clauses « proroger ou payer » (extend or pay)
– Conditions de mainlevée
Sollicitée ou automatique
– Droit applicable et tribunal compétent
Dans le cadre d’une contre-garantie, ce sera le plus souvent le droit local du pays de la banque émettrice de la garantie principale
Avis d’expert Fidal
Les garanties de marché
Les garanties relatives à des opérations du commerce international représentent aujourd’hui un élément incontournable de la négociation entre acheteurs et vendeurs. Toutefois, une attention particulière doit être portée au schéma et au mécanisme juridique de garantie envisagés.
Bien que la pratique commerciale internationale assimile très souvent les concepts de « cautionnement » et de « garantie », ils sont soumis à des régimes juridiques différents, notamment en ce qui concerne leur formalisme, leur efficacité et leur mise en jeu. Alors que les « cautionnements » ont un caractère accessoire de l’obligation – ils garantissent et dépendent de l’exécution du contrat commercial –, les « garanties » peuvent être indépendantes et autonomes par rapport au contrat commercial sous-jacent.
Par ailleurs, selon le schéma de garantie envisagé (direct ou indirect), l’exportateur peut supporter des risques et des coûts différents : la garantie directe est généralement octroyée par le banquier de l’exportateur et elle est régie par le droit de ce dernier, tandis que la garantie indirecte est généralement octroyée par une banque du pays de l’acheteur (avec la contre-garantie de la banque de l’exportateur), selon le droit local. Des coûts additionnels sont à prévoir pour la rémunération de la banque locale.
Où trouver de l’info et du conseil
Bibliographie sélective
– Numéro spécial annuel du Moci, Atlas des risques pays à l’usage des opérateurs du commerce international, J.-C. Asfour, coordination C. Gilguy, Le Moci n°1893, 23 juin 2011.
– Crédits documentaires, Lettres de crédit standby, Cautions et garanties, H. Martini, D. Depree & J. Klein-Cornede, Revue Banque Editeur, 2010.
– L’anglais des contrats internationaux, E. Boye, Litec, 2008.
– Mieux gérer vos crédits documentaires et vos lettres de crédit standby, J.-C. Asfour, Gualino, 2007.
– Management des opérations de commerce international, H. Martini, G. Legrand, Dunod, 2007.
– Dictionnaire des difficultés de l’anglais des contrats, F. Houbert, Maison du dictionnaire, 2006.
– La gestion du risque client à l’international, J.-C. Asfour et J.-L. Malard, Le Moci, 2006.
– Réussir ses affaires à l’international, P. Levanti, L. Lucias, J. Studer-Laurens, Vuibert, 2006.
– La pratique des garanties bancaires dans les contrats internationaux, AFB Diffusion, 1999.
– Gérer les appels d’offres internationaux, I. Pariente, Dunod, 1999.
En anglais :
– International Trade, an essential guide to the principles and practice of export, J. Reuvid & J. Sherlock, 2011, Kogan Page
– Handbook of international trade and finance, A. Grath, 2008.
Toutes les publications de la CCI, en particulier :
– Règles uniformes de la CCI relatives aux garanties sur demande, CCI 758, 2010.
– Règles uniformes de la CCI relatives aux crédits documentaires, CCI 600, 2007.
– International Standard Banking Practices (ISBP), CCI n° 681, 2007 (version française : PBIS, n° 681 F).
– ICC Force Majeure and Hardship clauses, CCI n° 650, 2003.
– International Standby Practices, ISP98, CCI 590, 1998 ou version française :
– Règles et pratiques Internationales relatives aux standby, RPIS 98, 1999.
– Formulaires types pour l’émission de garanties sur demande, CCI 503, 1994.
Quelques sites Internet
www.cofacerating.fr : analyse pays Coface
www.ondd.be : site du Ducroire (assureur belge). Plus de 200 pays analysés mensuellement (risque de
non-transfert, risque souverain, etc.)
www.oecd.org/fr : site de l’OCDE : risques pays + consensus OCDE (crédit acheteur)
www.transparency.org : observatoire de la corruption
www.iccwbo.org : site de la Chambre de commerce internationale ; textes divers
www.interex.fr : infos économiques pays, infos sur techniques du commerce international
www.oanda.com/conver/classic : convertisseur 164 monnaies
www.credica.credit-agricole.fr : infos Incoterms et crédit documentaire
www.lemoci.com : infos et fiches sur les différentes techniques du commerce international
Bons plans
– Assurance-crédit export publique
Pour aider ses exportateurs, la France dispose d’un dispositif d’assurance-crédit export qui permet de couvrir, dans les pays émergents et en développement : les exportateurs contre le risque d’interruption de leur contrat (le risque dit « de fabrication ») ; les banques contre le risque de non-remboursement des prêts qu’elles accordent aux clients des exportateurs pour financer leur achat.
Pour une PME, jusqu’à 100 % du montant du contrat peuvent être couverts. C’est un dispositif utile lorsque votre client demande des délais de paiement longs et, en plus, une possibilité de financement. À noter que la Direction des garanties publiques de Coface, qui gère ce dispositif, s’est dotée d’une sous-direction Développement international des PME pour faciliter aux PME l’accès à cette aide.
– Garanties publiques
Les banques sont parfois frileuses pour émettre des garanties de marché à la demande de PME (moins de 50 millions d’euros de CA) concourant à des appels d’offres. Pour inciter les banques à émettre davantage de ces garanties (soumission, restitution d’acompte, bonne fin, etc.), l’État a mis en place un dispositif dénommé « garantie de caution sur risque exportateur » qui réduit les risques des banques en les contre-garantissant. Coface et Oséo gèrent ce dispositif réservé aux garanties sollicitées par des PME.
Autre dispositif intéressant, également géré par Coface et Oséo : les garanties de préfinancement des exportations. Elles facilitent l’octroi par la banque de l’exportateur de crédits pour préfinancer ses opérations liées à des contrats (notamment pour lancer la fabrication). (Détails en annexe).