Quand l’Allemagne, le premier partenaire commercial de la France, annonce une croissance économique de 1,9 % en 2016, on comprend que les entreprises de l’Hexagone établies sur le premier marché européen soient optimistes. On vient d’en avoir la confirmation avec la présentation, à laquelle était conviée la Lettre confidentielle, du rapport d’enquête 2106 « perspectives et mesure du niveau d’autonomie des filiales françaises en Allemagne », à Paris, le 16 janvier, réalisé par la Chambre de commerce française en Allemagne (CCFA) et le comité Allemagne des conseillers du commerce extérieur de la France (CCEF).
Au total, la France dispose de 4 000 sociétés outre-Rhin (représentant 400 000 emplois), mais, en vérité, « on évalue à 2 300 celles qui font du commerce extérieur, dont 50 % avec un chiffre d’affaires de moins de 10 millions d’euros et 80 % un effectif inférieur à 250 salariés », a tenu à préciser Frédéric Berner, directeur général adjoint de la CCFA. « Au nombre global, il faut, notamment, retrancher tous les entrepreneurs individuels qui ont une petite entreprise, un commerce, en particulier ceux qui bénéficient d’un régime frontalier privilégié », selon le président de l’institution consulaire, basée à Sarrebruck, Aman Rufin.
Suisse, Autriche… marchés de redistribution
Si on s’en tient au bilan de l’année écoulée, 20 % des filiales outre-Rhin représentent 20 à 50 % du chiffre d’affaires de leur maison mères et même, pour 6,2 %, c’est plus de la moitié. Le poids de ces entreprises ne risque pas de s’envoler, si l’on considère que près de 38 % estiment que leur chiffre d’affaires doit bondir de plus de 30 % dans les trois prochaines années et près de 50 % de plus de 10 %. « L’Allemagne est considérée comme un marché stratégique », a ainsi pointé Frédéric Berner.
Enfin, ce qu’a relevé Alain Bentéjac, qui préside le Comité national des CCEF, « 95 % au moins ont une implantation extérieure à partir de l’Allemagne et même 40 % ont entre deux à cinq implantations additionnelles ». L’Allemagne est considérée comme « une plateforme de redistribution et les entreprises françaises démontrent ainsi qu’elles ont compris tout l’intérêt du made in Germany pour exporter », a commenté le directeur général adjoint de la CCFA, en citant comme marchés ciblés, « d’abord Suisse et Autriche, puis Europe du Nord et, enfin, pays de l’Est ». Plus encore, plus de 55 % veulent investir sur place au moins 10 % de leur chiffre d’affaires au cours des trois années à venir en Allemagne et 53 % augmenter leur effectif.
De la difficulté de faire de la croissance externe
Dans l’enquête CCFA-CCEF, un focus était posé sur « le niveau d’autonomie des filiales ». Le rapport 2016 montre que seules 27 % des filiales sont représentées au comité de direction (Codir) de leur maison mère et plus de 88 % des entreprises françaises se développent en Allemagne par croissance organique. « Ce qui signifie que moins de 12 % font de la croissance externe, et, pourtant, cette option prend de l’ampleur, en raison de la pyramide des âges en Allemagne », explique Frédéric Berner. En fait, aujourd’hui, les entreprises familiales qui ont connu les trente glorieuses rencontrent des problèmes de succession. En outre, le marché du travail est très tendu, car le chômage est bas, de l’ordre de 6 % au niveau fédéral et seulement 4 % dans certains länder majeurs, à l’instar du Bade-Wurtemberg et la Bavière.
Répondant à une question de la LC sur les opportunités offertes aux entreprises françaises en matière de fusion-acquisition, le directeur général adjoint de la CCFA s’est montré prudent, relativisant au passage leur intérêt dans la mesure où « 6 % seulement des transmissions concernent des sociétés avec plus de deux millions de chiffre d’affaires ». « Seules 14 % vont à des investisseurs tiers, a-t-il encore pointé. 50 % des sociétés restent encore dans la famille et le reste aux salariés, confrères, amis ou arrêtent toute activité ». Pour lui, il est donc indispensable de bien identifier les cibles potentielles, d’approcher ensuite les dirigeants en leur proposant un projet, y compris en matière de ressources humaines, « pour être audible ».
Des filiales françaises en veille technologique
En matière commerciale et de marketing, les filiales possèdent un certain degré d’autonomie, puisque 34,7 % déterminent leur politique de gamme souverainement et 46,4 % décident avec leur maison-mère. Une part importante également, près de 42 %, possède des installations industrielles et 21,5 % ont même déclaré que leur production propre contribuait à plus de la moitié de leur chiffre d’affaires. Plus impressionnant encore, les trois quarts environ effectuent elles-mêmes leur veille technologique, un élément d’autant plus important de leur activité que près de 60 % possèdent un bureau d’études outre-Rhin et plus de 62 % un service de recherche et développement (R et D). Elles ont, d’ailleurs, des partenariats de R et D avec des entreprises pour plus de 43 % et avec des universités et instituts pour plus de 35 %. Quelque 60 % des répondants utilisent encore le levier de la finance publique pour leur recherche-développement, et elles achètent, pour 52 % des entreprises, des licences et pour près de 40 % des brevets.
S’agissant des ressources humaines, 32,6 % consacrent plus de 2 % de leur budget à la formation, contre 0 pour 15 %. « On est dans la moyenne allemande, qui est de 2 à 5 % », estime Frédéric Berner. Et les cadres français restent très minoritaires, de l’ordre de 10 %. Dans 47 % des entreprises, on parle essentiellement anglais. Enfin, jouant la carte de l’intégration au terroir, au land, 45 % des filiales françaises indiquent appartenir à des associations (clubs d’affaires, cercles…). Et 62 % sont membres de syndicats professionnels.
François Pargny
Pour prolonger :
-Logistique / Allemagne : Alexander Tonn nommé directeur général Allemagne de la division European Logistics de Dachser
-Lutz Diederichs nommé responsable du groupe BNP Paribas pour l’Allemagne
-Allemagne / France : Main d’œuvre et transmission d’entreprise, les ratés du Mittelstand
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-Guide business Allemagne 2015